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Trump et les 20 % de droits de douane, quels impacts pour les entreprises françaises ?

Le président américain Donald Trump a officialisé une nouvelle vague de droits de douane, ciblant massivement les importations européennes et asiatiques. Un dispositif qui entrera en vigueur, par plancher, dès le 5 avril. Cette décision rebat les cartes du commerce international et place les entreprises face à un nouveau défi stratégique. Décryptage.

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
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Entreprendre aux Etats-Unis sous Trump
Entreprendre aux Etats-Unis sous Trump

L'annonce tant attendue est tombée. Elle conforte l'idée qu'avec le président américain, il s'agit de frapper fort et vite. Le 2 avril, depuis les jardins de la Maison-Blanche, Donald Trump a dévoilé le dispositif central de sa stratégie « America First » : une refonte des droits de douane, désormais personnalisés par pays, allant d'un taux plancher de 10 % pour le Royaume-Unis à des niveaux pouvant atteindre 54 %. L'Union européenne figure parmi les régions les plus touchées, avec un taux moyen de 20 % appliqué à l'ensemble de ses exportations vers les États-Unis.

La Chine, déjà sous pression tarifaire depuis plusieurs années, se voit imposer un taux cumulé de 54 %, tandis que plusieurs pays d'Asie du Sud-Est, comme le Vietnam (46 %) ou le Cambodge (49 %), sont également lourdement impactés.

"Des pays comme l'Allemagne, l'Italie, sont beaucoup plus impactés, exposés à l'économie américaine", a toutefois expliqué ce jeudi matin Julien Marcilly, chef économiste chez Global Sovereign Advisory, sur BFM Business. "Leur excédent commercial vis-à-vis des États-Unis représente à peu près 2 % de leur PIB", comparativement à un niveau "beaucoup plus faible pour des économies comme la France et l'Espagne", a-t-il précisé.

La filière des vins et spiritueux très impactée

Les États-Unis demeurent de loin le premier débouché international pour les vins et spiritueux français, en particulier les bordeaux, champagnes et cognacs. En 2024, ce marché représentait 3,8 milliards d'euros, soit 24,5 % de la valeur totale des exportations françaises du secteur, d'après les données annuelles de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Concernant spécifiquement les spiritueux - avec le cognac en tête - les exportations vers les États-Unis ont atteint 1,5 milliard d'euros, soit près d'un tiers (32,9 %) des volumes exportés à l'échelle mondiale.

Dans un communiqué, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) a exprimé sa vive inquiétude, estimant que les nouvelles surtaxes américaines pourraient entraîner une baisse de près de 800 millions d'euros pour les exportations françaises du secteur viti-vinicole. Elle alerte sur des répercussions particulièrement lourdes, tant en termes d'activité que d'emplois, évoquant un impact majeur sur l'économie de la filière.

Le secteur laitier partage ces préoccupations. Invité ce jeudi matin sur BFM Business, François-Xavier Huard, directeur général de la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil), a qualifié ces annonces de "mauvaise nouvelle", pointant du doigt certaines "incohérences" dans la stratégie américaine. Les exportations françaises de produits laitiers vers les États-Unis représentent aujourd'hui environ 350 millions d'euros par an, un volume qui, selon la Fnil, a doublé en 15 ans.

Une taxe déguisée à 300 milliards de dollars

Ces droits de douane s'appliquent à des flux d'importation estimés à plus de 3 200 milliards de dollars en 2024, peut-on lire dans Les Echos. À eux seuls, les droits planchers de 10 % équivalent à une hausse d'impôts annuelle de 300 milliards de dollars, explique le quotidien économique. Le dispositif entrera en vigueur en deux temps : les taux planchers s'appliqueront dès le 5 avril, tandis que les niveaux les plus élevés seront effectifs à partir du 9 avril.

Le président américain justifie cette réforme par la nécessité de rétablir un « équilibre commercial » en réponse à trois décennies de ce qu'il qualifie d' « abus étrangers ». Un rapport de 397 pages, publié par son administration, recense les barrières commerciales et fiscales identifiées dans 60 pays et alimente la logique de « réciprocité douanière ».

Des conséquences immédiates sur les marchés

La réaction des marchés a été immédiate. Wall Street a enregistré une forte correction à l'annonce des mesures, avec une chute de plus de 4 % pour le Nasdaq et de 3 % pour le S&P 500. Le message envoyé aux investisseurs est clair : les États-Unis s'engagent dans une politique commerciale beaucoup plus conflictuelle et imprévisible, souligne Les Echos. Les secteurs de l'automobile, de la distribution et de la logistique figurent parmi les plus exposés à cette reconfiguration tarifaire, d'autant que certains droits de douane sectoriels (notamment sur les véhicules importés) sont activés indépendamment de cette nouvelle grille.

Un enjeu stratégique pour les directions financières

Pour les directeurs administratifs et financiers, cette évolution appelle une révision rapide des chaînes d'approvisionnement, des stratégies d'import-export et des dispositifs de couverture des risques. Les entreprises européennes exportant vers les États-Unis devront anticiper des baisses de marge, voire envisager des relocalisations partielles ou des ajustements contractuels. "Avec un droit de douane minimum de 10 % sur toutes les importations, les produits français deviennent automatiquement plus chers sur le marché américain. Les entreprises devront ajuster leur politique tarifaire pour limiter l'impact sur leur compétitivité. Les directeurs administratifs et financiers (DAF) devront réévaluer les marges et anticiper les risques de perte de parts de marché", nous précise Meriam Ben Boubaker, VP International CFO Alliance.

Par ailleurs, certaines matières premières - dont l'acier, l'aluminium et plusieurs produits agricoles - restent soumises à des droits déjà en place, tandis que d'autres secteurs, comme les semi-conducteurs ou les produits pharmaceutiques, bénéficient temporairement d'une exemption. Les entreprises françaises, intégrées dans des réseaux de production globaux, feront face à une hausse des coûts des matières premières et composants importés des États-Unis ou d'autres régions affectées. Pour Meriam Ben Boubaker, les conséquences sont multiples : "Inflation des coûts d'importation, pesant sur la rentabilité instabilité dans les échanges commerciaux, notamment avec des pays comme la Chine, également ciblés par ces surtaxes ; nécessité de diversifier les fournisseurs, obligeant à revoir les stratégies de sourcing et de gestion des stocks pour éviter les ruptures", précise-t-elle.

Vers une nouvelle architecture du commerce mondial

Si Donald Trump a laissé la porte ouverte à d'éventuelles négociations bilatérales, celles-ci restent conditionnées à une ouverture totale des marchés partenaires. Il exige notamment la suppression de leurs propres droits de douane, la fin de la manipulation monétaire et des engagements massifs en faveur des produits américains.

Pour les observateurs économiques, cette politique s'apparente à une rupture profonde avec les principes du libre-échange. L'économiste Paul Krugman évoque une « folie », tandis que d'autres y voient la fin de l'ordre commercial international tel qu'il s'est structuré depuis la Seconde Guerre mondiale.

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