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L'avocat et le conflit d'intérêts, un risque diffus à contrôler

Le conflit d'intérêts est problématique car il est de nature à compromettre l'indépendance et la loyauté de l'avocat envers ses clients. Quelle situation est caractéristique ou non d'un conflit d'intérêts? Comment les avocats le gèrent-ils? Comment pouvez-vous vous en prémunir? Éléments de réponse.

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L'avocat et le conflit d'intérêts, un risque diffus à contrôler

L'avocat ne peut être ni le conseil, ni le représentant ou le défenseur de plus d'un client dans une même affaire s'il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s'il existe un risque sérieux d'un tel conflit. Il ne peut accepter l'affaire d'un nouveau client si le secret des informations données par un ancien client risque d'être violé ou lorsque la connaissance par l'avocat des affaires de l'ancien client favoriserait le nouveau client. Tel est le principe du conflit d'intérêts (lire l'encadré ci-dessous) selon le Règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) reposant sur différentes législations.

"Le conflit d'intérêts s'impose au niveau de l'ensemble du cabinet et aux avocats collaborateurs, qui ont le droit de développer leur propre clientèle, complète Denis Raynal, avocat managing partner du cabinet KBRC et président de l'ACE (Association des avocats conseils d'entreprises). Il est également caractérisé, mais non visé par le RIN, si l'avocat a un intérêt personnel dans l'affaire, que ce soit du fait de ses relations familiales, de sa situation patrimoniale ou de son engagement politique par exemple." En revanche, un avocat qui privilégierait une voie servant ses propres intérêts financiers, par exemple le passage par la case procès plutôt qu'une résolution amiable ou une transaction, ne constitue pas un conflit d'intérêts au sens du RIN mais une faute professionnelle. Travailler pour l'un de vos concurrents n'est pas non plus en soi une situation conflictuelle.

La détection du risque de conflit d'intérêts par les avocats eux-mêmes

"Le conflit d'intérêts fait partie de l'ADN déontologique de la profession, tout comme le secret professionnel, indique Leila Hamzaoui, fondatrice du cabinet Studio Avocats et présidente de la commission Droit et entreprises du Conseil national des barreaux (CNB). De ce fait, l'avocat doit s'interroger régulièrement sur sa situation et notamment à la saisine de chaque nouveau client. Si la question est récurrente, le contentieux en la matière reste anecdotique. Quant aux sanctions, elles peuvent être importantes et entraîner la radiation définitive du barreau."

Pour se prémunir de potentiels conflits ­d'intérêts, les cabinets mettent en place des procédures de conflict check. Les pratiques divergent d'un cabinet à l'autre. Les petites structures gèrent généralement l'analyse de ce type de risques de manière empirique: interrogation interne, recherche par mots-clés dans les bases de données clients, etc. Les cabinets plus importants disposent de ­processus informatiques d'identification et de gestion des conflits d'intérêts. "Malgré tout, le risque de conflit peut s'avérer délicat à détecter, notamment quand il s'agit de cabinets fortement représentés sur la scène internationale, confie Denis Raynal. Au-delà du conflit manifeste, l'avocat concerné peut interroger le service de déontologie de son ordre, ou renoncer au dossier par précaution."

La notion de conflit d'intérêts en pratique

L'article 4.2 du RIN identifie les situations où il y a conflit d'intérêts:

  • dans la fonction de conseil, lorsque, au jour de sa saisine, l'avocat qui a l'obligation de donner une information complète, loyale et sans réserve à ses clients ne peut mener sa mission sans compromettre, soit par l'analyse de la situation présentée, soit par l'utilisation des moyens juridiques préconisés, soit par la concrétisation du résultat recherché, les intérêts d'une ou plusieurs parties;
  • dans la fonction de représentation et de défense, lorsque, au jour de sa saisine, l'assistance de plusieurs parties conduirait l'avocat à présenter une défense différente, notamment dans son développement, son argumentation et sa finalité, de celle qu'il aurait choisie si lui avaient été confiés les intérêts d'une seule partie ;
  • lorsqu'une modification ou une évolution de la situation qui lui a été initialement soumise révèle à l'avocat une des difficultés visées ci-dessus.

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Des pistes pour se prémunir du conflit d'intérêts

Outre les garde-fous mis en place par les avocats, leurs clients ont différentes possibilités pour se protéger. Demander le nom des clients du cabinet n'en fait pas partie. "C'est couvert par le secret professionnel, signale Leila Hamzaoui (CNB). Mais il est possible de s'enquérir de leur secteur d'activité."

En revanche, la transparence et la communication constituent de bons remparts à tout conflit d'intérêts. "Soyez précis dans vos exigences, ce qui permettra à l'avocat de bien définir le champ du conflit d'intérêts, car cette notion reste à son appréciation", rappelle Leila Hamzaoui. Avant de transmettre toute pièce confidentielle ou de décrire précisément le contexte du différend à l'avocat que vous souhaitez retenir, indiquez-lui quelles sont les parties prenantes et la nature de l'affaire. "Si l'avocat ne se considère pas en conflit d'intérêts, il en fera la déclaration et, de toute façon, s'il l'était, il devrait ne pas s'engager", assure Denis Raynal (ACE). Exiger une déclaration de non-conflit d'intérêts signée peut être suffisant pour vous rassurer. "Ainsi, vous vous assurez que l'avocat s'est bien penché sur la question si vous en doutiez, indique Leila Hamzaoui (CNB). Aucun avocat ne s'amusera à produire une déclaration mensongère."

Vous pouvez également mettre en place, dans le cadre de vos appels d'offres, une procédure relative aux déclarations d'absence de conflit d'intérêts sur le même principe que ce qui se pratique dans les marchés publics. Encadrer la relation via la signature d'une charte éthique est une autre option. L'avocat s'engage alors à être en situation d'indépendance et ne pas connaître de risques au regard d'un éventuel conflit personnel d'intérêts avec l'entreprise ou les différentes entités de son groupe.

Enfin, dernière possibilité, demander une clause d'exclusivité. Moyennant une ­compensation financière, vous vous "réservez " les compétences spécifiques du cabinet. "C'est une requête exceptionnelle pour des dossiers spécifiques, réservée à un client récurrent du cabinet et sous réserve que la demande soit légitime et bien encadrée dans la durée", considère Denis Raynal (ACE). "L'exclusivité n'est envisageable que pour des sujets très sensibles comme en droit de la concurrence, en contentieux ou encore en matière de fusions-acquisitions", conclut Leila Hamzaoui (CNB).

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