Coronavirus : quelles précautions prendre en entreprise ?
Le coronavirus (covid-19) fait la une de tous les médias. Au-delà de l'impact sur l'économie et sur les malades, de la psychose qui peut s'installer, quelles en sont les conséquences pour les employeurs et leurs salariés dans les rapports de travail ?
L'épidémie qui s'étend sur la planète soulève de nombreuses questions dans les entreprises.
Quelles sont les obligations de l'employeur pour la protection des salariés ?
L'employeur a une obligation de sécurité de résultat. Il doit prendre toutes les mesures de nature à assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés, telles que (Art. L4121-1 Code du travail) :
- des actions de prévention des risques professionnels
- des actions d'information et de formation
Lire aussi : Télétravail : quels sont les droits des employeurs ?
- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'absence pour quarantaine
S'il est informé qu'un des salariés revient d'un pays à risque (actuellement, Chine continentale, Hong Kong, Macao, Corée du Sud, Italie du nord), l'employeur doit lui demander d'appeler le 15 et s'il arrive dans l'entreprise, le faire voir par le médecin du travail. L'Agence Régionale de Santé (ARS) peut décider d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile. Le collaborateur confiné chez lui et placé en quarantaine ne peut en principe refuser une telle mesure. Son refus pourrait être sanctionné par l'employeur comme mettant en danger les autres salariés, d'autant qu'il a lui-même une obligation de prendre soin de sa santé et de celle des autres personnes (Art. L4122-1).
Le gouvernement a pris un décret le 31 janvier 2020, adoptant les conditions pour le bénéfice des prestations en espèces de la Sécurité Sociale pour les personnes exposées au coronavirus. Il est pour l'instant en vigueur jusqu'au 31 mars 2020. Ce décret précise qu'"afin de limiter la propagation de l'épidémie de 2019-n-Cov, les assurés qui font l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l'impossibilité de travailler peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières" de la Sécurité Sociale pendant une durée maximum de 20 jours, sans conditions de durée d'affiliation ou de cotisations et sans délai de carence. Le collaborateur doit néanmoins avoir été identifié par l'ARS. Le salarié qui ne peut travailler durant la quarantaine sera donc indemnisé par la Sécurité Sociale dans les conditions de droit commun. Il percevra éventuellement le complément de salaire de son employeur voire de la prévoyance. L'employeur ne peut demander au salarié de venir travailler, ni de rattraper les jours d'absence puisqu'il s'agit d'une absence légitime assimilable à l'absence pour maladie.
Si durant la quarantaine, le salarié développe la maladie, l'arrêt de travail classique prend le relai, le contrat de travail sera suspendu pour maladie et le salarié sera indemnisé par la Sécurité Sociale et l'employeur ou la prévoyance de manière classique. Le télétravail ne sera plus possible.
Fermeture de l'entreprise : quid des salariés ?
Si l'épidémie s'étendait de manière plus importante en France, certaines entreprises pourraient être amenées à fermer temporairement. Parmi les obligations de l'employeur découlant de l'existence du contrat de travail, figure celle de fournir un travail. Temporairement, les salariés pourraient être mis en chômage technique du fait du caractère exceptionnel des circonstances.
L'employeur peut-il imposer du télétravail ?
L'employeur peut demander au salarié en quarantaine, sans arrêt de travail, de travailler à distance de son domicile, si ses fonctions le permettent. Il doit alors fournir les éléments matériels nécessaires au salarié pour travailler de chez lui et préciser les conditions d'exercice du télétravail. Le télétravail est défini comme "toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, en utilisant les technologies de l'information et de la communication" (Art. L1222-9). Il n'est plus nécessaire de signer un accord collectif pour mettre en place le télétravail, une charte unilatérale suffit et, à défaut, un accord entre l'employeur et le salarié. Dans ce cas, il est nécessaire de signer un avenant au contrat de travail fixant les conditions du télétravail ; si on se limite à la situation du Coronavirus, l'avenant devrait préciser la durée du télétravail, les plages horaires de travail durant lesquelles notamment l'employeur peut contacter le salarié, les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail, les droits et obligations du télétravailleur.
En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, l'employeur peut imposer le télétravail considéré comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour la protection des salariés (Art. L1222-11). Par conséquent, le salarié (à moins qu'il ne soit protégé) ne peut refuser ce qui constitue une simple modification de ses conditions de travail. Encore faut-il que l'employeur puisse s'appuyer sur des raisons objectives (quarantaine ou, si cela s'avérait être le cas en France, développement d'une véritable épidémie) pour qu'il puisse imposer le télétravail.
En l'état, les employeurs seraient avisés de signer rapidement un accord collectif ou à tout le moins établir une charte sur les conditions de mise en place et de fonctionnement du télétravail.
Le salarié peut-il refuser de voyager ?
Oui, le salarié peut se retirer d'une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (Art. L4131-1). L'employeur ne peut imposer au salarié qui fait jouer son droit de retrait de reprendre son activité, ni bien entendu le sanctionner pas plus qu'il ne peut pratiquer une retenue sur salaire (Art. L4131-3). Au titre de ce droit de retrait, le salarié peut légitimement refuser d'effectuer un voyage dans un pays déclaré à risque ou pour lequel les voyages sont suspendus. L'employeur qui imposerait à un salarié de partir dans un pays à risque pourrait voir sa faute inexcusable engagée en cas de maladie du salarié, déclarée comme maladie professionnelle.
Peut-on imposer des mesures préventives (masque, lavage des mains, liquide hydro alcoolisé à l'entrée, nettoyage des bureaux et outils de travail etc.) ?
Les mesures, même unilatérales, prises par l'employeur en matière d'hygiène et sécurité sont du domaine du règlement intérieur. L'employeur peut légitimement imposer des process de sécurité, dès lors qu'ils sont objectifs et nécessaires, par simple note de service, laquelle devra néanmoins suivre les obligations de consultation et publicité applicable au règlement intérieur.
En pratique
Nombre d'entreprises diffusent, à l'intention de leurs salariés, des notes de services contenant préconisations et précautions à prendre :
- Rappels des régions vers lesquelles les voyages sont suspendus ou soumis à autorisation préalable
- Supprimer ou limiter les réunions réunissant un public international
- Au retour d'un voyage dans ces régions : prévenir le supérieur hiérarchique/RH, ne pas venir au travail, consulter un médecin pour la mise en quarantaine, contacter l'employeur pour envisager le télétravail ...
- Vérifier auprès des visiteurs (fournisseurs, clients, prestataires) s'ils ont récemment voyagé dans un pays à risque, ne pas les laisser rentrer dans l'entreprise et prévenir le supérieur hiérarchique/RH
- Rappeler les consignes habituelles d'hygiène (lavage régulier des mains, produits hydroalcoolique ...).
Pour en savoir plus
Viviane Stulz est avocat au Barreau de Paris, spécialiste en droit social. Associée au sein de la SCM 5QB Avocats, elle est membre fondateur du syndicat d'avocats en droit social,
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