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Facturation électronique, clôture comptable : quand l'IA permet l'«interconnectabilité»

IA, réforme de la facturation électronique, clôture des comptes... ces sujets ouvrent la porte à de nombreuses évolutions pour la fonction Daf, et sont par ailleurs souvent interconnectés entre eux. Entretien avec Mickael Mina, directeur de l'IA chez Sage, il partage sa vision d'une IA au service d'un écosystème interconnecté entre directions financières, acteurs, banques, Etat, etc.

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
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Facturation électronique, clôture comptable : quand l'IA permet l'«interconnectabilité»
© Sage

Pourquoi avez-vous lancé « Sage Network », nouvelle plateforme BtoB ?

M.M. : Nous avons fait le constat que derrière la facturation électronique, se cachent des enjeux fondamentaux tels que la traçabilité, la fiabilité et la conservation des données au sein d'un réseau interconnecté. Ces éléments sont précisément ceux qui alimentent l'intelligence artificielle. Ainsi, nous avons décidé de transcender la simple logique de logiciel pour embrasser une vision plus globale : celle d'une plateforme en réseau, entièrement interopérable avec l'ensemble des acteurs du circuit de facturation, comme les fournisseurs, experts-comptables, institutions bancaires ou l'État.

Quelles nouvelles fonctionnalités opère Sage Network ?

M. M: Jusqu'à présent, la valeur de la donnée résidait essentiellement dans l'interprétation et l'usage qu'en faisait l'utilisateur. Avec la facturation électronique et notre nouvelle plateforme, nous ne parlons plus d'un logiciel isolé, mais d'un écosystème connecté. La donnée devient ainsi plus fiable et plus riche, alimentée en continu par l'ensemble des acteurs. Nous créons ainsi des flux de données connectées qui nourrissent une intelligence artificielle plus efficace. Cette approche progressive et transparente facilite la conduite du changement et rend l'IA plus accessible et acceptable pour tous les utilisateurs. Ainsi, ce qui semblait initialement dissocié - la réforme fiscale et l'intelligence artificielle - se révèle être intimement lié par la donnée, véritable dénominateur commun de cette transformation.

Comment l'IA impacte-t-elle concrètement les opérations comptables ?

M. M : Avant la réforme de la facturation électronique, nous avions déjà entamé l'automatisation de nombreux processus intégrés dans nos produits. Demain, nous visons une transition vers un circuit de facturation entièrement digital, couvrant la gestion des fournisseurs, la facturation, le paiement et la réconciliation. Le potentiel de l'IA agentique est immense, permettant de traiter l'ensemble du processus de paiement de bout en bout. Par exemple, dans un back-office d'entreprise, des agents IA pourront extraire et analyser les factures, générer des bons de commande, envoyer des e-mails en cas d'anomalie, valider les factures et les comptabiliser. Nous sommes actuellement dans une phase embryonnaire, mais avec l'IA agentique (convertir les connaissances en actions) nous pourrons aller encore plus loin et plus vite, notamment dans le traitement des factures. Le gain de productivité pour les comptables sera considérable, passant de 10 000 à 40 000 factures traitées par an. Tout cela converge vers l'élimination de la clôture comptable, en accélérant les traitements, transactions, validations et saisies.

Comment l'IA peuvent-elles transformer encore plus ce secteur ?

M. M. : La gestion des données en temps réel sera la première étape vers cette transformation, nous rapprochant d'une comptabilité en temps réel. Le constat est parti d'une étude réalisée en janvier, qui montrait que les PME consacrent en moyenne 7,2 jours à la clôture comptable. Cette période est dédiée à la vérification, la saisie, la correction et la validation des données, et n'est pas optimale. En conséquence, les entreprises n'ont une vision claire de leurs performances budgétaires et financières qu'au milieu du mois suivant. Bien que la clôture ne disparaisse pas totalement, notre objectif est de la rendre plus transparente, simple et fluide, en passant d'un concept de « fast closing » à celui de « no closing ».

Grâce à l'intégration de 'IA, nous avons déjà réduit le temps de clôture de notre direction financière de 7 à 3 jours. Cette avancée repose sur des fonctionnalités telles que l'automatisation et la détection simple, utilisant des techniques de machine learning. Avec le potentiel croissant de l'IA, nous visons à réduire ce délai à un jour et demi, transformant ainsi le rôle du Daf. Ce dernier, libéré des tâches de saisie, validation et correction, pourra se concentrer davantage sur le pilotage des chiffres et devenir un véritable partenaire stratégique pour les métiers et la direction. L'IA générative facilitera cette transition en permettant d'interroger les bases de données en langage naturel, rendant les processus plus efficaces et intuitifs.

Sur quels kpi's travaillez-vous pour opérer ses transformations ?

Nos efforts de développement au sein de l'IA Factory se concentrent sur trois leviers majeurs rendus possibles par l'IA : l'automatisation de certaines tâches et analyses qui permet de gagner un temps considérable ; la détection la détection d'anomalies et d'erreurs, voire de risques de fraude ; et la prédiction, basée sur des données historiques, qui permet de fournir des prévisions plus précises, répondant ainsi à une demande croissante des directeurs administratifs et financiers.

En combinant ces trois leviers, nous nous rapprochons d'une gestion en temps réel, permettant une meilleure prise de décision et une élimination progressive des délais de clôture. L'IA, en traitant les données plus rapidement et en détectant des éléments que l'humain pourrait manquer, contribue à une gestion plus efficace et proactive.

Quels sont les atouts d'une gestion en temps réel pour un Daf ?

Une grand majorité de PME estimaient qu'une vision en temps réel de leurs flux financiers les aiderait à prendre de meilleures décisions, notamment en matière d'investissement, et à réaliser des prévisions plus précises. L'IA renforce également la capacité des entreprises à anticiper les tendances futures. Ces deux aspects - la prise de décision éclairée et la précision des prévisions - sont complémentaires et essentiels pour la gestion financière des PME, pour mieux comprendre leur situation actuelle et planifier leur avenir avec plus de clarté et de confiance.

Que pensez-vous du possible report de la facturation électronique à nouveau envisagé au niveau législatif ?

Cette proposition nécessite encore plusieurs étapes avant une éventuelle adoption. Il est donc prématuré de conclure sur son issue finale. Néanmoins, ce potentiel report ne constitue pas un sujet majeur. En effet, la réforme de la facturation électronique n'est que l'aboutissement d'un processus de transformation que les entreprises doivent entamer dès aujourd'hui. Le véritable enjeu réside dans la dématérialisation des processus financiers pour accroître la productivité, la fiabilité et la transparence. Ainsi, même si le calendrier de la réforme devait évoluer, celle-ci reste inévitable et représente une opportunité pour les PME de progresser vers la numérisation. La réforme ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais plutôt comme une chance de moderniser et d'optimiser les pratiques financières. La préparation se fait dès aujourd'hui, et la plateforme Network en fait partie et y répond.

Quelles sont les ambitions de Sage pour 2025 ?

Nous nous concentrons actuellement sur la question de la confiance accordée à l'intelligence artificielle (IA), un enjeu crucial dans le domaine financier. Bien que l'IA soit globalement bien perçue par les directeurs financiers, un paradoxe subsiste : malgré cette perception positive, la confiance demeure un des freins majeurs. Nos études révèlent que les principales préoccupations de nos clients concernent la confidentialité des données, les questions éthiques, et la crainte que l'IA ne puisse égaler la performance humaine. Notre défi est de renforcer cette confiance, tant en amont qu'en aval du processus.

Avec l'émergence de l'IA générative, nous constatons que les données ne se limitent plus à des logiciels traditionnels, mais s'expriment également via des assistants conversationnels. Ces derniers transforment les données brutes en langage naturel, rendant les interactions plus fluides et intuitives. Cependant, cette évolution nécessite une vigilance accrue pour garantir que l'IA ne génère pas de données biaisées ou erronées. Notre objectif est de veiller à ce que les réponses fournies par l'IA soient fiables, sécurisées, confidentielles et éthiques.

Comment vous expliquez ces blogages ?

M.M : Bien que des outils d'IA générative soient facilement accessibles et que des tests aient été réalisés en phase de recherche et développement, l'intégration de ces technologies dans les logiciels financiers et comptables ne peut se faire à la légère. La précision et la fiabilité sont impératives dans ces domaines, où l'approximation n'a pas sa place.

Notre priorité est donc de renforcer la confiance dans l'IA en garantissant l'étanchéité et la sécurité des données. Actuellement, nous sommes en phase d'entraînement intensif de nos modèles au sein de l'IA Factory, afin de les adapter aux spécificités de chaque métier et domaine d'activité, y compris les exigences de la réforme fiscale et de la facturation électronique.

L'IA générative présente l'avantage de pouvoir traiter une multitude de domaines, mais elle souffre également d'un défaut majeur : elle ne sait pas dire « je ne sais pas ». Cette limitation pourrait conduire à des « hallucinations », c'est-à-dire à des réponses erronées ou biaisées. Dans le contexte financier, cela pose un risque significatif. Notre défi est donc de parfaire l'entraînement de nos modèles pour éviter ces écueils et garantir des résultats fiables et précis.

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