Découvrez Sonia Ricci, ex-daf de l'ONG La Chaîne de l'Espoir

« Un jour, quelque temps après mon arrivée, un collaborateur est venu me trouver en me disant qu'on avait un problème : nous n'avions pas assez dépensé. Je dois reconnaître que j'ai marqué un temps d'arrêt. Cette mesure de la performance était nouvelle pour moi. » Nouvelle et aux antipodes de ce dont Sonia Ricci - alors toute nouvelle directrice financière de l'ONG française La Chaîne de l'Espoir qui oeuvre pour l'accès aux soins à travers le monde - avait l'habitude. Elle qui, après une école de management avait débuté sa carrière chez Deloitte avant d'intégrer Carrefour en 2000.

Un groupe au sein duquel elle avait évolué à différentes fonctions pendant 13 ans avant d'avoir envie de se confronter à de nouveaux challenges : une start-up de streaming musical, puis une opportunité d'une mission pour l'asso­ciation Positive Planet.

« Après cette expérience, j'ai rejoint La Chaîne de l'Espoir comme directrice financière avec la responsabilité de la finance, comptabilité, contrôle de gestion, trésorerie, fiscalité, juridique, la logistique matérielle et humaine, l'administration du personnel et de la paie et la gestion de la relation avec les financeurs. » La Chaîne de l'Espoir compte 230 salariés et accueille 700 bénévoles environ. Son budget annuel, 40 millions d'euros, est alimenté par des bailleurs de fonds privés et publics ainsi que par des donateurs individuels.

Des compétences différentes à intégrer

Dans cet univers de l'humanitaire, Sonia Ricci, à la tête d'une équipe de 25 personnes environ, a dû intégrer de nouvelles compétences. « Les ONG ont un corpus de règles propres avec des états financiers spécifiques à établir. Le régime fiscal aussi est différent. J'ai dû tout apprendre rapidement ».

Elle raconte aussi comment elle a dû s'adapter aux problématiques propres à des pays bannis de la communauté internationale ou en conflit, sur lesquels les transferts d'argent depuis l'étranger peuvent être complexes. « Il faut trouver les bons partenaires financiers, cela prend un temps fou. J'en suis arrivée à créer un poste dédié. Je suis moi-même parfois partie en mission sur place, à Beyrouth, par exemple, après l'explosion du port, avec du cash dans mes valises. Il n'y avait pas vraiment d'autres alternatives... »

Optimiser la dépense

Sonia Ricci a aussi dû revoir sa manière de penser son job. « Quand on est directeur financier d'une ONG, notre mission n'est pas d'optimiser le profit, mais d'optimiser la dépense. Il y a donc une certaine gymnastique intellectuelle à opérer », sourit-elle. « Les financeurs abondent pour que nous dépensions l'argent. Si nous dépensons moins que prévu, il faut être en mesure de l'expliquer. Cela peut-être une bonne chose si c'est parce que nous avons dépensé mieux, cela peut être aussi parce que les actions n'ont pas été assez poussées, et là, c'est une contre-performance. Il faut le justifier. » De la même manière, les frais de fonctionnement de la structure doivent être optimisés et expliqués. « La pression est forte sur ce sujet du ratio frais de fonctionnement/actions. C'est normal, mais en même temps, cela induit un biais négatif : il existe peu de leviers pour incentiver les équipes. Même si la cause en elle-même est évidemment une source de motivation permanente, cela n'est pas incompatible, à mon sens, avec la recherche de la performance ».

Pour Sonia Ricci, si les entreprises sont soumises à de nombreuses obligations de reporting vis-à-vis de leurs actionnaires, c'est aussi le cas des ONG. Pas toujours facile dans un milieu où la priorité est toujours donnée à l'action et non, évidemment, aux consignes de la directrice financière. Après 7 ans à ce poste, Sonia Ricci vient tout juste de ­quitter La Chaîne de l'Espoir. Avec l'envie de changer d'air et de challenge. -