Comment la fintech Defacto va financer les 1,8M pour les PME de la défense ?
La fintech française Defacto a annoncé qu'elle porterait à 1,8 milliard d'euros annuellement sa capacité de financement pour la trésorerie des entreprises du secteur de la défense. La rédaction a rencontré Charlotte Gounot, CFO de Defacto pour en savoir plus.

La fintech française Defacto a dévoilé jeudi 20 mars 2025 son intention de relever, dès l'été 2025, sa capacité de financement à 1,8 milliard d'euros pour soutenir la trésorerie des entreprises du secteur de la défense. Fondée en 2021, la société cible prioritairement les petites structures de la base industrielle et technologique de défense (BITD), un écosystème composé de 4 500 entreprises, dont 800 considérées comme stratégiques ou critiques. Explications avec Charlotte Gounot, CFO de Defacto.
Quelle est la spécialité de Defacto ?
C. G. : Defacto est une fintech spécialisée dans le financement du besoin en fonds de roulement (BFR) des PME - des entreprises qui réalisent entre 300 000 et 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le BFR de ces PME ne dépend pas uniquement du poste client et des délais de paiement, mais aussi, notamment dans l'industrie manufacturière, de leur cycle de production, qui peut aller jusqu'à quatre à cinq mois. C'est le cas de secteurs comme l'aéronautique ou le nucléaire, où les phases d'inspection, les exigences de stock et la logistique allongent considérablement le besoin de trésorerie.
Dans quel contexte avez-vous approché le secteur de la défense ?
C. G. : Depuis nos débuts, nous avons financé plus de 800 millions d'euros auprès de plus de 10 000 PME en France. Et depuis un an, nous avons renforcé notre lien avec les filières industrielles, comme celles de l'aéronautique, du nucléaire ou encore de la défense terrestre. Ces échanges nous ont amenés à travailler avec la DGA (Direction Générale de l'Armement), dans un contexte où le secteur de la défense est en forte croissance porté par la Loi de Programmation Militaire jusqu'en 2030.
Même si on continue de répondre à l'ensemble des secteurs et des PME, on met aujourd'hui un accent particulier sur les industriels, et plus spécifiquement sur ceux qui participent à l'effort de défense : production d'armes, de munitions, de rations ou d'équipements militaires. Ce sont souvent des entreprises duales, qui réalisent une grande partie de leur activité dans le civil, et seulement 20 à 30 % dans le militaire. Nous avons identifié environ 450 entreprises qui sont dans les secteurs industriels, militaires et manufacturières.
Comment allez-vous concrètement financer les BFR des PME ?
C. G. : En tant que société de financement agrée, Defacto finance directement depuis son bilan. Nous sommes la seule fintech B2B en France à détenir cet agrément. Contrairement à d'autres fintechs qui passent par des partenariats avec des banques ou des sociétés de gestion, nous avons la latitude d'opérer en direct, ce qui nous permet de couvrir l'ensemble des besoins liés au BFR : factures clients, fournisseurs, etc.
Chaque jour, nous octroyons entre trois et quatre millions d'euros de prêts depuis notre bilan. Pour ne pas immobiliser nos fonds propres, on refinance ensuite ces prêts en les cédant à un fonds de titrisation dédié à Defacto, que nous avons monté avec Citi et Viola Credit. Grâce à ce montage, nous disposons aujourd'hui d'une capacité annuelle de financement de 900 millions d'euros, qui va passer à 1,8 milliard à partir de cet été.
Comment cette enveloppe de 1,8 Md€ va-t-elle répondre aux tensions de trésorerie des PME identifiées ?
C. G. : Nous constatons une forte traction sur notre produit, notamment auprès des PME industrielles de la BITD (Base industrielle et technologique de défense) ou ayant une activité duale. Ce besoin croissant nous a amenés à nouer des partenariats avec des groupements industriels, des filières, mais aussi avec des grands groupes et maîtres d'oeuvre. Pour eux, le manque de BFR chez leurs sous-traitants de rang 3 ou 4 freine leur propre croissance, car s'ils ne peuvent pas monter en cadence, les livraisons - d'avions, de moteurs, etc. - sont impactées.
Nous avons la capacité de déployer notre solution très rapidement à travers ces grands groupes ou via les filières industrielles, qui sont bien structurées en France. Nous travaillons aussi avec des acteurs de terrain comme les réseaux professionnels - MEDEF, CPME, UIMM - qui ont une implantation locale forte, notamment dans les pôles industriels.
Pensez-vous que cette initiative puisse constituer un levier durable pour améliorer la résilience économique des PME de façon plus large ?
C. G. : Si je prends un peu de recul, le besoin en fonds de roulement (BFR) est un enjeu macroéconomique majeur. Une PME sur quatre en Europe fait faillite à cause d'un manque de solutions de financement de court terme. Ce n'est donc pas un problème de modèle économique : une entreprise peut avoir un carnet de commandes plein et pourtant se retrouver en difficulté simplement à cause d'un trou dans la trésorerie. Tous les Daf connaissent ce risque par coeur.
Chez Defacto, nous contribuons à renforcer la résilience des PME en leur fournissant des solutions de BFR. On évite ainsi qu'elles tombent dans des cycles critiques de manque de cash, souvent déclenchés par une croissance trop rapide, sans anticipation de leurs besoins financiers à court terme.
Mais on va plus loin : aujourd'hui, environ 55 % du BFR des PME est financé par des ressources de long terme, comme l'equity ou des emprunts. En prenant en charge leurs besoins de court terme avec des ressources adaptées, on libère leur capacité d'investissement. Cela leur permet de réinjecter ces moyens dans la modernisation, la montée en compétences, la décarbonation... Bref, on remet les entreprises en position d'agir, d'investir, de croître sainement.
Je suis convaincue qu'à notre échelle, nous participons à une forme d'inclusion financière et à la solidité du tissu économique en redonnant aux PME de la visibilité et des marges de manoeuvre pour investir.
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