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Dématérialisation du bulletin de salaire: forces et faiblesses, opportunités et menace de ce dispositif
Depuis le 1er janvier 2017, l'employeur n'est plus obligé de solliciter l'accord préalable de son salarié avant de dématérialiser son bulletin de paie. Néanmoins, la France reste frileuse. Pourquoi? Analyse SWOT (strength weakness opportunity threat) de la dématérialisation de la fiche de salaire.
15%. C'était le taux des entreprises françaises engagées, avant la loi Travail, dans une démarche de dématérialisation des bulletins de paie. En Allemagne, le chiffre dépasse les 95 % selon le rapport remis par Jean-Christophe Sciberras en 2015 au gouvernement. En simplifiant les démarches, la loi Travail visait donc à généraliser la pratique.
Depuis le 1er janvier 2017, les règles du bulletin de paie électronique sont clairement définies. L'employeur doit assurer une accessibilité à ses salariés, via un coffre-fort numérique, pour une durée minimale de 50 ans ou jusqu'à ce que ces derniers aient atteint l'âge de 75 ans. Et ceci, qu'ils aient quitté l'entreprise avec deux jours ou 20 ans d'ancienneté. Évidemment incapables d'assumer seules ces contraintes, les entreprises se tournent vers des prestataires, dont Digiposte et PeopleDoc, les deux acteurs majeurs du marché français.
Les forces
"Indéniablement, pour le salarié, c'est un gain important." David Gordon, responsable de l'offre accompagnement à la dématérialisation d'Althea, cabinet spécialisé dans le conseil des fonctions transverses, est catégorique. Disposer d'un espace de stockage en ligne sécurisé, ne plus être soumis aux aléas de l'archivage papier (incendie, dégât des eaux, pertes)..., autant de points qui ne peuvent, selon lui, que soulever l'adhésion.
Côté employeurs, on aime le ROI du bulletin de paie dématérialisé. Christian Litaudon, chef de marché paie et RH pour l'éditeur Sage, avance un prix moyen de 50 centimes par fiche de salaire dématérialisée, soit 30 % en moyenne de moins qu'un bulletin de paie papier dès le premier salarié. On aime aussi le service supplémentaire apporté au personnel. "C'est un gain pour la marque employeur", explique David Gordon, avant de poursuivre: "Il s'agit d'un superbe quick win. Facile à mettre en place, visible immédiatement." Sylvie Mochet, directrice associée chez Oresys, cabinet de conseil en organisation et management, confirme: "Entre la DSN et le prélèvement à la source, la dématérialisation du bulletin de paie est facile!"
Les faiblesses
Pour Sylvie Mochet, la plus grosse difficulté réside dans l'accompagnement au changement des salariés. "Il n'est plus nécessaire de demander l'accord préalable du salarié, mais il peut refuser! Il faut donc rassurer et expliquer." Certains secteurs d'activité, comme l'industrie ou le BTP notamment, présentent une plus grande résistance à ce changement et nécessitent donc un accompagnement plus poussé. David Gordon confie: "Nous mettons en place des opérations ludiques pour inciter les salariés à ouvrir leur coffre-fort numérique avec, par exemple, des bons d'achat déposés de façon aléatoire." À cela s'ajoute le travail préalable, qui peut s'avérer plus ou moins fastidieux, de récupération des adresses e-mails. Une tâche obligatoire pour l'ouverture des coffres-forts numériques. "J'ai été surpris, mais il a fallu relancer les salariés plusieurs fois pour récupérer ces informations. Il y a probablement une réticence liée à une crainte du mélange pro/perso", regrette Patrick Chemla, p-dg du groupe Pointex, spécialisé dans les logiciels de gestion et de caisse (80 salariés).
50 ans
La durée minimale durant laquelle l'employeur doit garantir la disponibilité des bulletins de paie, via un coffre-fort numérique ou jusqu'à ce que le salarié ait atteint l'âge de 75 ans.
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Les opportunités
La dématérialisation du bulletin de paie offre un premier pas, facile, sur le sentier plus tortueux de la digitalisation globale des ressources humaines: notes de frais, demandes de congés, voire signature en ligne de contrats de travail ou d'avenants... Les fournisseurs de coffres numériques l'ont bien compris et considèrent la dématérialisation du bulletin de paie comme un produit d'appel. "Le bulletin de paie électronique ne va pas changer l'histoire d'une entreprise. En revanche, il lui permet de mettre un pied dans la porte, de faire un galop d'essai avant de se lancer dans une démarche plus globale et plus impactante pour son organisation", souligne Clément Buyse, cofondateur de PeopleDoc. L'investissement est alors plus important, mais les économies sont décuplées et le process de circulation de l'ensemble des documents est fluidifié. "Avec le prélèvement à la source, les entreprises seront de plus en plus sollicitées par leurs collaborateurs sur les taux de prélèvement, les évolutions de salaires. La digitalisation permettra de mettre en place plus facilement des chatbox, avec des tableaux de bord automatisés", promet Thomas Bourgeois, CEO de Dhatim, à l'origine d'une plateforme d'automatisation du contrôle DSN et paie.
"Le prestataire de coffre numérique doit s'engager sur 50 ans, mais la responsabilité finale revient à l'employeur."
Luc Petiteau, RSM
Les menaces
Luc Petiteau, associé au sein du réseau d'expertise-comptable RSM et ex-Daf dans de grandes entreprises, pointe les risques. "Le texte de loi n'est pas très clair. Le prestataire de coffre numérique doit s'engager sur 50 ans, mais la responsabilité finale revient à l'employeur." L'association du coffre numérique au nouveau compte personnel d'activité et l'agrément de la Caisse des dépôts et consignations balaient cette inquiétude, mais uniquement pour les prestataires certifiés. Or, pour l'instant, seule une quinzaine de structures a reçu l'accord de la CDC. La loi Travail, et son focus sur la dématérialisation, a ouvert un marché sur lequel se positionnent depuis un an des dizaines de start-up flairant l'opportunité. Elles ne tiendront pas la route. Dans un contexte où l'interopérabilité des systèmes n'est pas encore au point, la prise de risque est donc à évaluer correctement.
Autre menace: la sécurisation de toutes les données ultrasensibles figurant sur les bulletins de paie. Notamment le numéro de Sécurité sociale ou de compte bancaire. "Tout est chiffré pour que la protection soit optimale", promet Firmin Zocchetto, CEO de Payfit (1 300 clients revendiqués), dont la solution d'automatisation de la fonction RH est commercialisée depuis avril 2016. Reste que le chiffrement n'est pas forcément aussi performant chez tous les prestataires et que les exemples de piratage de données que l'on pensait intouchables ne manquent pas...
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Enfin, dernière menace à ne pas négliger: le risque de déshumanisation de la relation salariés/entreprise.
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