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Crédit d'impôt recherche (CIR) et innovation (CII) : vraies ou fausses bonnes idées ?

Pensés comme un vrai coup de pouce fiscal pour favoriser l'innovation et la R&D, le CIR et le CII restent d'accès contraint et conditionné. Le chemin vers l'obtention peut être long et déboucher sur un contrôle fiscal. Voici quelques clés pour surmonter les principaux écueils.

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Crédit d'impôt recherche (CIR) et innovation (CII) : vraies ou fausses bonnes idées ?

L'histoire commence par une vraie bonne idée à la française : promouvoir l'innovation et la recherche françaises par une aide financière à l'investissement dans tous les domaines concernés, dont l'informatique, l'industrie et la « Tech » mais pas seulement.

Tous les gouvernements successifs encouragent le développement de l'innovation et de la R&D depuis des années, au moyen notamment du « crédit d'impôt recherche » qui peut représenter jusqu'à 30% des dépenses éligibles et plus récemment, du « crédit innovation » qui représente 20% des dépenses dans la limite de 80 000 euros par an. L'avantage de trésorerie, combiné avec une politique sociale et fiscale incitant les entreprises à s'établir dans certaines zones géographiques en cours de revitalisation (Zones Fiscales Urbaines ou Zones de redynamisation urbaines) visent à encourager la création de « Silicon Valley à la française » tout en décourageant les délocalisations de nos cerveaux vers des cieux souvent plus cléments fiscalement.

Près de 30 000 entreprises en bénéficient, soit près de trois fois plus qu'il y a 15 ans, essentiellement des PME (en nombre vs ETI en montant) et pour 35% d'entre elles, sont situées en région parisienne.

Les crédits d'impôts se méritent

Pour mériter ces crédits d'impôts, il faut d'abord en remplir les conditions. Les principales conditions portent sur le caractère éligible des dépenses de R&D engagées ou sur le caractère innovant, selon les cas, du projet. Il convient alors de déposer un dossier technique complet, dont le montage fastidieux est suffisamment dissuasif, qui présente de manière exhaustive les travaux menés par le personnel dédié et justifie du respect des conditions requises. Pour franchir avec succès cette première épreuve, certaines entreprises se sont spécialisées dans la constitution de ces dossiers qui sont souvent pointus, complexes et chronophages, pour accompagner les sociétés intéressées par ces mesures.

Ne pas céder à la menace du contrôle fiscal

Qu'à cela ne tienne, les entrepreneurs motivés et qui n'ont « rien à cacher » ne se laisseront pas intimider par cette vilaine rumeur selon laquelle solliciter le bénéfice de ces aides reviendrait à s'assurer d'un contrôle fiscal. Rappelons que l'administration a le droit de vérifier la comptabilité des entreprises dans le respect de la loi, des droits et garanties du contribuable. On relèvera tout de même que l'exercice de ce droit de contrôle semble être exercé près de trois fois plus souvent dans des entreprises bénéficiaires de ces crédits d'impôt que celles (de taille comparable) qui n'en ont pas ... simple coïncidence, probablement.

Surmonter le contrôle fiscal

Le ton monte quand l'inspecteur des impôts, après plusieurs mois d'échanges avec le dirigeant de l'entreprise vérifiée, finit par lui dire qu'il ou elle ne comprend rien à l'activité développée par la SSII concernée...ce qui ne l'empêchera pourtant pas de notifier le rappel des crédits d'impôt alloués. En effet, et à l'exception des directions de contrôle fiscal d'Ile de France (ou nationale – la « DVNI ») dont les équipes sont désormais largement spécialisées (aéronautique, immobilier, informatique etc...), les services de contrôle qui interviennent en province ne comprennent pas les activités professionnelles développées dans le secteur des nouvelles technologies, de l'intelligence artificielle, les logiciels et de l'informatique en particulier. Les chefs d'entreprise se retrouvent alors démunis : dépourvus d'interlocuteur capable de comprendre leur métier, leurs produits, il leur est demandé de justifier de leur travail, présence, utilité dans l'entreprise.

L'égalité devant l'impôt ne signifie pas égalité dans le contrôle fiscal

Il existe pourtant des intervenants spécialisés qui peuvent être saisis à différents stade de la procédure fiscale : la Direccte donne son avis sur le caractère innovant du projet, un consultant auprès du ministère de la recherche peut confirmer l'éligibilité des dépenses de R&D et le Comité consultatif du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche peut être saisi dans le cadre d'une procédure de contrôle, tout un ensemble de « sachants » sensés éclairer contribuable et administration sur les aspects techniques de ces dossiers.

Le débat pourra être élevé et l'entreprise vérifiée finira, dans la plupart des cas, par avoir gain de cause... près de 3 ans plus tard en moyenne, après avoir dépensé quelques dizaines de milliers d'euros et perdus plusieurs centaines d'heures de travail passées à tenter d'expliquer ce qu'est un code source à un inspecteur dépassé mais qui persiste à exiger un compte-rendu de réunion de travail et la copie des agendas à l'heure du télétravail et des réunions en distanciel. Paradoxalement, le vérificateur souvent persistera, s'entêtera – même contre l'avis des tiers, sachants consultés ou saisis, à tenter de récupérer l'avantage consenti par l'Etat, convaincu peut-être que ce qu'il ou elle ne comprend pas, serait forcément suspect.

Pourquoi un tel gâchis ?

Finalement, nombre de ces entrepreneurs concluront qu'on ne les y reprendra plus ! Et peut-être, après tout, qu'ils se laisseront charmer par le chant des sirènes lointaines... Les entrepreneurs le savent : pour conserver un client, il faut assurer le service après-vente. Pour qu'une politique d'orientation fiscale soit efficace, il faut s'assurer que ce que l'Etat donne d'un côté, l'Etat ne le reprenne pas sans motif de l'autre et que la subvention allouée qui devait initialement nourrir l'innovation et la recherche soit in fine employée à se défendre.

Pour aller plus loin :

© Marion Gambin

© Marion Gambin

© Marion Gambin

Eglantine Lioret : avocat associée du cabinet Desfilis Spécialiste en droit fiscal, plus particulièrement en fiscalité transactionnelle, en conseil et contentieux. Elle conseille des clients, français et étrangers, sur leurs problématiques domestiques et transfrontalières, notamment dans le cadre de la structuration de leurs acquisitions et de la réorganisation de leurs actifs. Dotée d'une expertise spécifique dans la structuration fiscale des véhicules d'investissement en Europe, Eglantine Lioret a développé une expertise sectorielle pointue dans l'immobilier.




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