Heures supplémentaires : que faire en cas de contentieux prud'homal ?
Dans un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation a considéré que lorsqu'un salarié utilise un logiciel de décompte du temps de travail, son employeur est considéré comme étant informé de ses horaires de travail et doit rémunérer les heures supplémentaires.
L'employeur, qui met à la disposition de ses salariés un logiciel de pointage des horaires de travail, ne peut plus prétendre ignorer la réalisation d'heures supplémentaires, y compris lorsque le salarié, qui en réclame le paiement, n'a pas obtenu l'autorisation expresse préalable d'en réaliser.
Tel est, en substance, le principe dégagé par les juges dans un arrêt du 8 juillet 2020.
Alors que jusqu'à présent la jurisprudence était louvoyante sur le sujet, les arrêts rendus ces derniers mois par la Chambre Sociale montrent que la jurisprudence évolue en matière de durée du travail et que ce changement se fait au profit des salariés.
Ainsi, le 18 mars 2020, la Chambre Sociale avait-t-elle déjà allégé fortement la charge de la preuve en faveur du salarié. Elle avait en effet jugé que lorsqu'un salarié produit un décompte suffisamment précis des heures effectuées, par exemple, un tableau fait à la main - même s'il a été réalisé après la rupture du contrat et même s'il comporte des incohérences, l'employeur qui ne peut pas prouver les heures réellement travaillées doit les rémunérer.
Une tendance que nous pouvions anticiper
Cette tendance n'est pas surprenante au regard des dispositions du Code du travail qui impose, notamment à l'article L.3171-2, que l'employeur soit en mesure de démontrer les horaires de travail réels du salarié.
Rappelons également que la durée du travail peut être contrôlée par l'inspecteur du travail et que les documents adéquats doivent être tenus à sa disposition, par l'entreprise, pendant un an en cas d'horaires individualisés et pendant trois ans pour les salariés soumis à une convention de forfait en jours.
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Également, cette tendance s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence en matière de durée du travail visant à mieux prendre en compte les intérêts des salariés, notamment en matière de santé et sécurité mais aussi d'équilibre entre vie professionnelle / vie personnelle (comme cela a été le cas ces dernières années pour le forfait en jours).
Elle n'est toutefois pas sans conséquence sur les employeurs ; loin de là.
En effet, souvent, dans la majorité des dossiers, les salariés réclament le paiement d'heures supplémentaires et/ou dénoncent leur convention de forfait en jours.
Or, ces contentieux peuvent coûter cher à l'entreprise dès lors que le risque auquel cette dernière est exposée est la condamnation au paiement de rappel de salaires sur les trois dernières années, au titre d'heures supplémentaires qui seront valorisées à un taux majoré (généralement 125% ou 150%), outre les congés payés afférents (10%) ; le tout soumis à charges sociales.
Comment faire pour limiter le risque ?
Au regard de cette évolution, des mesures doivent impérativement être prises par les entreprises pour constituer leurs dossiers en amont et tenter de limiter le risque en cas de contentieux.
Ces mesures peuvent être les suivantes :
- vérifier et le cas échéant mettre à jour les clauses contractuelles en matière de durée du travail ;
- mettre en place un dispositif de décompte du temps de travail approprié à chaque type d'aménagement (feuille de temps, badgeuse, logiciel, etc.) ;
- afficher la règlementation en la matière et notamment les modalités de réalisation et de paiement des heures supplémentaires, par voie, par exemple, de notes de service en l'absence d'accord collectif d'entreprise.
En lien avec l'arrêt du 8 juillet 2020, il est aussi pertinent de mettre en place un dispositif d'alerte destiné à s'activer en cas de dépassement de la durée du travail contractuellement prévue et débouchant notamment sur un entretien entre la Direction et le salarié concerné.
Dans la même optique, un dispositif disciplinaire progressif pourra être mis en oeuvre de manière à rappeler à l'ordre les salariés qui s'écarteraient du dispositif qui leur est applicable et, le cas échéant, réaliseraient des heures supplémentaires sans l'accord de l'employeur.
En cas de contentieux, un employeur pourrait ainsi tenter de démontrer qu'il n'avait pas donné son accord à la réalisation de ces heures et qu'il ne devait donc pas les rémunérer.
L'aléa reste fort, bien entendu, mais en appliquant ces conseils, il devrait ainsi limiter le risque de condamnation.
En savoir plus
Anne Leleu-Eté associé fondateur du cabinet Axel Avocats, dédié au droit du travail et de la sécurité sociale. Axel Avocats conseille des entreprises, TPE et PME françaises et étrangères, de tous secteurs. Pour ses clients, le Cabinet intervient tant en conseil quotidien en matière de gestion du personnel et de représentants du personnel que sur des dossiers plus ponctuels tels que restructurations, audits, contrôles URSSAF, détachement/expatriation, sous-traitance, etc.
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