Les entreprises françaises ne savent pas traduire leurs brevets en filière industrielle
Reflets des dynamiques industrielles, les brevets sont plus vendus qu'acquis en France. Un constat particulièrement vérifié pour les petites et moyennes entreprises.
Quelles sont la place et la dynamique de la France dans le marché international des brevets ? Une réponse en quatre temps s'impose :
– les cessions de brevets délivrés en France dans le secteur des télécoms ont connu une hausse exponentielle après 2004 ;
– les grandes entreprises européennes vendent activement leurs brevets lorsque, dans le même temps, les grandes entreprises américaines et asiatiques sont également actives en cession, mais surtout en acquisition ;
– la France cède des brevets à l’étranger sans pour autant chercher à renforcer sa position nette au travers d’acquisitions de brevets ;
– les entreprises françaises exportent leurs meilleurs brevets vers l’étranger alors que les entreprises allemandes cèdent leurs meilleurs brevets en Allemagne.
Tels sont les enseignements majeurs de l'étude intitulée “Les brevets ayant fait l’objet d’une cession entre 1997 et 2009, cas des télécoms” présentée jeudi 8 novembre par France Brevets, fonds d'investissement créé en mars 2011 et doté de 100 millions d'euros, et Mines ParisTech.
Le marché des brevets délivrés en France de 1997 à 2009
L’explosion des cessions de brevets (plus de 30 % par an en moyenne) entre 1997 et 2009 est principalement due à la cession significative de brevets détenus par des acteurs européens à un niveau international et à une augmentation des transactions entre acteurs non européens.
Les entreprises de taille moyenne (selon une définition spécifique : sont des entreprises moyennes celles qui détiennent un portefeuille entre 10 et 50 brevets) sont très actives sur ce marché tant à la cession qu’à l’acquisition avec des acquéreurs principalement américains sur un marché de brevets de bonne qualité.
Le cas de la France
Les entreprises françaises sont largement absentes du marché des brevets. La France présente un profil typique en Europe d’exportateur de brevets avec une vente nette de brevets vers l’étranger sans renforcement de position de brevets dans de nouveaux domaines au travers d’acquisitions.
Les entreprises françaises de taille moyenne et de grande taille (portefeuille de plus de 50 brevets) réalisent ainsi les deux tiers de leurs cessions de brevets à l’étranger (28 % en Europe, 16 % aux États-Unis et 15 % en Asie), alors que la plupart des brevets acquis le sont auprès d’autres acteurs français.
Comparaison France-Allemagne
La France et l’Allemagne présentent des profils d’échanges similaires, avec une nette prédominance des cessions à l’étranger et peu d’importations de brevets. Toutefois, les cessions comme les acquisitions mettent en évidence un décollage du marché en Allemagne à partir de 2008 alors que le marché en France est resté particulièrement atone sur la période. Par ailleurs, les entreprises françaises exportent leurs “meilleurs” brevets et vendent les “moins bons” en France. Inversement, les entreprises allemandes vendent leurs “meilleurs” brevets en Allemagne et exportent des brevets de “moindre qualité”. Ce constat concerne tout particulièrement les entreprises de taille moyenne.
Sortir de la logique de cession pour passer à une logique de licence
Bref, si les entreprises françaises, qui ne font pas l'effort d'aller chercher des brevets à l'étranger, obtiennent de bons résultats en R & D, elles ne savent pas et/ou ne peuvent pas traduire cette force industriellement. D'où des cessions importantes de brevets, ce qui génère un capital à court terme, mais prive les entreprises de revenus sur le long terme. Bien évidemment, Jean-Charles Hourcade, dg de France Brevets, déplore ces tendances et souligne que « cette première étude met en évidence l’appétit croissant sur les aspects brevets des acteurs industriels sur le marché mondial et la prise de conscience de l’importance exponentielle de ces actifs dans une stratégie de conquête industrielle. La création de France Brevets coïncide en cela avec cette nouvelle dynamique et notre proposition de valeur consiste à pouvoir accompagner les acteurs français dans une stratégie de long terme grâce à notre capacité d’investissement et de concession de licences, offrant ainsi une alternative attractive à la cession de leurs brevets ».
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