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Facturation électronique : une clé pour réussir la CSRD ?

La facturation électronique, c'est évidemment une obligation légale. Mais c'est aussi un levier pour améliorer la transparence des process et atteindre les objectifs de durabilité dans le cadre de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Tribune exclusive de Tatiana Vlas et Sabrina Hué, expertes en process financier cabinet Julhiet Sterwen.

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Facturation électronique : une clé pour réussir la CSRD ?

La réforme française de la facturation électronique impose à toutes les entreprises de dématérialiser leurs factures de manière structurée à partir de septembre 2026. Elle entraine une transformation significative dans la gestion des flux financiers des entreprises. Parallèlement, la directive européenne CSRD exige une communication renforcée sur les performances ESG (Environnement, Social et Gouvernance).

Si ces deux réformes semblent éloignées, elles servent toutefois un objectif commun : la promotion de la transparence et des pratiques responsables. Bien que distinctes dans leur finalité, elles peuvent donc se révéler complémentaires pour les entreprises. Ainsi, la facturation électronique offre des opportunités sur des terrains liés à la CSRD : réduction de la consommation du papier et des déchets, réductions de l'empreinte liée aux déplacements ou amélioration de l'efficacité opérationnelle, et donc action sur la gouvernance.

Au-delà de la réalisation de leurs objectifs individuels, ces initiatives réglementaires peuvent générer des synergies et des opportunités pour une transformation durable et transparente des organisations. Mais comment cela se traduit-il, dans les faits ?

Facturation électronique : un levier pour l'amélioration des performances RSE

Sur le plan environnemental, la dématérialisation des factures réduit l'utilisation du papier. Elle limite également les transports physiques et les besoins d'archivage. Cela se traduit par une diminution mesurable des émissions de CO2. Selon l'étude internationale de l'AIS[1], le bilan carbone de la facturation électronique serait d'ailleurs 63% inférieur à celui de la version papier.

La facturation électronique, par la digitalisation des processus qu'elle induit, renforce la traçabilité des transactions et réduit significativement les erreurs, grâce à des contrôles automatisés sur les données. Les données sont ainsi plus précises, et disponibles en temps réel. Cette accessibilité à des données pertinentes vient nourrir la gouvernance financière, et permet de générer de nombreux indicateurs. Cette dimension est clé dans le cadre de la CSRD, qui exige un reporting détaillé sur les pratiques ESG.

De plus, la dématérialisation des factures induit une documentation précise et un suivi rigoureux des opérations financières. Le bénéfice ? Une réduction des risques de fraude, sujet également visé par la CSRD : toutes les actions et le cycle de vie des factures doivent en effet être stockés de manière sécurisée, et intégrés dans une piste d'audit fiable.

Sur le plan social, la standardisation des échanges simplifie les relations avec les fournisseurs, en particulier les petites entreprises, en allégeant leurs tâches administratives. Ainsi, une petite entreprise qui envoyait auparavant ses factures papier par courrier va devoir soumettre ses factures sous format électronique via sa plateforme de dématérialisation partenaire (PDP). Cela lui permet de gagner du temps, car elle n'a plus besoin d'imprimer, d'envoyer par courrier ou de vérifier manuellement l'exactitude de chaque facture. En outre, elle réduit les erreurs et les coûts associés à ces démarches. Certaines tâches chronophages peuvent ainsi disparaitre, pour permettre de se concentrer sur des activités à valeur ajoutée. Dans le cadre de la CSRD, ces bénéfices sont à mettre à l'actif des organisations, sur le plan de l'impact social.

La mise en oeuvre de la facturation électronique contribue ainsi directement au renforcement de l'impact positif des organisations, sur les plans environnemental et sociétal.

La digitalisation : une opportunité pour la conformité CSRD

Beaucoup d'entreprises profitent de la réforme sur la facturation électronique pour réorganiser l'ensemble de leurs processus, notamment ceux liés à la chaîne d'achat et à l'enrôlement des fournisseurs. En digitalisant ces étapes, elles peuvent plus facilement vérifier la conformité de leurs fournisseurs aux critères posés par la CSRD. Les données issues de cette digitalisation pourraient être consolidées et exploitées pour alimenter directement les rapports extra-financiers, renforçant ainsi la traçabilité des chaînes d'approvisionnement.

Cette intégration simplifie la collecte d'informations, l'analyse des flux financiers, le suivi des délais de paiement et la surveillance de l'empreinte écologique des achats. Par exemple, l'enrôlement des fournisseurs, étape clé pour la facturation électronique, permet de suivre des éléments comme leurs conditions de travail, la distance de l'approvisionnement ou encore les notes RSE liées à la lutte contre la corruption ou les pratiques commerciales éthiques. Bien que ces réglementations puissent être perçues comme des contraintes, elles ouvrent en réalité des opportunités considérables et créent de véritables synergies pour les entreprises.

Une méthodologie pour améliorer les synergies de ces deux réglementations

Les directions administratives et financières (DAF) sont déjà fortement sollicitées par un grand nombre de réglementations. Afin d'optimiser le temps des équipes, il est recommandé de suivre une méthodologie bien définie. Cela commence par la cartographie des processus actuels, afin d'identifier les points d'amélioration dans la gestion des factures, les interfaces existantes et les données manquantes nécessaires pour le reporting ESG.

Ensuite, la centralisation des données via un outil adapté, tel qu'un ERP ou une plateforme P2P, permettra d'harmoniser les flux financiers et de faciliter leur analyse. Il convient également de former les équipes pour faciliter la collaboration entre les départements finance, achats et RSE, afin d'optimiser la collecte et l'analyse des données ESG.

En tant qu'acteurs clés de la gouvernance extra-financière, les DAF se trouvent au carrefour de nombreuses données liées au reporting CSRD et à la facturation électronique. Il est essentiel de disposer d'une vue d'ensemble claire et cohérente pour garantir une bonne gestion et une communication plus efficace des données à tous les niveaux.

Une fois cette méthodologie mise en place, les entreprises peuvent transformer les contraintes en opportunités. Elles peuvent ainsi optimiser leurs processus, en réduisant les délais de traitement, en diminuant les erreurs et en assurant une fluidité des échanges. Par ailleurs, la transparence permet de renforcer la confiance des parties prenantes grâce à une meilleure traçabilité des actions. Enfin, les entreprises peuvent anticiper les attentes ESG, en s'alignant sur les critères exigés par les investisseurs et partenaires sensibles aux enjeux de durabilité. Elles positionnent ainsi leur organisation comme un acteur responsable et engagé.

La convergence entre la facturation électronique et la CSRD ne réside pas seulement dans un alignement réglementaire. Ensemble, ces deux réglementations permettent aux entreprises de réduire leurs risques, de renforcer leur crédibilité et d'améliorer leur compétitivité sur le long terme. Alliées, elles constituent des vecteurs forts pour une performance durable et responsable.

[1] "Assessing the Carbon Footprint of Paper vs. Electronic Invoicing" by Maija Tenhunen and Esko Penttinen

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