Trois articles et une décision qui impactent la fiscalité 2016 des PME et ETI
Dividendes distribués par des filiales au sein d'un groupe fiscal, indemnités de cessation forcée du mandat social, contribution exceptionnelle de 10,7% de l'IS au menu fiscal de ce début d'année 2016. Aucune révolution mais des ajustements.
En 2016, le législateur marque une pause fiscale ! Les différents textes impactant l'année 2016 -(loi de finances pour 2016 ou LF 2016, loi de finances rectificative pour 2015 ou LFR 2015, et loi de financement de la sécurité sociale ou LFSS 2016) consolident les régimes existants, mettent en conformité le droit français avec le droit communautaire et renforcent le contrôle des grandes entreprises. Pas de réformes conséquentes donc mais quelques aménagements à appréhender au plus vite pour les directeurs administratifs et financiers de PME et ETI. Et une décision en attente du Conseil d'État.
Exonération des dividendes de filiales : trois régimes d'imposition différents
La loi de finances rectificative pour 2015 instaure une quote-part de frais et charges (QPFC) de 1% sur les distributions intervenant à l'intérieur d'un groupe fiscal intégré. Ces distributions étaient jusqu'à présent neutres au plan fiscal dès lors qu'elles échappaient à la réintégration de la QPFC de 5%. Un régime identique est prévu pour les dividendes distribués par des filiales détenues à au moins 95% établies dans l'UE ou l'EEE, qui si elles étaient établies en France, rempliraient les conditions pour faire partie d'un groupe fiscal intégré. En effet, pour entrer dans le périmètre de l'intégration fiscale, une filiale doit, entre autres conditions, être détenue à au moins 95% par la société mère intégrante. Désormais donc, les distributions peuvent être soumises à trois régimes d'imposition différents : l'imposition intégrale, l'exonération à 95% et l'exonération à 99%.
Cas pratique
Une société française M perçoit des dividendes de ses quatre filiales situées en France F1 à 100%, F2 à 50% et F3 (à 4%) et en Italie (F4 à 100%). M a créé un groupe d'intégration fiscale avec F1.
On considèrera par hypothèse que chaque filiale distribue 100.000 €, soit une distribution totale de 100.000 €. Les dividendes perçus par M de F1 sont exonérés à hauteur de 99% en raison de l'intégration fiscale et la quote-part imposable sera de 1.000 €. Il en est de même de ceux perçus de F4 dès lors que F4 étant détenue à 95% par M pourrait être intégrée fiscalement si elle était située en France. Les dividendes perçus de F2 sont exonérés à hauteur de 95% (régime mère fille normal) et imposés à hauteur du solde de 5.000 €. Les dividendes perçus de F3 sont imposables intégralement dès lors le seuil de participation minimum de 5% n'est pas atteint. En fin de compte sur les 400.000 € de dividendes perçus, M sera imposable sur 107.000 € (1.000 + 1.000 + 5.000 + 100.000).
Dans le régime antérieur, la fraction imposable aurait de 110.000 €. Les dividendes versés par F1 auraient été exonérés en totalité alors que les autres dividendes auraient été imposables soit intégralement (F3) soit partiellement (F2 et F4).
Dividendes distribués à une société mère européenne : nue-propriété, 5%, EEE...
La loi de finances rectificative pour 2015 apporte plusieurs aménagements aux régimes d'exonération de retenue à la source applicable aux dividendes distribués à une société mère européenne :
- l'exonération s'appliquera désormais aux titres détenus en nue-propriété alors que jusqu'ici les titres devaient obligatoirement être détenus en pleine propriété.
- L'exonération est désormais applicable aux sociétés mères établies dans l'EEE (Islande, Norvège, Suisse) qui en étaient exclues jusqu'à présent.
- l'exonération s'applique désormais aux sociétés mères détenant une participation comprise entre 5% et 10%.
Enfin, la clause anti-abus qui permet la remise en cause du bénéfice du régime en présence de montages est renforcée. L'avantage fiscal pourra désormais être remis en cause en présence d'un montage ayant parmi ses objectifs principaux l'obtention de l'exonération contrairement à la finalité du régime et dépourvu de motif commercial valable. Cette mesure a notamment pour objectif de refuser l'exonération aux distributions dont le bénéficiaire effectif est établi dans un Etat tiers à l'UE. Compte tenu de sa rédaction très large, la nouvelle clause anti-abus est susceptible de s'appliquer aussi aux sociétés mères établies dans l'UE.
Lire aussi : Budget 2025 : les exonérations de charges patronales en passe d'être divisées seulement par deux
Indemnités de cessation forcée du mandat social : le seuil des 3 ou 5 PASS
La LF 2016 et la LFSS 2016 réforment le régime fiscal et social des indemnités de cessation forcée du mandat social dans le sens d'une baisse significative des limites d'exonération. Au plan fiscal, la LF 2016 (article 3) instaure pour les indemnités de cessation forcée d'un mandat social versées à compter de 2015 une limite unique d'exonération fixée à 3 plafonds de la sécurité sociale (PASS), soit 114.120 € pour les indemnités perçues en 2015 et 115.848 € pour celles perçues en 2016. Les montants excédant cette limite seront dorénavant soumis à l'impôt sur le revenu. Jusqu'à l'intervention de la LF 2016, la limite maximale d'exonération était fixée à 6 PASS, soit 225.288 € en 2014. La nouvelle limitation ne vise que les indemnités de cessation forcée du mandat social et ne concerne pas les indemnités perçues au titre de la cessation du contrat de travail qui continuent de relever du plafond de 228.288 € (6 PASS).
Nota bene
Dans les situations de cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail, les indemnités perçues respectivement au titre de la révocation et du licenciement devraient, en l'absence de dispositions contraires dans la loi, être soumises chacune à son plafond spécifique. Jusqu'ici, la règle appliquée par l'administration fiscale et validée par la jurisprudence était de faire masse des deux indemnités pour appliquer la limite d'exonération. On attendra avec intérêt les commentaires de l'administration sur cette question.
Cette limitation est complétée pour les sociétés cotées par l'instauration d'un plafond de déductibilité du bénéfice imposable des rémunérations différées consenties aux dirigeants (" parachutes dorés ") fixée à 3 fois le PASS, soit 115.848 €. La fraction des rémunérations excédant ce montant constituera une dépense non déductible.
Au plan social, la LFSS (article 8) divise par deux le seuil au-delà duquel les indemnités de cessation forcée du mandat social sont totalement assujetties aux cotisations de sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS. Ce seuil est abaissé à 5 PASS, soit 193.080 € en 2016. Cette mesure concerne toutefois les indemnités versées au titre d'une cessation forcée notifiée à compter de 2016. Jusqu'à présent, seules les indemnités excédant 10 fois le PASS étaient intégralement assimilées aux salaires pour le calcul des cotisations sociales .
Cas pratique
Le président d'une société anonyme qui perçoit une rémunération annuelle de 125.000 € au titre de son mandat perçoit en 2015 lors de sa révocation une indemnité brute de 250.000 €. Cette indemnité sera exonérée à hauteur de 114.120 € et sera imposable pour le surplus, soit 135.880 €. Si la révocation était intervenue aux mêmes conditions en 2014, le mandataire aurait pu prétendre à une exonération de l'indemnité à hauteur de 228.288 € et seule une fraction de 21.712 € aurait été imposable. Dans l'hypothèse où ce même mandataire social percevrait une indemnité de rupture de son contrat de travail de 200.000 € correspondant à deux années de rémunération, il pourrait prétendre à une exonération intégrale de cette dernière indemnité.
Au plan social et en reprenant les données ci-dessus, les deux indemnités sont en tout état de cause soumises aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS dans la mesure où leur montant cumulé excède 386.150 € (10 PASS 2015). Dans le cas d'une révocation intervenant dans les mêmes conditions en 2016, le régime social sera a fortiori identique avec l'abaissement de la limite à 5 PASS.
Contribution exceptionnelle à l'IS de 10,7% : seul compte le chiffre d'affaires réalisé en France ?
Les entreprises redevables de l'IS dont le chiffre d'affaires excède le seuil de 250 millions d'euros sont assujetties à une contribution exceptionnelle de 10,7% de l'IS. Pour l'application de cette imposition aux sociétés étrangères disposant de succursales en France et aux sociétés françaises disposant de succursales à l'étranger, l'Administration retient le chiffre d'affaires mondial pour apprécier le seuil de 250 millions d'euros. Ce faisant, l'administration retient un chiffre d'affaires réalisé à l'étranger pour l'application d'une imposition française. Cette position a été condamnée par des juridictions administratives (TA Montreuil, 13 avril 2015 ; CAA Versailles, 15 octobre 2015) qui ont jugé que seul le chiffre d'affaires concourant à la formation de résultats imposables en France doit être retenu.
Nota bene
Le Conseil d'État a été saisi de la question par l'administration fiscale et sa décision est attendue. Dans l'attente de cette décision, il est recommandé aux sociétés concernées de sauvegarder leurs droits en introduisant une réclamation aux fins d'interruption de la prescription. Dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat invaliderait définitivement la position de l'administration au cours de l'année 2016, les entreprises pourront jusqu'au 31/12/2016 demander la restitution des impositions acquittées à tort en 2014 au titre de l'exercice 2013. Les impositions acquittées en 2013 au titre de l'exercice 2012 ne pourront être restituées qu'à celles des entreprises qui auront déposé une réclamation au plus tard le 31/12/2015.
Les auteurs
Présent à Francfort, Hambourg et Paris, le cabinet accompagne une clientèle d'entreprises internationales en matière juridique et fiscale en France et en Allemagne. A Paris, l'équipe franco-allemande compte une vingtaine d'avocats français et allemands intervenant, en conseil comme en contentieux, dans les domaines du corporate-M&A, de la fiscalité, de l'immobilier, du droit social, de la compliance, de la distribution et de la concurrence.
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