[ITV] Jean Rognetta de PME Finance : " Nous lançons un programme d'audition de toutes les Bourses européennes pour savoir comment les PME y sont traitées "
Concernant le PEA-PME, quel bilan en tirez-vous ?
Le PEA-PME a été lancé au début de l'année : on comptabilise jusqu'à présent 80 000 comptes et 300 millions d'euros levés. C'est tout petit. D'autant plus si on compare aux 5 millions de PEA. Mais il faut relativiser : si la somme de 300 millions ne paraît pas importante, l'encours total des fonds est de 1,4 milliards d'euros : générer 20% des fonds en quelques mois, c'est tout à fait significatif. Le PEA-PME permet d'apporter des ressources nouvelles aux fonds small caps, qui étaient en décollecte depuis 2002.
Mais bien sûr, ce n'est pas suffisant : ce n'est pas avec cela que les 65 fonds PEA-PME actifs vont pouvoir vivre. Il faut dynamiser la distribution pour atteindre un milliard d'euros levés par an. Cela passe notamment par la possibilité donnée aux professionnels d'offrir des fonds moitié en obligations convertibles et moitié en obligations simples, et non mi-actions mi-obligations, comme aujourd'hui. Ils pourront ainsi proposer des plans d'épargne, ce qui permettrait d'augmenter l'encours - l'encours moyen est aujourd'hui de moins de 4000 euros. Investir dans les PME représente un risque : il faut donc inciter en offrant quelque chose et nous pensons que le meilleur moyen est d'offrir un rendement. J'espère sincèrement que les pouvoirs publics, qui sont réceptifs à cet argument, vont réagir vite car le vrai risque est que les professionnels arrêtent de proposer le PEA-PME. Ce qui réduirait les entreprises encore plus dépendantes des fonds publics.
En quoi la Bourse est-elle une solution de financement intéressante pour les PME et les ETI ?
La Bourse n'est pas intéressante en tant que telle mais pour la possibilité de développement qu'elle offre aux sociétés. Nous avons la conviction que c'est elle qui tire le marché de l'investissement, qui tend la chaîne de financement. Après une introduction en Bourse, si les sociétés se développent bien derrière, elles prennent rapidement de la valeur. Regardez GAFA -Google, Apple, Facebook et Amazon : quatre exemples qui montrent qu'une Bourse qui marche tire les sociétés vers le haut. Cela fait plusieurs années que nous souhaitons une Bourse qui fonctionne pour les PME en Europe. Ce mois-ci, nous lançons un programme d'audition de toutes les Bourses européennes pour savoir comment les PME y sont traitées. La Bourse sert à financer les PME : ce doit être sa fonction première.
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Mais la banque reste un partenaire essentiel...
S'il fallait classer les sources de financement par ordre d'importance, les banques viendraient en premier, suivies de la Bourse puis du capital-investissement, des crédits d'impôt, du corporate venture et enfin des " Fin Tech " dont fait partie le crowdfunding. Sur le marché européen, il est plus difficile d'accéder aux marchés financiers qu'aux États-Unis ou en Grande-Bretagne ; les banques ont donc un rôle important. Mais entre la crise financière et les ratios prudentiels Bâle 3, le système bancaire a besoin de se réformer. Les banques sont d'ailleurs les premières à s'intéresser au crowdfunding, par exemple. Si en France on a réussi à éviter le resserrement du crédit, des tensions existent sur le financement de trésorerie. C'est le vrai sujet : comment conforter le rôle des banques dans le financement des PME.
Le programme TLTRO (Targeted Longer Term Refinancing Operations ou opérations de refinancement ciblées à long-terme), lancé par la Banque Centrale Européenne, qui permet aux banques de placer leurs créances envers les PME en garantie, est une vraie bouée d'oxygène pour les PME européennes. Mais au-delà, chez PME Finance, nous nous sommes rendu compte que le financement bancaire pose d'énormes questions qui sont toutes d'ordre européen. D'où la création avec différents partenaires des Assises européennes du financement des entreprises pour permettre aux PME et à leurs Daf de prendre la mesure de la complexité et de la dimension européenne : quand on est face à son banquier, on ne parle pas la même langue... En partenariat avec les banques, nous réfléchissons également à structurer l'intermédiation pour donner aux entreprises l'accès au marché obligataire.
Et le Daf dans tout ça ?
Le rôle des Daf est central. Au sein de PME Finance, nous avons la conviction que la finance est toute aussi cruciale pour les PME et ETI que pour les grands groupes. S'adresser aux acteurs du marché obligataire, compléter le financement bancaire, s'ouvrir au corporate venture ou autre... Il est difficile aujourd'hui d'imaginer une société de croissance sans Daf !
A propos de Jean Rognetta
- années 1990 : responsable successivement des newsletters d'@Jour (Groupe Tests/Vivendi), du fil d'actualité de Silicon.fr et de la lettre confidentielle CyberPouvoirs
- depuis 2000 : collabore aux Échos et à Capital Finance
- 2010 : création de l'association PME Finance, qu'il préside et dirige.
- septembre 2012 : publication chez Fayard de La République des Réseaux, un plaidoyer pour la révolution numérique
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