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Quels sont les enjeux d'une opération de due diligence ?

RSM, 6e réseau mondial de conseil et d'audit, a réalisé les buy-side dues diligences financière, fiscale et paie pour le Groupe ACO, leader international dans les systèmes de drainage de surface des eaux, lors de l'acquisition de Limatec, premier fabricant français de systèmes d'évacuation des eaux usées. Le Groupe ACO a été accompagné par une équipe pluridisciplinaire du pôle Corporate et Finance de RSM. Rencontre avec Eric Fougedoire associé RSM, qui a mené avec ses équipes le travail de cartographie financière, fiscale et paie qu'induit une opération de due diligence.

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
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Quels sont les enjeux d'une opération de due diligence ?

Quelles sont les principaux cas de figure où les entreprises réalisent une « due diligence » ?

Eric Fougedoire : J'en identifie deux types. La première concerne l'entreprise « acquéreur » qui analyse une cible avant une acquisition. Par exemple, lorsqu'une entreprise A souhaite acheter une entreprise B, elle effectue une due diligence pour évaluer cette dernière. L'analyse porte sur différents aspects de l'entreprise B, qui peut être une seule entité ou un groupe d'entreprises.

La deuxième est la vendor due diligence (VDD), initiée par l'entreprise qui se vend. Dans ce cas, c'est elle qui organise et contrôle l'information avant de la mettre à disposition de plusieurs acquéreurs potentiels, notamment dans le cadre d'un processus compétitif. Ainsi, une entreprise peut être soit la cible d'une due diligence menée par un acquéreur, soit à l'initiative d'une VDD pour faciliter sa vente.

En quoi consiste ces « dues diligences » lors d'une stratégie de « buy and build » ?

E. F. : Les dues diligences sont des procédures « convenues » qui incluent une analyse financière, fiscale, juridique, ainsi qu'un examen des ressources humaines et des systèmes informatiques (IT).

L'objectif d'une due diligence financière est d'analyser le mode de fonctionnement de l'entreprise, autrement dit son business model. Nous cherchons à identifier ses leviers de croissance et de rentabilité, avec un focus particulier sur l'EBITDA, qui reflète sa rentabilité normative.

Un autre élément clé est l'endettement net : si une dette existe par exemple, elle sera déduite de la valeur d'entreprise, tandis que la présence de cash vient l'augmenter. L'analyse adresse également le besoin en fonds de roulement (BFR) et son caractère normatif. Cette analyse pluriannuelle permet d'évaluer la rentabilité normative et d'anticiper les besoins en financement. En parallèle, sur les volets fiscal et des ressources humaines, mon travail consiste à repérer d'éventuelles dettes fiscales, des contentieux sociaux ou des obligations non respectées qui pourraient impacter la valorisation ou la pérennité de l'opération.

Quelles sont les différentes étapes ?

E. F. : Les principales étapes d'une due diligence commencent par une phase exploratoire où les parties prenantes conviennent d'échanger des informations essentielles. Ces échanges permettent ensuite d'établir une lettre d'intention, également appelée LOI (Letter of Intent). Ce document officiel, mais non contraignant, précise une proposition indicative de prix au vendeur. Cette étape constitue une base de discussion avant d'engager des analyses plus approfondies sur la cible.

Une fois la lettre d'intention acceptée, une période d'exclusivité est généralement accordée à l'acquéreur. Cette phase est essentielle, car elle permet de mener la due diligence de manière approfondie. Pendant cette période, le vendeur met à disposition toutes les informations nécessaires - financières, juridiques, fiscales, sociales, etc., via une data room électronique, qui sert de support central aux analyses. La due diligence dure généralement entre 3 et 8 semaines, en fonction de la taille et de la complexité de l'entreprise cible.

Comment avez-vous mené à bien la due diligence financière de Limatec pour l'acquéreur, le Groupe ACO ?

E. F. : Nous avons réalisé la due diligence de Limatec sur deux mois, à partir d'une data-room électronique car les vendeurs n'avaient pas réalisé de Vendor Due Diligence (VDD). Au-delà de nos travaux usuels, l'objectif consistait aussi à d'identifier les leviers de création de valeur dans le cadre de cette acquisition entre deux acquéreurs stratégiques opérant dans le même secteur. Un élément clé était l'anonymisation des données : ni les clients ni les salariés n'étaient identifiés, ce qui nécessitait une table de transcodification pour garantir la confidentialité des informations tout en permettant leur analyse approfondie.

Nos travaux ont aussi visé pour le Groupe ACO à mesurer les synergies potentielles sur les achats et les ventes avec Limatec. L'objectif était d'évaluer les opportunités de complémentarité entre les deux entreprises notamment sur les achats et sur les segments d'activité servis par Limatec, et non par ACO.

Quels éléments majeurs avez-vous identifié ?

E. F. : Nous avons analysé en détail les coûts d'achat de l'acier en comparant les prix à la tonne et la fréquence des achats, en anonymisant les noms des fournisseurs. Nous avons également évalué la performance commerciale de l'entreprise, en examinant la stabilité de la clientèle, le taux de conquête et de perte de clients, ainsi que la taille moyenne des affaires conclues.

Du côté de la production, nous avons étudié l'efficacité des usines, en présentant la productivité des salariés et la capacité de production du site français de Limatec permettant à ACO de comparer avec son propre outil de production, situé en Allemagne et dans d'autres pays. Cette approche permettait d'identifier les différences en termes d'organisation industrielle et d'éventuelles synergies.

Au-delà des aspects opérationnels, nous avons analysé la performance financière, notamment le chiffre d'affaires, la marge brute, le coût du personnel et la rentabilité mesurée par l'EBITDA. Un point important concernait l'absence de frais financiers, Limatec disposant d'une trésorerie suffisante pour couvrir son besoin en fonds de roulement, ce qui renforçait sa capacité de résistance face aux fluctuations du marché. L'ensemble de ces éléments nous a permis d'évaluer avec précision la valeur des titres de l'entreprise et de structurer financièrement l'acquisition pour le Groupe ACO.

Quels sont les indicateurs clés d'une telle opération ?

E. F. : Lors d'une due diligence, trois points financiers majeurs doivent être analysés. Le premier concerne l'EBITDA normalisé, qui permet d'évaluer la capacité réelle de l'entreprise à générer un résultat récurrent en excluant tous les éléments exceptionnels.

Le deuxième point clé concerne le niveau des investissements. En tant que société industrielle, il est essentiel d'évaluer les besoins en investissements pour déterminer le free cash-flow, calculé comme l'EBITDA moins les investissements. Une entreprise peut afficher un EBITDA élevé, mais si ses investissements sont conséquents, sa capacité à rembourser une dette sera amoindrie, ce qui représente un risque.

Enfin, le troisième point fondamental est la vérification de la position financière nette, c'est-à-dire s'assurer d'acheter au bon prix en déterminant précisément la position de trésorerie ou d'endettement à la date de la transaction. Cette étape est cruciale pour éviter toute mauvaise surprise post-acquisition et garantir une valorisation juste de l'entreprise.

Quels seraient les risques ?

E. F. : Le risque financier principal serait de payer un prix incorrect pour l'entreprise. Cela peut venir d'une surestimation de la rentabilité, si l'EBITDA normalisé est en réalité inférieur à celui attendu, ou d'une situation de trésorerie mal évaluée, qui ne reflète pas les engagements réels de l'entreprise à la date de la transaction. Enfin, un autre facteur clé à considérer est le besoin en fonds de roulement (BFR), qui représente les besoins financiers liés à l'activité courante. Un BFR sous-évalué peut entraîner des besoins de financement supplémentaires après l'acquisition, impactant ainsi la rentabilité de l'investissement.

Un autre risque clé concerne les résultats intermédiaires, appelés current trading. Il s'agit d'actualiser les performances financières après la dernière clôture comptable afin de suivre l'évolution du chiffre d'affaires et de la rentabilité. L'un des risques majeurs est une manipulation artificielle du chiffre d'affaires sur la période de référence servant au calcul du prix d'acquisition.

Un autre point d'attention réside dans l'existence d'actifs fictifs. Certaines entreprises peuvent gonfler artificiellement leur bilan en inscrivant des actifs qui ne correspondent pas à une valeur réelle ou exploitable, comme des créances irrécouvrables, des stocks obsolètes, ou encore des investissements non productifs qui faussent l'évaluation de l'entreprise. Vérifier la solidité des actifs et la sincérité des comptes sont des aspects fondamentaux de la due diligence pour éviter toute surestimation de la valeur d'acquisition.

Quels conseils pour les Daf ?

E. F. : Chez RSM, nous adoptons une approche très prudente en mettant en place un système d'intervention en séquence, qui a fait ses preuves à l'échelle mondiale. Ce modèle est spécifiquement conçu pour le marché du small et midcap. Il est crucial de s'entourer rapidement de conseils spécialisés, car ce domaine possède ses propres codes et exige une grande précision dans certains cas. Parfois, pour maximiser ses chances d'acquisition, il est préférable de rester vague sur certains aspects, notamment en formulant une offre basée uniquement sur la valeur d'entreprise sans détailler la dette nette, surtout si l'endettement est élevé. À l'inverse, face à des vendeurs exigeants, il peut être nécessaire d'inclure une définition claire de la valeur d'entreprise, avec un multiple de l'EBITDA et une évaluation précise de la dette.

Avec plus de 35 ans d'expérience dans ce métier, quelques grandes règles existent, mais la clé du succès réside dans l'adaptabilité et la flexibilité. Chaque transaction est unique et nécessite une approche sur-mesure. Comme un pharmacien ajustant la posologie en fonction du patient, il faut savoir adapter son approche en fonction des spécificités de chaque dossier, en trouvant à chaque fois la solution la plus appropriée.

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