Economie de guerre : quels impacts pour les entreprises françaises ?
Travailler 36 heures, nouveau livret d'épargne « de guerre », plan « Rearm » européen... après l'onde de choc provoquée par les menaces de Trump de lâcher l'Ukraine, et de facto l'Europe, le débat sur une « économie de guerre » resurgit en France. Des pistes sont avancées, mais quels seraient les impacts sur les entreprises ? Détails.

Les ministres européens des Finances se réunissent à Bruxelles ce lundi 10 et mardi 11 mars pour discuter du financement de la défense européenne, un sujet désormais prioritaire sur l'agenda économique de l'UE. La semaine dernière, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé le plan « Rearm », qui prévoit jusqu'à 800 milliards d'euros d'investissements supplémentaires. Cette enveloppe inclut 650 milliards d'assouplissement budgétaire et 150 milliards de prêts accordés par la Commission pour renforcer les capacités de défense des États membres. « Il nous faut une augmentation très rapide des capacités de défense européennes. Et il nous la faut maintenant », a déclaré ce mardi 11 mars, Ursula von der Leyen. Le temps des illusions est révolu, a-t-elle indiqué depuis le Parlement européen, à Strasbourg. « Le temps est venu d'assurer la paix par la force », a-t-elle lancé face aux députés européens, dans un discours diffusé sur son compte X.
Un plan de guerre européen
L'enjeu de cette rencontre est désormais de définir les modalités concrètes de ce « paquet défense », en particulier le fonctionnement du nouveau mécanisme de prêt « Safe » (Security Action for Europe). Ce dispositif permettrait à la Commission d'emprunter à des conditions avantageuses avant de réallouer ces fonds aux États. Par ailleurs, les ministres examineront le rôle croissant de la Banque européenne d'investissement (BEI) ainsi que les conditions d'activation des clauses dérogatoires du Pacte de stabilité, qui permettraient aux pays européens d'investir davantage dans leur défense tout en respectant les règles budgétaires communes.
Quel financement de la défense ?
L'idée de mobiliser une partie de l'épargne réglementée des Français, qui dépasse aujourd'hui 600 milliards d'euros, pour financer la défense nationale refait surface depuis ces derniers jours. Alors que la France doit augmenter son budget militaire de plus de 30 milliards d'euros par an, Emmanuel Macron a évoqué mercredi 5 mars dernier lors de son allocution télévisée que la France entrait dans une « économie de guerre » soit un type d'économie dans laquelle « les besoins de la guerre sont satisfaits prioritairement, par prélèvement autoritaire ». Le président a également évoqué la possibilité de créer « un nouveau livret d'épargne » dédié aux entreprises du secteur.
Toutefois, cette option ne semble pas privilégiée par Bercy, qui ne favorise pas un dispositif spécifique à l'heure d'aujourd'hui. En effet, une série d'initiatives est en préparation en vue du grand rendez-vous du financement de la défense, qui se tiendra sous l'égide de Bercy et du ministère des Armées le 20 mars. Du côté des acteurs privés, banques et assureurs pourraient profiter de l'événement pour faire des annonces, notamment en matière d'épargne. Plusieurs pistes sont envisagées, comme l'assurance-vie, la création d'un label ou l'orientation de l'épargne réglementée, à condition que la défense soit reconnue comme un secteur durable. Parmi les voix qui s'expriment sur le sujet rapporte Les Echos, le président du Crédit Mutuel plaide pour l'orientation de l'assurance-vie, tandis que Nicolas Gomart, directeur général de La Matmut, rappelle que le secteur assurantiel, en tant que premier investisseur institutionnel, a un rôle clé à jouer.
Du côté du secteur public, Bpifrance, qui pilote déjà le fonds Definvest et dispose d'un large éventail d'outils d'investissement, prévoit d'accélérer son engagement, avec un soutien renforcé en fonds propres. Son président, Nicolas Dufourcq, a d'ailleurs souligné sur France Culture « que la dette publique doit servir à financer des infrastructures stratégiques comme l'armement ou l'énergie nucléaire, plutôt que des produits de grande consommation ». De son côté, la Caisse des Dépôts, qui avait déjà engagé des actions sous la direction d'Eric Lombard, pourrait également jouer un rôle dans ce nouveau cadre de financement de la défense.
Des PME déjà sur le front
Depuis le début du conflit Russie/Ukraine, les entreprises du secteur de la défense connaissent déjà un « effort de guerre » qui remplit le carnet de commandes, comme la PME Europlasma (Tarbes) qui fournit l'armée française et les forces ukrainiennes sur le front en produisant des corps d'obus.
Une autre PME Delair, basée à Labège, près de Toulouse (Haute-Garonne) spécialisée dans la fabrication de drones civils dédiés à la surveillance des infrastructures ferroviaires, a connu également une croissance fulgurante, notamment grâce à sa diversification dans la production de drones de surveillance militaire.
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Travailler 36 heures : la proposition choc de la CPME
Autre réaction, et non des moindres, celles de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) qui a proposé de passer à une semaine de 36 heures pour financer le régime de retraite par capitalisation et soutenir l'économie de guerre. En effet son président, Amir Reza-Tofighi, a défendu cette proposition sur BFMTV ce 11 mars 2025, affirmant que « pour financer l'effort de guerre, il faut produire plus de valeur ». Selon lui, cette 36e heure de travail hebdomadaire aurait une double finalité : alimenter le futur régime de retraite par capitalisation et financer les besoins militaires et industriels liés à l'économie de guerre.
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