CLOUD COMPUTING: LES ATOUTS DE L'INFORMATIQUE DANS LES NUAGES
Si le cloud computing - littéralement appelé «informatique dans les nuages» - progresse dans l'univers professionnel depuis un ou deux ans, le grand public l'utilise déjà depuis longtemps... sans le savoir. Recourir aux services d'un webmail (Hotmail, Gmail, etc.) est une activité de cloud. La notion de cloud computing représente l'action d'accéder à des ressources informatiques stockées sur Internet. Un accès qui peut se faire gratuitement - c'est le cas du webmail - ou sur abonnement, avec un niveau de service garanti.
Le cloud computing consiste à déplacer, sur des serveurs distants, des traitements informatiques traditionnellement localisés sur le poste client de l'utilisateur. Sur le plan professionnel, l'externalisation des données comporte une notion supplémentaire avec le cloud public et privé, voire «hybride». «Lorsqu'on parle de cloud public, les ressources sont disponibles en dehors de l'entreprise via Internet, précise Régis Louis, senior director of product management, fusion middleware, EMEA chez Oracle. Dans le cas d'un cloud privé, l'infrastructure fonctionne pour une organisation unique. Elle peut être gérée par l'organisation elle-même (cloud privé interne) ou par un tiers (cloud privé externe). » Dans ce dernier cas, ajoute Régis Louis, « l'infrastructure est entièrement dédiée à l'entreprise et accessible via des réseaux sécurisés de type VPN (Virtual private network). Il est même possible de recourir à un système «hybride», c'est-à-dire, un mixte entre public et privé. »
Au niveau mondial, le cabinet d'études IDC estime que les services cloud représentaient 5 % des investissements TIC (technologies des informations et de la communication) mondiaux en 2009, soit 17 milliards de dollars. Stimulé par une croissance moyenne annuelle de 25 %, le cloud computing capterait 10 % des investissements mondiaux en 2013, soit 44 milliards de dollars. A l'échelle européenne et selon une étude réalisée, pour la Commission européenne, par le cabinet PAC, le marché du cloud computing dans l'Europe des 27 pesait 4 milliards d'euros en 2009. Ce montant représentait environ 1,5 % du marché total des logiciels et des services, mais pourrait croître fortement et atteindre 13 % du marché total des logiciels et services, à l'horizon 2015. En France, le cabinet Markess International estime le marché de l'hébergement et des services de cloud computing à 2,3 milliards d'euros, en 2011. Il devrait atteindre les 3,3 milliards en 2013. « En raison d'un besoin croissant en service de mobilité et face à la multiplication des terminaux à usage professionnel (laptops, tablettes, smartphones, etc.), l'avenir du cloud est tout tracé, souligne Hélène Caraux, chef de projet private cloud computing chez OVH, spécialiste de l'hébergement de sites internet. Le cloud permet de se libérer de la contrainte hardware et contribue au recentrage de l'entreprise sur son coeur de métier. »
CHRISTOPHE SUFFYS, DIRECTEUR GENERAL DE BITTLE
« Aujourd'hui, une grande palette de services est disponible en cloud: CRM, ERP, offres de reporting...
DE PLUS EN PLUS D'OFFRES DISPONIBLES
L'informatique dans les nuages rassemble diverses familles d'usages: l'exploitation de logiciels en ligne (Google Gmail ou Google Apps, Microsoft Office 365, Oracle Cloud Office, Orange Cloud Computing, SFR Business Team, etc.), l'archivage de données, la mise à disposition de puissance de calcul ou d'environnements de développement et la collaboration par des espaces de travail partagés et d'outils de communication synchrones (disponibles chez Amazon, Google ou Salesforce.com). Tous les domaines d'activité sont désormais concernés, même si le CRM, les applications collaboratives et le stockage de données suscitent encore davantage l'intérêt des entreprises françaises. « Il y a deux ou trois ans, le stockage de données représentait l'essentiel des offres en cloud. Aujourd'hui, quasiment toutes les offres de services sont disponibles: logiciels CRM, solutions de compta/ ERP, offres de reporting et de gestion bureautique », observe Christophe Suffys, directeur général de Bittle, éditeur de solutions de reporting en cloud.
S'orienter vers une offre cloud, c'est répondre à cette question: «Est-il préférable d'acheter ou de louer les logiciels et serveurs de son entreprise?» Dans le deuxième cas, seul ce qui est utilisé est payé, principe même du cloud. Cette souplesse d'utilisation permet une réponse rapide si l'entreprise connaît une forte croissance. «La flexibilité du modèle cloud permet aux managers d'anticiper pics ou baisses d'activité», révèle Hélène Caraux (OVH). «Grâce à la tarification à l'usage, il est facile de dimensionner le périmètre de ses besoins», souligne Noël Minard, p-dg et associés d'A2com Resadia (éditeur-formateur en informatique). Une souplesse qui s'accompagne d'une rapidité de mise en oeuvre. Lors de l'acquisition d'applications traditionnelles, il est courant de se tourner vers son service informatique, de faire une demande d'approvisionnement, d'acheter les serveurs éventuels, de les mettre en place, puis de contacter l'éditeur pour installer les solutions.
En mode cloud, l'approvisionnement des serveurs et l'installation de l'offre progicielle peuvent se faire en quelques heures. En outre, les mises à jour n'incombent plus à l'utilisateur et les montées en charge sont automatisées. De même, le cloud permet de se passer du déploiement de serveurs (avec des marques différentes) dédiés à chaque application: CRM, ERP, etc., évitant ainsi l'explosion de ressources, difficiles à gérer. La question du coût représente également un point déterminant lors du passage au cloud computing. Outre la tarification à l'usage, les experts s'accordent à dire que le gain financier est compris entre 20 et 40 %. Une économie qui peut être encore plus importante. Prenons le cas d'un système de messagerie pour une dizaine de personnes. Entre l'achat du logiciel, les coûts liés au support et la maintenance, il faut compter environ 5000 Euros HT par an, en mode licence. En cloud, l'équivalent est estimé à 750 Euros HT par an.
LAURENT SERRE, gérant des magasins Optique Serre
CAS PRATIQUE
Optique Serre: le reporting en mode déporté
Souffrant d'un manque d'efficacité et de précision sur son outil de pilotage, Laurent Serre, gérant des magasins Optique Serre, s'intéresse, en 2010, au cloud computing. Après une première phase d'évaluation, qui le satisfait pleinement, il choisit la solution de reporting Bittle, qu'il installe en octobre 2010, sur les bases d'un abonnement à 828 Euros HT par an. Le gérant est séduit par la facilité de mise en place de l'outil. « Alors que plusieurs mois étaient nécessaires pour déployer une solution en propre, il ne nous a fallu que quelques minutes pour aboutir au même résultat en mode cloud computing. » Via un simple navigateur web, une session est ouverte sur le site de Bitlle et permet de travailler sur l'outil de reporting (analyse du chiffre d'affaires, concrétisation de devis, etc.) à partir de n'importe quel ordinateur. « Le processus de mise à jour de la solution est transparent. Je suis averti par e-mail dès qu'un upgrade est effectué. » Seul bémol: « Les temps de chargement qui, au début de la mise en place de la solution, ont été un peu longs. »
REPERES
Raison sociale: SARL Optique Serre
Activité: Optique
Dirigeant: Laurent Serre
Forme juridique: SARL
Effectif: 4 salariés
Chiffre d'affaires prévisionnel 2011: 595 kEuros HT
Résultat net prévisionnel 2011: 25 kEuros
L'ATOUT DE LA SECURITE
Le cloud est également réputé très sûr. Certes, les annonces de comptes piratés sur Internet ont fait grand bruit ces derniers mois, mais tout médiatiques qu'ils soient, ces cas restent rarissimes. De plus, les acteurs offrent aujourd'hui de solides garanties: les traditionnels login et mot de passe peuvent être renforcés par un certificat installé sur l'ordinateur. Placé sur chaque PC, il garantit l'ouverture de session à distance. Il est souvent doublé d'un certificat hardware, logé sur une carte à puce ou sur une clé USB. Les spécialistes s'accordent à dire que les transmissions de données en cloud sont aussi sûres que les transferts de données bancaires effectués sur Internet. Sans compter que la perte d'un ordinateur portable abritant des données sensibles peut avoir de lourdes conséquences sur la sécurité des entreprises. Avec l'externalisation des données, de tels risques n'existent plus. Les PC deviennent, en quelque sorte, des «coquilles vides».
L'AVIS DE L'EXPERT. MATHIEU POUJOL, directeur infrastructures et technologies chez Pierre Audoin Consultants
Il est important de définir sérieusement le rôle du prestataire
Comment expliquez-vous l'engouement pour le cloud computing depuis quelques années?
Même si le gain économique n'apparaît pas comme la principale explication, il est important de souligner que le mode cloud computing s'appuie sur «l'operating expans», c'est-à-dire sur un système de location et non d'investissement. Pour une messagerie de 2 000 boîtes e-mails, le client économise environ 30 % en investissement de dépenses initiales. Le coût d'exploitation reste sensiblement le même, par la suite. Par ailleurs, le cloud permet à une entreprise de pouvoir monter en charge avec souplesse et rapidité lorsque les besoins du métier se font sentir. A une époque où tout s'accélère, cette flexibilité est un atout précieux.
Le cloud a-t-il un impact sur l'organisation des entreprises?
Comme le cloud repose avant tout sur des services d'externalisation, les entreprises ayant déjà fait appel à l'outsourcing possèdent une certaine expérience. Puisque le cloud s'établit sur une gestion de contrat, il est capital de définir les tenants et les aboutissants pour chaque partie. Il faut notamment être vigilant sur l'existence (ou non) d'une obligation de résultats du prestataire et envisager tous les scénarios critiques: «Que se passe-t-il, par exemple, si les serveurs tombent en panne?»
Quelles peuvent être les limites du cloud?
Il ne faut surtout pas sous-estimer la dépendance vis-à-vis du prestataire et la notion de perte de contrôle qui peut en résulter. L'autre point fondamental est lié à la qualité du réseau interne et externe. Si la bande passante est insuffisante, le système d'informations en pâtira.
HELENE CARAUX, CHEF DE PROJET PRIVATE CLOUD COMPUTING CHEZ OVH
«La flexibilité du modèle cloud permet aux managers d'anticiper les pics et baisses d'activité. »
SE DOTER D'UN RESEAU DE QUALITE
Faut-il en déduire que l'informatique dans les nuages est la solution miracle? Evidemment, non. Ses limites tiennent, d'abord, aux capacités du réseau qui permet de faire transiter les données. « Le choix du cloud computing suppose de se doter d'un réseau capable de transporter des données à haute vitesse », confirme Olivier Calef, consultant senior en cloud computing chez Devoteam (conseil en technologies de l'information). De plus, s'engager vers le cloud induit les mêmes conséquences que de faire appel à un système informatique en infogérance. Le contrat que vous allez signer avec votre prestataire devra décrire précisément son périmètre d'action, les conditions de restitution des données, le niveau de sécurité de l'infrastructure, etc.
A SAVOIR
Le cloud computing et ses trois modèles de service
SaaS (Software as a Service): l'utilisateur a la possibilité d'utiliser les applications du fournisseur de services via le réseau. Ces applications sont accessibles via différentes interfaces, clients légers, navigateur web, etc. Le client ne gère et ne contrôle pas l'infrastructure cloud sous-jacente, incluant le réseau, les serveurs, les systèmes d'exploitation, le stockage, mais peut éventuellement bénéficier d'accès à des configurations restreintes, spécifiques à des catégories d'utilisateurs.
PaaS (Platform as a Service): le consommateur peut déployer sur l'infrastructure cloud ses propres applications. L'utilisateur gère et ne contrôle pas l'infrastructure cloud sous-jacente (réseau, serveurs, systèmes d'exploitation, stockage), mais a la main mise sur les applications déployées et peut configurer l'environnement d'hébergement applicatif.
IaaS (Infrastructure as a Service): le client peut louer des capacités de traitement, de stockage, de réseau et autres ressources de calcul. Il a le contrôle sur les systèmes d'exploitation, le stockage, les applications déployées et peut sélectionner des composants réseau.
CAS PRATIQUE
Forstaf partage ses données dans les nuages
Souhaitant proposer à ses collaborateurs une base de données accessible à tout moment et de n'importe quel endroit, Laurent Le Roux s'intéresse au cloud dès 2008. Le dirigeant du cabinet de recrutement se tourne alors vers A2com Resadia et choisit une solution qui permet le lancement de sessions sur les bureaux virtuels d'un ordinateur, en s'appuyant sur des serveurs sécurisés. Depuis, l'ensemble des utilisateurs disposent de la même version du logiciel (y compris l'OS Windows) puisque les sessions sont externalisées. « Les utilisateurs sont reconnus en fonction de leurs PC portables et de leurs login et mot de passe, ce qui leur permet d'accéder aux données en situation de mobilité », explique le fondateur, qui a tenu à garantir un niveau élevé de sécurité. Avec le recul, Laurent Le Roux s'estime satisfait de son choix. « Avant l'argument du coût, c'est la qualité de la relation fournisseur-prestataire, la pérennité et la qualité du service après-vente et, surtout, la fiabilité du système qui m'ont convaincu. »
REPERES
Raison sociale: SARL Forstaff
Activité: Recrutement
Forme juridique: SARL
Dirigeant: Laurent Le Roux
Effectif: 11 salariés
Chiffre d'affaires prévsionnel 2011: 1,23 MEuros
Résultat net prévsionnel 2011: NC