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Comment RAISE Impact investit dans des entreprises vertueuses ?

La rédaction vous propose de découvrir un nouveau format : « Que font les fonds ? ». Tout le monde parle des fonds d'investissement, mais concrètement que se passe-t-il en coulisse ? Comment accompagnent-ils les investisseurs que vous êtes, directeurs financiers ? Comment choisissent-ils les entreprises qu'ils financent ? Pour quels impacts et quels résultats ? Découvrez le premier épisode d'une longue série avec Aglaé Touchard Le Drian, membre du Comex et co-Head de RAISE Impact, en première invitée.

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
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Comment RAISE Impact investit dans des entreprises vertueuses ?

En quoi le positionnement de RAISE Impact se distingue-t-il des autres fonds d'investissement à impact sur le marché français et européen ?

Aglaé Touchard Le Drian : Quand nous avons lancé le fonds en 2019, nous avions une approche un peu pionnière : nous avons choisi de cibler des PME innovantes et rentables, avec l'ambition de les faire passer à l'échelle, via des tickets compris entre 10 et 30 millions d'euros. À l'époque, les premiers fonds d'impact étaient plutôt tournés vers les start-up, des structures plus jeunes. De notre côté, nous avons fait le choix d'une stratégie sectoriellement diversifiée qui couvre à la fois la transition environnementale et les enjeux d'inclusion sociétale, et non uniquement le climat.

La vraie différence, c'est l'écosystème de RAISE. Notre proximité avec les grands groupes du CAC 40, qui sont investisseurs dans nos fonds, peut représenter des opportunités concrètes pour les entrepreneurs - que ce soit en termes de développement commercial ou même de sortie.

Nous avons aussi un lien très fort avec l'univers des start-up à travers la Fondation RAISE Sherpas avec laquelle nous partageons la moitié de notre carried interest. La fondation soutient des jeunes entrepreneurs, start-up et associations engagés sur les sujets d'impact, ce qui peut générer des synergies, des opportunités d'innovation ou de build-up intéressantes pour les entreprises accompagnées. Nous allons bien au-delà du simple apport financier en intégrant pleinement les enjeux d'impact - environnementaux, sociaux et de gouvernance - au coeur de la stratégie d'investissement.

Quelles sont les étapes pour un Daf d'entreprise qui souhaite rejoindre votre fonds ?

A. T. L. D. : Tout commence par une phase de sourcing pour identifier les entreprises alignées avec notre philosophie, parfois il s'agit d'une approche proactive, parfois elles nous sont recommandées par notre écosystème ou encore via des process compétitifs. Nous échangeons avec les équipes dirigeantes pour comprendre si nous sommes le bon partenaire, en minoritaire ou en majoritaire.

Ce qui est déterminant, c'est la volonté du dirigeant à s'engager dans une trajectoire de durabilité à long terme. Avec les directeurs financiers, nous travaillons à la fois sur la roadmap financière (business plan, financements, structuration, etc.), et sur une roadmap d'impact avec des KPI mesurables, et sur des sujets de croissance externe par exemple, nous pouvons aussi les aider à lever de la dette, à anticiper tous les enjeux de croissance, de financement, de structuration ou d'optimisation.

Quels sont les critères que vous appliquez pour mesurer l'impact des entreprises dans lesquelles vous investissez ?

Nous avons mis en place une méthodologie qui s'appuie à la fois sur les Objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU et sur les limites planétaires. Concrètement, l'idée est d'analyser dans quelle mesure le chiffre d'affaires des entreprises contribue aux 17 ODD. Par exemple, l'un de nos premiers investissements concernait un laboratoire pharmaceutique qui avait développé une alternative naturelle aux insecticides chimiques. En 2019, on a évalué que 30 % de son chiffre d'affaires contribuait directement à la préservation de la biodiversité et, indirectement, à la santé des agriculteurs, une part qui a aujourd'hui significativement augmentée.

Cette méthodologie nous permet de comparer les entreprises, quels que soient leur secteur ou leur taille. C'est à la fois un outil d'aide à la décision au moment de l'investissement et de suivi de la trajectoire d'impact. Pour chaque entreprise, nous définissons des KPI d'impact sur-mesure. Dans le cas du laboratoire, par exemple, nous avions fixé des objectifs de « tonnes d'insecticides évitées », directement liés au business plan financier de l'entreprise.

Sur quels secteurs ou modèles économiques concentrez-vous vos investissements aujourd'hui, et pourquoi ?

A. T. L. D. : La stratégie de Raise Impact repose sur une approche assez diversifiée qui couvre à la fois les enjeux de transition environnementale et d'inclusion sociétale. Sur la partie environnementale, nous nous intéressons à des thématiques comme la transition énergétique (mobilité propre, efficacité énergétique, production décarbonée), mais aussi les solutions fondées sur la nature - que ce soit la biodiversité, la transition agricole ou l'économie circulaire. Nous regardons toute la chaîne de valeur de l'éco-conception jusqu'au tri, à la collecte des déchets ou au changement d'habitudes.

En parallèle, nous veillons à ce que les enjeux humains ne soient pas négligés dans cette transition. C'est pourquoi nous investissons aussi dans des entreprises qui proposent des solutions pour les publics en situation de vulnérabilité : personnes âgées, en situation de handicap, ou encore sur les sujets d'éducation. Par exemple, nous avons accompagné une entreprise à l'origine du projet Voltaire, qui aide à réduire les fautes d'orthographe, un véritable frein à l'inclusion sociale. Nous avons accompagné 16 entreprises sur ces enjeux et dans différents secteurs, dont la transition énergétique, agricole, l'économie circulaire et l'inclusion sociale.

Quel regard portez-vous sur l'évolution de la réglementation européenne (CSRD, taxonomie verte...) et les enjeux sur l'investissement à impact ?

A. T. L. D. : C'est un vrai sujet pour nous, car notre stratégie d'impact s'inscrit dans le cadre de l'article 9 qui implique des obligations de reporting pour les fonds. La nouvelle proposition de la Commission européenne - la directive Omnibus - rehausse les seuils de conformité pour être soumis à la CSRD, ce qui va mécaniquement exclure un grand nombre d'entreprises du périmètre de la réglementation.

Mon message, en particulier pour les Daf est de ne pas poser le crayon. Il faut continuer à avancer sur sa trajectoire de durabilité. Pourquoi ? Parce que, d'une part, leurs parties prenantes - grands clients, groupes cotés, partenaires financiers - resteront soumises à la CSRD et continueront d'exiger de la transparence. Et d'autre part, parce que c'est un investissement sur la robustesse et la résilience du modèle économique.

Il s'agit d'aller plus loin que l'ESG traditionnel et d'intégrer une véritable logique de gestion des risques et d'évolution du business model sur le long terme. Concrètement, je recommande aux entreprises de commencer par une étude de double matérialité, pour identifier les risques, impacts, opportunités et interdépendances avec leur environnement. Puis, de lancer une collecte de données transparente et sincère. Plus on démarre tôt cette transformation, plus elle sera vertueuse - et moins elle coûtera cher.

Observez-vous une accélération de l'intérêt pour l'investissement à impact ?

A. T. L. D. : Je pense que la sensibilité des dirigeants pour ces sujets s'est nettement renforcée, tout simplement parce qu'ils prennent conscience de leur impact direct sur le business : que ce soit sur les chaînes de valeur, dans les échanges avec les parties prenantes, ou parce que les banques et les clients exigent désormais une vraie prise en compte de ces enjeux. Il est essentiel d'intégrer ces sujets non pas comme une contrainte, mais comme un vecteur de création de valeur. C'est une manière d'anticiper l'évolution de leur modèle économique et de renforcer leurs processus internes pour gagner en résilience. Quand une entreprise sait que dans deux ou trois ans, son activité va être soumise à des pressions environnementales - sur la gestion de l'eau, par exemple -, il est crucial qu'elle s'y prépare. Aujourd'hui, je crois que les dirigeants le comprennent de plus en plus, car le contexte global leur rappelle chaque jour l'urgence de ces transformations.

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