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Taxonomie et CRSD, leviers de la mise en oeuvre d'un pilotage intégré de la performance ?

La Taxonomie verte et la CSRD favorisent un pilotage intégré et étendu de l'entreprise en lui imposant de prendre en compte dans sa stratégie, ses plans d'action et ses budgets les conséquences financières des questions de durabilité générées par l'entreprise elle-même et par l'ensemble des acteurs de la chaine de valeur.

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La mise en oeuvre de la Taxonomie verte et de la CSRD (1) (Corporate Sustainability Reporting Directive) européennes ont vocation à compléter le pilotage économique et financier déjà en place pour permettre un pilotage étendu de l'entreprise, en prenant en compte l'ensemble des éléments susceptibles d'impacter à court, moyen ou long-terme la performance de l'entreprise.

La dimension financière est au coeur de la mise en oeuvre des reportings de durabilité A cet effet, la CSRD impose aux entreprises, dans ses normes de reporting ESRS (European Sustainability Reporting Standard) de conduire une double analyse de matérialité (ESRS1 3.3 Double materiality) pour identifier les impacts de durabilité à intégrer dans son rapport extrafinancier :

La matérialité d'impact

Une question de durabilité doit être prise en compte par l'entreprise dès lors qu'elle a (impact avéré) ou pourrait avoir (impact potentiel) un impact positif ou négatif sur les personnes ou sur l'environnement, à court, moyen ou long terme. L'analyse doit prendre en compte les impacts causés par l'entreprise aussi bien que ceux auxquels elle contribue, ceux pour les activités conduites en direct, mais également par les acteurs de l'ensemble de sa chaine de valeur (amont et aval), que la relation d'affaire soit contractuelle ou non (ESRS1 3.4 Impact materiality - 46)

La matérialité financière

Une question de durabilité doit être considérée comme matérielle par l'entreprise si elle génère ou pourrait générer sur elle un impact financier matériel (ESRS1 3.5 - Financial materiality - 52). Il est précisé qu'une question de durabilité peut être financièrement matérielle par nature ou le devenir dès lors qu'elle devient pertinente pour les investisseurs du fait de son impact avéré ou potentiel, là aussi à court, moyen ou long terme, sur les cash-flows, le développement, la performance ou la position concurrentielle de l'entreprise (ESRS1 3.3 - 41). Par ailleurs, doit être communiquée dans le reporting de durabilité, toute information dont l'omission ou la déclaration erronée pourrait raisonnablement influencer la prise de décision des destinataires des reportings financiers (ESRS1 3.5 - 52).

Les processus de plannifictaion budgétaire impactés

Les normes thématiques imposent l'intégration des questions de durabilité dans les processus de planification et de gestion budgétaire. Au-delà des éléments de gouvernance détaillés dans l'ESRS1, chaque ESRS - ou norme - est dédiée au pilotage d'un objectif de développement durable (ESRS E1 concerne par exemple le « Changement climatique » et couvre les thèmes de « l'atténuation du changement climatique », de « l'adaptation au changement climatique » et « l'énergie »).

L'Efrag a ainsi publié le 22 novembre 2022 un projet de texte de douze normes s'appliquant à tous les secteurs d'activités dont dix traitent spécifiquement de sujets RSE (« topical » ESRS) : environnement (5), thèmes sociétaux (4) et gouvernance (1).

Chacune de ces normes impose de décrire :

-La gouvernance : processus de contrôle et de gestion des impacts de durabilité du thème concerné, des risques et des opportunités associées,

-La stratégie : prise en compte par la stratégie de l'entreprise des impacts significatifs , des risques et des opportunités,

-La gestion des impacts, des risques et des opportunités : processus d'identification, d'évaluation et de gestion des impacts, des risques et des opportunités au moyen de politiques de gestion et de plan d'actions,

-Les indicateurs d'objectifs à atteindre et de mesure de la progression.

Il est à noter que pour les 5 ESRS relatives à l'environnement, l'impact financier avéré ou potentiel sur les indicateurs économiques et financiers de l'entreprise (cash flows, performance, position concurrentielle, coût du capital, accès aux ressources financières notamment) doit obligatoirement être évalué à court, moyen et long termes.

La définition de ces éléments ne peut se faire sans l'implication forte de la direction financière dans la mesure où la trajectoire de mise en oeuvre retenue impactera positivement et négativement la performance économique et financière (chiffre d'affaires, Capex, Opex et marges) et devra faire l'objet d'ajustements tout au long de sa mise en oeuvre afin de favoriser l'atteinte des objectifs de durabilité tout en préservant le niveau de performance économique attendu des parties prenantes (salariés, investisseurs, financeurs...).

Un lien entre extrafinancier et financier explicite et documenté

Le lien entre performance extrafinancière et performance financière devra être explicite et documenté. La matérialité d'impact et la matérialité financière ne sont pas indépendantes. Le projet de texte règlementaire mentionne que leurs interdépendances doivent être prises en compte (ESRS1 3.3 -41) et précise dans le chapitre 9.2 de l'ESRS1 - Connected information and connectivity with financial statements- que :

-L'entreprise doit décrire les relations entre les différentes informations publiées, ce qui peut conduire à mentionner le lien entre des commentaires sur la gouvernance, la stratégie, les risques...et les données financières planifiées et réalisées. Le projet de texte rappelle que l'entreprise pourrait être amenée à décrire comment l'évolution de son utilisation des ressources naturelles et les évolutions dans sa supply chain vont se traduire amplifier, modifier ou réduire ses impacts matériels. Il précise aussi que l'entreprise devra, dans ce cas, faire le lien entre ces informations et leurs effets sur ses coûts de production, l'adaptation de sa stratégie et les nouveaux investissements éventuels. Elle devra aussi faire le lien entre ces informations et les états financiers produits.

-Dès lors que le rapport de développement durable présente des données chiffrées notamment à caractère financier, au-dessus du seuil de matérialité, l'entreprise doit mentionner explicitement la référence du paragraphe correspondant dans ses états financiers (ESRS1 9.2 -126).

Il apparaît clairement à la lecture des exigences règlementaires que la direction financière est un acteur majeur du reporting de durabilité, de l'analyse de matérialité à la publication des états requis dans un contexte où les enjeux sont majeurs compte tenu des risques auxquels l'entreprise s'expose dès lors que les impacts financiers viendraient à être sous-estimés, ou pire à être omis.

Pilotage intégré étendu

La Taxonomie verte et la CSRD ont été pensées dans une logique de pilotage intégré et étendu. Au-delà des enjeux règlementaires, la mise en place de la taxonomie verte et de la CRSD constitue une occasion sans précédent de mettre en oeuvre un pilotage intégré et étendu de l'entreprise.

Intégré puisque les éléments extrafinanciers matériels doivent être pris en compte dans les objectifs financiers de l'entreprise et dans le pilotage de la performance économique à court, moyen et long terme.

Etendu puisque l'ensemble des acteurs en amont et en aval de l'entreprise dans la chaine de valeur doivent être intégré dans l'analyse, que la relation avec l'entreprise soit contractuelle ou non. La complexité de mise en oeuvre de ces dispositions conduira à une extension progressive à la fois du périmètre des parties prenantes mais aussi de la profondeur des interactions analysées avec chacune d'entre elle.

La direction financière sera, avec la direction de la RSE et sous l'autorité de la direction générale un acteur majeur dans la mise en oeuvre de ces évolutions. Comme le rappelle un proverbe chinois « un voyage de mille lieues commence par un pas ». Le temps est venu pour les directions financières de faire ce premier pas.

Les auteurs :

Laurence Vannetzel et Norbert Le Boënnec sont experts en transformation des fonctions de pilotage des entreprises au sein de Onepoint.

Ils conseillent de nombreuses directions financières d'entreprises de tous secteurs d'activité, présentent en France comme à l'international, dans l'évolution de leurs pratiques et de leurs modèles opérationnel et organisationnel.


(1)L'article s'appuie sur les projets de texte tels qu'ils ont été publiés par l'Efrag le 22 novembre 2022. Pour devenir définitifs, l'acte délégué doit encore être adopté par la Commission Européenne le 30 juin 2023. S'ouvrira ensuite une période 4 mois pendant laquelle la Conseil et le Parlement pourront formuler des objections. Il est à noter que des discussions intenses sont en cours concernant le niveau de contrainte et le périmètre d'application de la CSRD.

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