Baisse des impôts de production : quelles conséquences pour les entreprises ?
Le gouvernement a estimé à 10 milliards d'euros sur 2021 l'impact des mesures en faveur d'une baisse des impôts dits de production, à savoir certains impôts locaux(1). En quoi consiste cette baisse prévue par le plan de relance de l'économie et mise en oeuvre par la loi de finances pour 2021.
Malgré les précédentes réformes de 1998 et de 2010, les impôts de production font l'objet de nombreuses critiques. Outre leur complexité, il leur est reproché de constituer un obstacle à l'investissement et à l'implantation des entreprises en France parce que leurs assiettes reposent sur les facteurs de production indépendamment des bénéfices réalisés par les entreprises et touchent " plus particulièrement les secteurs exposés à la concurrence internationale, comme l'industrie "2. En 2018, ces impôts auraient représenté 77 milliards d'euros en France, soit 3,2% du PIB, contre 1,6% en moyenne dans l'Union Européenne et 0,4% en Allemagne3.
Sont visées : la contribution économique territoriale (" CET ") composée de la cotisation foncière des entreprises (" CFE ") et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (" CVAE "), ainsi que la taxe foncière sur les propriétés bâties (" TFPB "). La piste d'une baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) a, quant à elle, été écartée.
Réduction de moitié de la CVAE, renforcement du plafonnement de la CET
A compter des impositions dues au titre de 2021, le taux d'imposition à la CVAE est, pour toutes les entreprises, réduit de moitié4. Le taux maximal passe ainsi de 1,5 % à 0,75% pour les entreprises dont le chiffre d'affaires HT est supérieur à 50 M€. Concrètement, cette diminution se traduira, en premier lieu, par une baisse de moitié des acomptes de CVAE dus en 2021.
Par ailleurs, plusieurs mesures " d'accompagnement " ont été votées :
· afin d'éviter qu'une partie du gain de la baisse de la CVAE ne soit neutralisée par le mécanisme du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée, le taux du plafonnement est abaissé de 3% à 2% 5;
· le dégrèvement complémentaire appliqué d'office aux entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 2 m € est divisé par deux6, tout comme la cotisation minimum forfaitaire de la CVAE applicable aux entreprises dont le CA excède 500 k €7;
· pour les acomptes dus à compter de 2022, l'obligation de s'acquitter de la CVAE sous forme d'acomptes concernera désormais toutes les entreprises dont la CVAE de l'année précédant celle de l'imposition est supérieure à 1 500 €8;
· le taux de la taxe additionnelle à la CVAE est porté de 1,73 % à 3,46 %, calculée sur le montant de la CVAE9.
Une réduction de la CFE et de la taxe foncière pour les établissements industriels
Pour les besoins de la CFE et de la TFPB, la base d'imposition de la plupart des établissements industriels est déterminée selon la méthode dite " comptable "10. Cette méthode repose sur l'application de taux d'intérêts au prix de revient des différents éléments (bâtiment, terrain) de l'établissement, dissuadant nombre d'entreprises d'investir dans leur outil de production.
Ces taux sont désormais diminués de moitié (de 8% à 4% pour les sols et terrains et de 12% à 6% pour les constructions et installations), permettant d'alléger significativement la CFE et la taxe foncière dues par ces établissements.
Cette réforme impactera l'acompte du 15 juin 2021, lequel passera à 25% de la CFE 2020 (et non 50%).
Création ou extension d'établissement : application d'une potentielle exonération de CET pendant 3 ans
Afin de stimuler les investissements, sur délibération des collectivités bénéficiaires de l'imposition, les créations et extensions d'établissement intervenues à compter du 1er janvier 2021 pourront se voir exonérées de CFE et de CVAE pendant trois ans11.
La notion d'" extension d'établissement " fait l'objet d'une nouvelle définition. Elle permet désormais de neutraliser les variations qui sont sans lien avec des travaux fonciers et de décaler de trois ans l'entrée dans l'imposition à la CET des nouveaux investissements fonciers des entreprises12.
Cette exonération est subordonnée à l'adoption, par les collectivités concernées, d'une délibération en ce sens prise avant le 1er octobre pour l'année suivante et à la demande expresse du contribuable. Dans ce cadre, elle s'applique pendant une durée de 3 ans à compter de l'année qui suit celle de la création d'établissement ou de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle l'extension d'établissement est intervenue (la période de référence utilisée pour calculer l'impôt étant l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition).
En pratique, sous réserve d'une délibération des collectivités antérieure au 1er octobre 202113:
· en cas de création d'un établissement en 2021, au titre de 2021 exonération de plein droit (l'année d'ouverture étant exonérée) et au titre de 2022, 2023 et 2024, exonération sous réserve que soit adressé au SIE dont relève l'établissement une demande d'exonération via le formulaire 1447 C avant le 1er janvier 2022 ;
· en cas d'" extension " d'établissement réalisée en 2021, au titre de 2023, 2024 et 2025, sur délibération, exonération sous réserve que soit adressé au SIE dont relève l'établissement une demande d'exonération via le formulaire 1447 M avant le 1er mai 2022.
Pour en savoir plus
Benoît Dambre est avocat associé chez PDGB. Il est spécialisé en fiscalité des entreprises, fiscalité des fusions-acquisitions et des transactions et fiscalité des dirigeants.
Olivier Decombe est avocat associé et membre du comité de direction chez PDGB. Il exerce dans les domaines de la fiscalité appliquée aux établissements de crédit, en matière de fiscalité directe locale, fiscalité immobilière et assistance aux contrôles fiscaux.
Charlotte Véniard est avocat collaboratrice chez PDGB.
1)Art. 8, 29 et 120, loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021
2) Observatoire français des conjectures économiques, Policy Brief n°38 du 16 octobre 2018
3 Document de travail n° 75 publié par l'Institut Rexecode le 9 novembre 2020
4 CGI, art. 1586 ter, II-2
5 CGI, art. 1647 B sexies
6 CGI, art. 1586 quater, II
7 CGI, art. 1586 septies
8 CGI, art. 1679 septies
9 CGI, art. 1600, III, 1, al. 2
10 CGI, art. 1499
11 CGI, art. 1478 bis
12 CGI, art. 1468 bis
13 CGI, art. 1639 A bis
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