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Fresque CSRD : les Daf et directeurs RSE expérimentent la double matérialité

Ludovic Flandin, directeur conseil du pôle RSE ETI/GE au sein du cabinet R3, a accompagné près d'une dizaine d'entreprises lors d'atelier Fresque CSRD. Il nous explique les enjeux pour les Daf de se prêter au jeu de la double matérialité aux côtés des autres équipes concernées, RSE, RH et Codir. Explications.

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
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Fresque CSRD : les Daf et directeurs RSE expérimentent la double matérialité

Comment est née l'idée de la Fresque CSRD ?

Ludovic Flandin : Je suis arrivé chez R3 il y a un an et demi avec un mandat initialement axé sur la stratégie RSE et la biodiversité. En 2024, la mise en conformité avec la CSRD a pris une place prépondérante, mobilisant toute notre attention, comme dans de nombreuses entreprises. Nous avons créé la fresque d'abord pour nos équipes internes, et ensuite nous l'avons proposé à nos clients.

Comment la fresque CSRD est-elle déployée chez vos clients ?

L. F. : Nous déployons la Fresque CSRD chez nos clients, des entreprises qui souhaitent être accompagnées sur le reporting lié à cette réglementation, dans un format interactif pour des groupes allant de 20 à 40 personnes, en sessions d'une heure. L'objectif est de sortir du cadre classique des présentations descendantes sur PowerPoint, car la CSRD est un sujet complexe, fait de nouveaux concepts comme le ROI, l'analyse de double matérialité, ou encore l'implication des parties prenantes et des auditeurs.

A quelles équipes s'adresse-t-elle ?

L. F. : Nous adressons à deux groupes : l'équipe-projet et le comité de direction. L'équipe-projet regroupe généralement le Daf, le directeur RSE et parfois les RH, tandis que le comité de direction suit l'avancement du projet avec des points réguliers. Ces deux groupes, d'une quinzaine de personnes en moyenne, travaillent ensemble pour mieux comprendre et anticiper les enjeux du reporting extra-financier. Dans certains cas, ce sont jusqu'à 38 personnes qui ont été impliquées, incluant toute la direction financière, la comptabilité, la trésorerie et le contrôle de gestion, afin que chacun s'approprie les nouvelles obligations.

Comment est conçue la Fresque CSRD ?

L. F. : Pour faciliter l'apprentissage, le format est pédagogique et interactif, similaire à la Fresque du Climat. Les participants reçoivent des cartes en plusieurs lots successifs, permettant d'aborder progressivement les concepts-clés de la CSRD. Chaque séquence dure environ 20 minutes, favorisant l'engagement et la compréhension collective. Cette approche immersive leur permet de mieux saisir les implications de la réglementation et d'intégrer la CSRD dans leurs futures pratiques professionnelles. Ce format permet une meilleure appropriation des notions clés par les participants qui peuvent poser leurs questions en direct et échanger en groupe. Cette approche ludique et participative facilite l'assimilation de la CSRD et favorise l'engagement des équipes dans la transformation du reporting extra-financier de leur entreprise.

Quels sont les objectifs visés ?

L. F. : Les entreprises appréhendent concrètement la complexité du rapport de durabilité en leur permettant de mesurer le temps nécessaire, les ressources mobilisées et les exigences associées. Ce rapport est un document hybride : il doit être réglementairement conforme, auditable et fondé sur des sources vérifiées, garantissant ainsi sa fiabilité et sa crédibilité. Mais il ne s'arrête pas là : c'est aussi un outil de communication, essentiel pour le dialogue avec les parties prenantes internes et externes. Il doit donc allier rigueur et transparence, tout en restant accessible à ses lecteurs.

Au-delà de l'aspect réglementaire, ce rapport joue un rôle clé dans l'évolution de la stratégie RSE de l'entreprise. Puisqu'il exige une analyse approfondie des risques, il devient un levier pour ajuster et affiner les engagements stratégiques. Il ne s'agit pas simplement d'un exercice figé, mais d'un processus qui impacte directement la vision et les actions de l'entreprise. Lors de nos ateliers, cette approche est essentielle pour aider chaque partie prenante à comprendre les enjeux et à s'impliquer activement dans cette transformation.

Quels enjeux pour les Daf de participer à la Fresque CSRD ?

L. F. : Les directions financières jouent un rôle clé dans la mise en place du reporting entre gestion des processus, respect des deadlines et communication avec les auditeurs. Des aspects que les directions RSE ne maîtrisent pas toujours. Un tournant majeur a consisté en une meilleure compréhension du travail commun nécessaire entre la direction financière des risques et la direction RSE opérationnelle à travers le rapport de durabilité.

Un exemple concret illustre cette évolution : si une entreprise identifie un risque de pollution évalué à 20 millions d'euros dans son rapport de durabilité, mais n'a pas prévu de CAPEX ou d'OPEX pour y remédier, alors une provision financière pourrait être exigée. Cela signifie que l'auditeur et la direction financière doivent intégrer ces risques dans les comptes. Ce lien entre performance financière et extra-financière devient donc incontournable pour les investisseurs, qui pourront évaluer si une entreprise prend réellement en compte ses risques ou si elle doit les provisionner.

Ce changement rend la durabilité tangible et directement connectée à la stratégie financière. Le Daf se rend compte en fin d'exercice que ce n'est pas du greenwashing, mais une véritable analyse des risques basée sur des faits concrets. La Fresque CSRD permet de briser les silos entre les départements : chacun, quelle que soit sa fonction, travaille ensemble sur un même projet, ce qui favorise l'engagement bien plus qu'un simple PowerPoint.

La loi omnibus du 26 février prévoit des allègement pour les ETI et les PME. Comment ont-elles réagi ?

L. F. : Tous nos clients ont exprimé un besoin d'allègement en termes de volume de données à traiter. Lors d'une consultation commune sur le sujet de la CSRD organisée par makesens, une vingtaine des entreprises que nous suivons chez R3 ont confirmé l'importance d'une approche structurée et comparable entre entreprises, notamment sur l'analyse de double matérialité. Cependant, elles ont aussi souligné la surcharge d'informations demandées, jugée excessive et pas toujours stratégique. La pression autour du premier reporting et l'exigence d'audit créent une forme d'inquiétude, poussant les entreprises à se focaliser sur des détails secondaires. Leur principale demande était donc de réduire le nombre de points de données, sans pour autant remettre en cause la nécessité du reporting.

Comment perçoivent-elles les nouvelles modifications du rapport CSRD ?

L. F. : Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, les reports n'étaient pas une priorité. Même les plus petites entreprises ont déjà l'habitude de fournir des données extra-financières, que ce soit pour leurs investisseurs, fournisseurs ou donneurs d'ordres. Elles gèrent déjà 10 à 15 demandes de reporting par an (scope 3 carbone, indices de diversité, questionnaires spécifiques...). Le rapport unique CSRD était donc plutôt perçu comme une opportunité de simplification, permettant d'harmoniser leurs obligations existantes plutôt que d'ajouter une contrainte supplémentaire.

La DPEF, qui s'applique aux entreprises de plus de 500 salariés, offrait déjà une possibilité de reporting volontaire pour les plus petites structures, mais cela n'a pas généré d'engagement automatique. L'expérience montre que sans obligation réglementaire, les avancées restent limitées, d'où la nécessité d'un cadre contraignant pour réellement faire évoluer les pratiques. Or, avec les nouvelles annonces il s'agit clairement d'un recul et nos clients ont du mal à le comprendre. D'ailleurs, depuis mercredi, toutes les entreprises que nous accompagnons dans la tranche des 500 à 1 000 salariés nous ont confirmé qu'elles poursuivraient malgré tout, leurs démarches vers le reporting CSRD.

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