Quel régime fiscal pour les gains issus de management packages ?
Dans cette tribune, Bruno Knadjian et Christopher Theris, avocats associés chez Herbert Smith Freehills LLP détaillent les implications fiscales de la nouvelle réforme en vigueur concernant les management packages.

En l'absence d'un cadre légal clair, la multiplication des redressements fiscaux et sociaux liés à la requalification salariale des gains de management packages a forcé le législateur à sécuriser le traitement fiscal et social applicable à ces gains dans le cadre de la loi de finances pour 2025.
Avant l'adoption de cette loi, trois arrêts du Conseil d'État du 13 juillet 2021 établissaient que les gains de cession de titres attribués ou acquis par des salariés dans le cadre de management packages devaient être imposés dans la catégorie des traitements et salaires chaque fois qu'ils avaient été reçus par le manager en contrepartie de ses fonctions salariées ou de mandataire social du groupe.
Dans ces cas, le gain de cession n'était alors pas assimilé à une plus-value mobilière taxable au taux fixe maximal de 34 % comme pour les autres investisseurs personnes physiques, mais soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, moins favorable avec un taux marginal de 49%.
Pour remédier à cette insécurité, la loi de finances pour 2025 a instauré un nouveau régime fiscal et social applicable aux gains de management packages - qu'ils relèvent d'un plan légalement qualifié (actions gratuites (AGA), stock-options, BSPCE), ou non (actions de préférence (ADP), bons de souscription d'actions (BSA), actions ordinaires, etc.).
Désormais, lorsque les titres ont été attribués ou acquis en contrepartie des fonctions exercées par le dirigeant ou salarié dans l'entreprise émettrice ou dans toute société fille ou mère, le gain de cession reste qualifié de plus-value pour sa fraction inférieure à un seuil fixé à trois fois la performance financière de l'entreprise sur la période d'investissement (1). La fraction du gain excédant ce seuil est alors qualifiée de revenu salarial (2).
En revanche, lorsque le lien avec les fonctions ne peut être établi, le gain demeure hors champ du nouveau dispositif et peut bénéficier d'une imposition conformément au régime des plus-values mobilières en intégralité.
1/ En dessous du seuil de performance : imposition selon le régime des plus-values au taux maximum de 34 %
Les gains issus des management packages sont imposés selon le régime des plus-values mobilières, au taux maximal de 34 %, dans la limite du seuil de performance financière, sous réserve que :
les titres cédés présentent un risque de perte du capital souscrit pour le manager; et
les titres aient été détenus par le manager pendant au moins deux ans, à l'exception des titres attribués ou acquis dans le cadre de plans légalement qualifiés pour lesquels aucune détention minimale n'est exigée.
2/ Au-dessus du seuil de performance : imposition selon le régime des traitements et salaires au taux maximum de 59 %
La fraction des gains nets dépassant le seuil de performance financière (ou son intégralité si les conditions mentionnées au 1. ne sont pas cumulativement remplies) est soumise au barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ainsi qu'à une nouvelle contribution sociale spécifique de 10 %, à verser par le manager[2], soit une taxation globale potentielle pouvant atteindre 59%.
Conséquences pratiques du nouveau régime d'imposition des Management Packages
La loi de finances pour 2025 a le mérite de clarifier le traitement fiscal et social des management packages dans les situations où les gains nets de cession perçus par les managers dépassent significativement la performance financière de la société.
Toutefois, elle emporte des conséquences fiscales pratiques à anticiper par les équipes de management :
-la détermination de l'existence d'un lien entre l'attribution ou l'acquisition des titres et l'exercice de fonctions salariées par le manager reste toujours d'actualité et peut encore donner lieu à des divergences d'interprétation. Les habitudes rédactionnelles et la sécurisation fiscale et sociale des management packages nécessitent donc toujours d'adapter les dispositifs contractuels pour limiter les indices pouvant permettre d'établir un lien avec les fonctions salariées ou de direction ;
-les plus-values d'apport réalisées à l'occasion de réinvestissement par les managers tombent désormais dans le champ du nouveau dispositif fiscal et ne peuvent plus bénéficier d'un régime de sursis ou de report d'imposition (pour la partie de la plus-value dépassant le seuil de performance financière rappelé ci-dessus). Les managers devront donc s'interroger sur le coût fiscal et social de leur réinvestissement, notamment dans les scénarios de successions de LBO ;
-les titres détenus en PEA devront également faire l'objet d'une attention particulière dans la mesure où la loi de finances pour 2025 interdit désormais l'inscription de titres issus de management packages dans les PEA.
Face à ces nouvelles règles, certains managers se sont rassemblés et ont fondé l'Alliance des Entrepreneurs et Salariés Investisseurs (ALESI) pour porter la voix des dirigeants et salariés, qui n'avaient pas été intégrés aux discussions menées dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2025.
Si les pouvoirs publics n'envisagent, pour le moment, pas de revenir sur la réforme afin de ne pas compromettre la sécurité juridique du dispositif, des discussions sont en cours pour en préciser l'interprétation dans un BOFiP qui devrait être publié prochainement. Plusieurs points sont à l'étude, la question du traitement fiscal de plus-values d'apport dans les scénarios de réinvestissement étant leur priorité.
Les parties prenantes souhaitent également clarifier l'appréciation du plafond de taxation lorsque les cessions s'opèrent concomitamment sur une multitude de catégorie de titres (actions ordinaires, actions gratuites, actions de préférence,...).
La pratique de structuration, de la négociation et de la rédaction des managements package ne tardera pas à s'adapter à la nouvelle donne. Il faut rappeler que la pratique de la place a déjà beaucoup évoluée (mais de façon assez diverse et sans solution évidente) depuis les arrêts rappelés ci-dessus, et une stabilisation de la pratique serait, en toute état de cause une conséquence souhaitable du nouveau régime.
Comme mentionné ci-dessus la question de la détermination de l'existence d'un lien entre l'attribution ou l'acquisition des titres et l'exercice de fonctions salariées ou dirigeant par le manager restera toujours d'actualité, et la notion de "contrepartie" devra être définie de façon précise par la doctrine administrative et la jurisprudence à venir. A ce titre on peut s'attendre à deux phénomènes.
En premier lieu, les management packages qui sont de façon assez évidente une contrepartie des fonctions du manager pourront être structurée pour rentrer dans le nouveau régime. Pour ces packages on peut s'attendre à un retour à la pratique rédactionnelle assez courante avant la jurisprudence de 2020 du fait que l'enjeu de souligner l'absence de corrélation entre le statut de salarié ou dirigeant et l'investissement aura disparu. Les clauses de good leaver, bad leaver ou des clauses de non-concurrence pourront donc être introduite de façon assez naturelle ce qui répondra aussi à la demande des investisseurs qui entende non seulement aligner les intérêts des managers avec ceux des investisseurs avec les management packages mais aussi sécuriser la pérennité de la relation et la valeur ajoutée apportée par le manager à la société cible de leur investissement.
En revanche, certaines situations donneront certainement lieu à la recherche d'un traitement diffèrent lorsque le manager est aussi investisseur, mais lorsqu'il est moins évident que l'investissement soit la "contrepartie" de sa fonction d'employé ou dirigeant dans la société. Cette situation peut typiquement se rencontrer avec des fondateurs de la société qui sont des investisseurs primaires et aussi des dirigeants de la société. Dans ces situations les parties pourront légitimement souhaiter que l'ensemble des gains puisse bénéficier du régime des plus-values peu importe le montant des gains de sortie réalisée et sans application du plafond. C'est surtout dans ces cas que les bonnes pratiques de structure et de rédaction traitant le manager autant que possible comme un investisseur parmi les autres gardera toute sa pertinence.
Enfin, un point dont il faut souligner l'importance consiste dans le fait que les packages devront toujours s'assurer de l'existence d'un risque de perte du capital pour le manager, pour éviter que l'ensemble des gains de cession soient soumise au régime des traitements et salaires. Il faudra donc éviter des dispositions contractuelles protégeant le manager contre la perte de sa mise de départ.
On peut aussi s'interroger sur l'impact du nouveau régime sur les négociations à venir entre managers et investisseurs. Comme il a été rappelé ci-dessus, les managers ont pu s'émouvoir du fait que la réforme fait peser sur eux le poids de la fiscalité et des prélèvements sociaux (au bénéfice d'un régime clair et allégé coté société). On peut se demander si les managers et leurs conseils ne chercherons pas à refléter cette nouvelle réalité dans les termes économiques des packages devant être mise en place à l'avenir.
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