Télétravail des dirigeants à l'étranger : gare au redressement fiscal !
Le télétravail a incité de nombreux dirigeants d'entreprises françaises à s'établir au soleil à l'étranger. Le risque est de créer ainsi un établissement stable à l'étranger qui devra payer des impôts dans le pays d'accueil des dirigeants ainsi expatriés.
La montée en puissance du télétravail met les entreprises face à des situations inédites, notamment en termes de management. Mais il existe également un risque moins connu : le risque fiscal. « Nous voyons de plus en plus fréquemment des équipes dirigeantes d'entreprises françaises se délocaliser à l'étranger, dans des pays où il fait beau, grâce au télétravail. Or, cela peut créer une problématique de l'établissement stable avec des conséquences fiscales à anticiper », met en garde Marine Perrot, avocate associé chez TGS.
En effet, les décisions prises par l'équipe dirigeante sont considérées comme créatrices de valeur ajoutée. Or, si elles sont prises dans un autre pays, l'administration fiscale de ce dernier pourrait exiger de l'entreprise qu'elle paie des impôts. « Il y a alors un conflit de base imposable entre la France et l'autre pays », précise Marylène Bonny-Grandil, avocate associée chez TGS. Un conflit qui peut durer très longtemps et paralyser l'entreprise qui se retrouvera empêtrée dans des procédures et devra comptabiliser ce risque dans ses comptes. Sans parler de la forte probabilité que la société se retrouve avec un contrôle fiscal à la fois en France et dans l'autre pays.
Anticiper le risque
A noter que ce risque fiscal existe à partir du moment où un seul dirigeant prend des décisions depuis l'étranger. Cela peut donc concerner un dirigeant qui a souhaité télétravailler depuis un autre pays que la France ou qui a directement été recruté à l'étranger, pour des raisons de pénurie de main d'oeuvre en France. Heureusement, des solutions existent pour y échapper. A condition de bien anticiper.
« Les dirigeants qui partent à l'étranger ont toujours les meilleures intentions du monde : ils disent toujours qu'ils reviendront toutes les semaines pour participer aux réunions en France ; mais dans la réalité les réunions ont lieu via Zoom et les décisions sont donc prises dans un autre pays », rapporte Marine Perrot. Elle conseille donc d'être vigilant, de considérer que la théorie et la réalité diverge toujours et de soit circonscrire la mission des personnes établies à l'étranger à de la simple exécution (qui est ensuite validée par le siège social en France) soit obliger les dirigeants à revenir pour les réunions.
Faire comprendre qui fait quoi
Dans ce deuxième cas, il s'agit de bien garder une trace de leurs trajets, pour les présenter à l'administration fiscale le cas échéant. Marylène Bonny-Grandil recommande également de garder les comptes-rendus de réunions. « Il s'agit de documenter leur présence physique en France lors des prises de décisions », précise-t-elle.
Pour les personnes qui télétravaillent à l'étranger mais qui ne font qu'exécuter la stratégie établie par les dirigeants qui sont eux basés en France, il s'agit de prouver cet état de fait. « Il faut s'assurer que le process permette de faire comprendre que les décisions relatives à leur travail restent prises en France, que même si ces personnes apportent du contenu, tout est retravaillé au siège », insiste Marine Perrot.
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Attention à ce que les exécutions finales réalisées au siège ne soient pas faites de manière automatique (par exemple signature d'un contrat de manière automatique sans contrôle) : il s'agit en fait de prouver la valeur ajoutée des actions réalisées au siège en France contre celles qui ont lieu à l'étranger. « Il s'agit de comprendre - et de faire comprendre à l'administration fiscale - qui fait quoi », résume Marine Perrot. Une analyse précise de la chaîne de valeur doit donc être réalisée afin de voir où pourraient se trouver les points de friction.
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