[Trésorerie] 6 financements alternatifs passés au crible
Depuis quelques années, le monopole bancaire prend l'eau. Une bonne nouvelle pour les PME et ETI qui peuvent ainsi diversifier leurs sources de financement. Néanmoins, ces solutions ne sont pas toujours bien connues des entreprises. Voici donc une liste de financements qu'elles peuvent solliciter.
L'affacturage 2 .0
L'affacturage à la carte, c'est ce que proposent des acteurs de la fintech. Aucun engagement sur des volumes de cession de créances ou sur une durée n'est requis. La procédure est entièrement dématérialisée.
>> Pour qui? TPE, PME... jusqu'à 100 M€ de CA(1).
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>> Pour quels montants? Factures de 1000 à 300 k€(1).
>> Sous quels délais? 24 à 48h(1).
>> Quel coût? De 1,9 à 4,8%(1) de la valeur faciale de la facture, 2,4% en moyenne. "La liberté du "sans engagement" a un coût, reconnaît Cédric Teissier, cofondateur de Finexkap. Mais nous ne demandons aucune garantie personnelle et il n'y a aucun audit de l'entreprise."
À noter que Finexkap a lancé, début 2017, Cash Croissance, un produit qui s'adresse aux PME ayant des besoins plus établis. Ces dernières peuvent céder les factures (jusqu'à 3 M€) d'un ou plusieurs clients, pour un coût moyen de 0,75%.
(1) Données de Finexkap.
La dette privée
"Avec la dette privée, les taux sont généralement fixes et plus élevés, et le remboursement est souvent in fine." Gilles Saint-Marc,avocat associé chez Kramer Levin Europe
La dette privée permet aux entreprises, non notées ou cotées, d'obtenir un financement long à partir de 10 M€. "Les banques se positionnent sur des financements amortissables, rappelle Guillaume Arnaud, directeur général de la société de gestion Tikehau IM. Avec la dette privée, les PME et ETI peuvent financer leurs projets de développement ou des immobilisations incorporelles." Ses autres caractéristiques par rapport au crédit bancaire? "Les maturités sont plus longues, les taux sont généralement fixes et plus élevés, et le remboursement est souvent in fine, ce qui permet à l'entreprise de disposer de davantage de free cash-flow pendant la durée", indique Gilles Saint-Marc, avocat associé chez Kramer Levin Europe. "Les taux fixes sont intéressants quand les taux sont bas comme aujourd'hui, juge Muriel Nahmias (Redbridge DTA). Mais le corollaire, c'est une flexibilité moindre en cas de remboursement anticipé; ceci dit, un taux variable swappé revient au même de ce point de vue."
§ Via les Euro PP
Les Euro PP sont des opérations de financement à moyen ou long terme entre une entreprise et un nombre limité d'investisseurs institutionnels, qui repose sur une documentation ad hoc négociée entre l'emprunteur et les investisseurs, avec généralement la présence d'un arrangeur. Ils prennent la forme soit d'un prêt, soit d'une émission obligataire, cotée ou non. "Le format obligataire est le plus courant", témoigne Guillaume Arnaud (Tikehau IM). Aucune notation externe n'est demandée, mais le financement est généralement encadré par des covenants et parfois des sûretés. L'investisseur Euro PP est souvent un fond, notamment un FPE (fonds de prêts à l'économie), véhicule dédié aux compagnies d'assurances et mutuelles. Fin 2013, Novo, le premier FPE, a vu le jour. D'autres ont suivi. À l'image de Sofiprotéol Dette Privée, fondé par une filiale du groupe Avril et Tikehau IM, qui a vocation à financer des entreprises agro-industrielles.
>> Pour qui? Les ETI et, plus rarement, les PME réalisant plus de 30 M€ de CA, "plutôt matures", selon Guillaume Arnaud, et "de qualité de crédit implicite "investment grade" ou "cross over", avec un levier maximum de quatre fois l'EBITDA généralement", complète Muriel Nahmias (Redbridge DTA).
>> Pour quels montants? De 10 à 100 M€ par investisseur.
>> Quelle maturité? Entre cinq et dix ans, généralement entre six et sept ans.
>> Sous quels délais? Entre trois et quatre mois.
>> Quel coût? De 3 à 5%.
§ Via les fonds de "leveraged loans"
>> Pour qui? Des PME à levier élevé, voire en situation de LBO, "généralement dans le cadre de financements d'acquisition, sur les tranches in fine des crédits bancaires syndiqués", précise Augustin Huyghues Despointes, associate director debt advisory chez Redbridge DTA.
>> Pour quels montants? De 5 à 50 M€ par fonds.
>> Quelle maturité? Essentiellement de six à sept ans.
>> Sous quels délais? Entre deux et six mois.
>> Quel coût? Au-dessus de 4%, jusqu'à 6, voire 8%.
§ Via les FIA
Les FIA (fonds d'investissement alternatif) sont des fonds professionnels spécialisés ou de capital investissement. Les opérations de crédit couvrent toutes les formes de mise à disposition de fonds à titre onéreux (prêts stricto sensu ou ouvertures de crédit). La différence avec les Euro PP? Les FIA peuvent de surcroît proposer une offre de financement hybride: des obligations couplées à de l'equity. "C'est un vrai financement sur mesure, apprécie Guillaume Arnaud (Tikehau IM). Une offre émanant d'un même acteur, qui repose à la fois sur du capital et de la dette, est assez rare."
>> Pour qui? Les PME en croissance réalisant plus de 30 M€ de CA.
>> Pour quels montants? De 10 à 30 M€.
>> Quelle maturité? De cinq à sept ans.
>> Sous quels délais? Deux mois en moyenne.
>> Quel coût? Entre 3 et 5%.
Le crowdlending
De nombreux sites proposent à des internautes de prêter de l'argent aux TPE. Seul Lendix s'adresse réellement aux PME et ETI, avec son offre de prêts amortissables. 2 à 3% des emprunteurs sont sélectionnés, mais ils ont alors la garantie que leurs besoins seront intégralement couverts: 51% du montant est automatiquement financé par des investisseurs institutionnels puis le reste par des particuliers via une campagne en ligne. Si l'objectif n'est pas atteint à l'issue de la période, les institutionnels comblent la somme.
>> Pour qui? PME (250 k€ de CA minimum) et ETI rentables.
>> Pour quels montants? de 30 k€ à 3 M€.
>> Quelle maturité? Trois mois à sept ans.
>> Sous quels délais? Réponse sous 48 à 72 h, puis l'emprunteur choisit la durée de la campagne en ligne, de quelques jours à quelques semaines.
>> Quel coût? De 3 à 9%. "Nos taux sont plus élevés que les taux bancaires, reconnaît Olivier Goy, fondateur de Lendix. Mais une banque peut-elle débloquer 1 M€ en quatre jours pour une entreprise souhaitant acheter des machines aux États-Unis? Ou financer des recrutements? Par ailleurs, nous ne demandons aucune garantie ni nantissement ou covenant."
Les NEU CP (ex-billets de trésorerie)
"Les NEU CP permettent des économies significatives sur les frais financiers."
Muriel Nahmias, senior director debt advisory chez Redbridge DTA
Les NEU CP sont des titres de créance négociables émis principalement par des banques, mais aussi par des entreprises. Les taux peuvent être fixes ou variables, les intérêts précomptés ou postcomptés. Les émetteurs doivent établir une documentation financière, déposée auprès de la Banque de France, détaillant leur activité, leur situation économique et financière ainsi que le programme d'émission. "Les NEU CP offrent une grande flexibilité dans le choix des échéances, apprécie Muriel Nahmias, senior director debt advisory chez Redbridge DTA. En revanche, ils ne sont accessibles qu'aux ETI ayant une belle qualité de crédit. En outre, il y a un risque de refinancement à chaque échéance, il est donc recommandé de disposer d'une ligne de back-up bancaire."
>> Pour qui? "Les programmes NEU CP s'adressent en priorité aux entreprises cotées sur un marché réglementé, en actions ou en obligations, répond Muriel Nahmias. Les ETI non cotées, disposant d'un rating officiel d'une agence agréée par l'ESMA ou d'un garant disposant de cette notation, peuvent aussi y prétendre."
>> Pour quels montants? Minimum 150 M€.
>> Quelle maturité? D'un jour à un an, entre trois et six mois en moyenne.
>> Sous quels délais? Environ un mois et demi.
>> Quel coût? "Le coût de ce financement est compétitif, assure Muriel Nahmias. Les NEU CP permettent des économies significatives sur les frais financiers, entre 20 à 80 bps selon le taux d'utilisation des lignes bancaires et la notation implicite de l'émetteur."
La mezzanine sous forme d'OBSA
"La mezzanine sous forme d'OBSA ne détériore pas les ratios d'endettement de l'entreprise." Cyril Kammoun, responsable France chez Degroof Petercam
L'OBSA (obligations à bons de souscription d'actions) consiste en une émission obligataire assortie d'un BSA. Le prix d'exercice des BSA est fixé dès leur émission. Le remboursement est in fine. L'investisseur dispose d'un droit de conversion, c'est-à-dire d'échanger l'obligation en actions. Il partage donc les risques mais également la création de valeur. "C'est une solution de quasi-fonds propres sur mesure et souple, notamment au niveau du package de sûretés, résume Cyril Kammoun, responsable France de la banque d'affaires Degroof Petercam. Elle ne détériore pas les ratios d'endettement de l'entreprise. Néanmoins, il y a un risque de dilution à terme si les BSA sont convertis."
>> Pour qui? Grosses PME et ETI.
>> Pour quels montants? De quelques millions à plusieurs centaines de millions d'euros.
>> Quelle maturité? Sept à huit ans en moyenne, et jusqu'à dix ans.
>> Sous quels délais? Deux à trois mois.
>> Quel coût? 8 à 10%. "Ce financement est coûteux, la création de valeur est donc indispensable, souligne Cyril Kammoun. Mais c'est flexible, car une partie peut être payée en cash, le reste pouvant être capitalisé."
Le sale & leaseback, notamment des équipements industriels
Le principe général? L'entreprise vend un actif (immobilier, parc automobile, informatique, équipement industriel...) dont elle est propriétaire pour le reprendre en leasing. Une option de rachat est possible en fin de contrat. Comme pour le crédit-bail, le loyer est une charge déductible du résultat. L'assurance, l'entretien et les réparations restent à la charge de l'entreprise.
Avec le financement d'équipements industriels en sale & leaseback, l'entreprise peut générer des liquidités à partir de son actif stratégique, essentiel à la production, même s'il est entièrement amorti. Le bilan est revalorisé. En revanche, "il ne faut pas s'attendre à un rachat au prix du neuf, signale Jean-Baptiste Magnen, managing partner de ChetWode, spécialiste des financements industriels. La valeur estimée peut parfois être déceptive. Le principal frein est psychologique, certaines entreprises ayant des scrupules à céder leur outil de production."
>> Pour qui? Grosses PME et ETI.
>> Pour quels montants? Tout dépend de l'état d'obsolescence et d'entretien de l'équipement et de sa valeur de revente sur le marché. Les transactions sont de 8 M€ en moyenne chez ChetWode et peuvent aller jusqu'à 40 M€.
>> Sur quelle durée? Les contrats courent sur trois à sept ans, cinq ans en moyenne.
>> Sous quels délais? Un mois pour des dossiers inférieurs à 5 M€ et trois mois environ au-delà.
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