La transformation du cycle budgétaire est essentielle pour gagner en agilité
Ces dernières années, l'approche de la performance financière a connu une profonde évolution au sein des directions avec une résilience de plus en plus présente pour absorber les chocs et les imprévus. Une transformation du cycle budgétaire est alors essentielle pour les directeurs financiers afin de gagner en agilité et pouvoir prévoir en continu et de manière plus réaliste.
S'ils ont certes toujours existé, ces chocs sont cependant de plus en plus impactant. Lorsque les ressources viennent à manquer, et notamment les ressources humaines, et que l'approvisionnement en matières et fournitures se tend, les responsables financiers doivent pouvoir réagir avec une vision à court, moyen et si nécessaire long terme. D'autres facteurs entrent également en compte comme le prix des matières premières ou de l'énergie qui explose, ou encore les cours des devises (ex. EUR/USD) qui se décalent.
Réduction du cycle budgétaire
Selon le baromètre PwC 2022, les PME et les ETI ont une volonté marquée de réduire la durée moyenne de leurs processus budgétaires. Aujourd'hui 48% des PME parviennent à maintenir la durée de leur cycle budgétaire sous la barre des 8 semaines et 82% visent cet objectif de 8 semaines à court terme. A noter que Michael C. Jensen écrivait déjà en 2001 dans le magazine de la Harvard Business School sous le titre Corporate Budgeting is broken - Let 's Fix It : « Corporate budgeting is a joke ». Cette interrogation, teintée d'un certain humour de provocation qui ne doit pas laisser le lecteur inactif, n'est donc pas récente. Elle reste au coeur de nos réflexions au nom d'une recherche constante de rationalité, de consommation de ressources, d'efficacité, voire d'efficience. En effet, le pilotage de la performance demeure l'enjeu numéro un pour la direction financière.
Lire aussi : Le pilotage de la performance, l'affaire de tous
Pour contribuer à ce pilotage, la réduction du cycle budgétaire est incontournable et devrait avoir un impact sur la performance globale de l'entreprise. En réduisant le cycle budgétaire, la direction financière mais aussi toutes les parties prenantes réduisent le temps qui y est consacré pour se focaliser sur l'analyse de la performance de l'entreprise leur donnant ainsi l'occasion de corriger ou d'actualiser les objectifs avec agilité et pertinence d'autant que le cycle budgétaire est souvent abordé dans une période où les entreprises préparent leur fin d'exercice (« période de closing »). Cela doit ainsi permettre de prendre aussi vite que possible les mesures correctives pour réduire les éventuels écarts entre les données du budget et du réel. La direction financière accompagne ainsi les dirigeants pour ajuster et réallouer les ressources en fonction des avancées respectives de chaque pôle, activité... Enfin, les équipes sont stimulées par des objectifs réalistes et réactualisés régulièrement.
Différentes approches pour y parvenir
Le cycle budgétaire se raccourcit et se diversifie. De nouvelles approches ont vu le jour pour tenter de répondre à un objectif précis : allouer les ressources de manière optimale. Elles vont parfois jusqu'à casser les codes qui consistaient à définir un budget en début de période (annuelle ou trimestrielle) et à ne plus y toucher. En effet, d'autres pratiques émergent aujourd'hui. Par exemple, les prévisions glissantes (ou rolling forecast) qui mettent en oeuvre des révisions budgétaires à intervalles réguliers. Cela permet d'actualiser "au plus juste" les hypothèses et les objectifs financiers ainsi que les actions à entreprendre. On peut aussi envisager un rolling forecast en X mois glissants de telle sorte que l'exercice budgétaire (revenus/charges/résultats/emplois/ressources) soit permanent sans coïncider avec l'exercice comptable.
Une approche multi-scénarii peut également offrir une solution visant à multiplier les budgets selon des scénarios identifiés comme probables. La prise en compte simultanée de plusieurs futurs potentiels permet de mieux aborder les risques et surtout d'anticiper les différentes trajectoires.
Avec la méthode du Budget Base Zéro, les équipes concernées (comptabilité, contrôle de gestion) procèdent à l'analyse des besoins (emplois) et des ressources "à partir d'une feuille blanche" avec l'objectif de tout justifier ou plutôt tout "re-justifier".
Enfin, quant à l'analyse prédictive qui peut être intégrée au budget, elle exploite les informations internes et externes pour mieux prévoir les fluctuations à venir des volumes de ventes, des revenus, des dépenses, des coûts, des arbitrages Opex/Capex. L'analyse prédictive apporte une dimension supplémentaire à la "donnée historique" et permet d'élaborer des budgets avec "plus de consistance, de perspectives".
A condition d'avoir un environnement favorable
Afin de créer un environnement favorable à l'évolution des processus budgétaires, des leviers spécifiques sont à mettre en oeuvre : le cadrage préalable des objectifs (traduction de la stratégie en "guidance" budgétaire) ; l'optimisation du processus budgétaire avec l'automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, du planning, et des indicateurs est essentielle. Comme la plupart des processus internes, le processus budgétaire est évolutif, il repose sur l'héritage du passé et son analyse objective a posteriori mais doit trouver les ingrédients d'une remise en cause permanente. Ainsi alors qu'il résulte de consultations, d'échanges et de demandes successives auxquelles ont répondu les équipes opérationnelles auprès des équipes financières, peut-on prendre comme objectif d'en réduire le nombre ?
Réduire la durée et de fait le nombre des phases d'itération va permettre de ne pas sur-solliciter les équipes et d'améliorer l'efficience de la phase budgétaire.
A l'horizon 2025, les directions financières ont défini 3 grandes priorités : le pilotage de la performance, la stratégie de développement et la gestion des talents(1). Cela démontre que la gestion du cycle budgétaire participe indéniablement au pilotage de la performance et reste un élément essentiel pour l'ensemble de l'entreprise dans sa dimension stratégique et opérationnelle. Le niveau grandissant des incertitudes (géopolitique, économique et peut-être et surtout climatique) nous invite à investir sur tout ce qui fera le succès d'un budget pertinent :
- La qualité du capital des données (un plan d'actions sur le référentiel, le data management, la donnée historique de référence, les critères de sensibilité et de variance, la lisibilité et la compréhension des modèles de données utilisés par toutes les parties prenantes de l'entreprise),
- L'agilité du cycle budgétaire, la capacité à intégrer, à scénariser des données externes à l'entreprise pour une "approche en multi-dimensions" et à produire un haut niveau de dialogue avec tous les métiers,
- La visualisation la plus explicite des hypothèses et calibrée pour chaque niveau de l'entreprise "de l'atelier à la direction générale" tout en disposant d'un niveau de détail suffisant où chaque métier se retrouve dans celle-ci pour mieux se l'approprier.
La fonction finance doit jouer son rôle de chef d'orchestre dans ce concert d'aléas inhérents à la vie économique où plus la donnée sera maitrisée, les différentes hypothèses anticipées et objectivées et le processus budgétaire optimisé, plus les entreprises gagneront en agilité pour maintenir un haut niveau de pilotage à court, moyen et long terme.
Pour en savoir plus
Thierry Luthi, est président de Report One, éditeur de logiciel de data management, BI et solutions de reporting dédiées aux PME. Après avoir été Daf dans le secteur de la tech pendant 20 ans, notamment chez Servant Soft et Cegid, Thierry Luthi a bifurqué vers l'entrepreneuriat en prenant la présidence de Report One en 2020 suite à un LMBO.
(1)D'après l'étude de PwC, Priorités 2022 des Directions Financières
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