Prêt inter-entreprises vs reverse factoring, le match
À partir de 2016, la loi Macron autorisera les prêts d'entreprise à entreprise. Une alternative au reverse factoring pour assurer la santé financière de ses fournisseurs stratégiques ?
Là où certaines entreprises étirent les délais de paiement au delà des délais légaux, allant parfois jusqu'à mettre en péril leurs fournisseurs, d'autres ont à coeur de ne pas peser sur la trésorerie de leurs partenaires stratégiques. Jusqu'à présent, la seule solution permettant de sécuriser et de fidéliser la supply-chain consistait à passer par le reverse factoring, ou affacturage inversé. Cette pratique, apparue en France dans les années 80, permet au fournisseur de voir ses créances réglées dans un délai très court (24 ou 48 heures) par un factor, celui-ci étant lui-même remboursé par le donneur d'ordres à l'échéance.
Mais une disposition de la loi Macron pourrait permettre une alternative à l'affacturage inversé avec l'instauration du crédit inter-entreprises. Cette disposition, surnommée amendement Fromantin, devrait venir ajouter une exception au monopole bancaire, en plus du crédit fournisseur (qui correspond au délai de paiement entre les entreprises) et du crédit de trésorerie intra-groupe (qui ne peut se pratiquer qu'au sein d'une même entité).
L'affacturage inversé présente l'avantage d'être une solution efficace et éprouvée, là où le prêt inter-entreprises représente encore pour l'heure une plongée dans l'inconnu. En effet, les décrets d'application, qui doivent clarifier un certain nombre de points réglementaires, n'ont pas encore été publiés.
Lire en page suivante : le comparatif en terme de gestion de risques, de coût ou bien encore l'impact adminsitratif
En chiffres
Selon une étude du cabinet Altares, publiée le 15 septembre 2015, les retards de paiement continuent à s'accroître.
13,6 jours : l'écart moyen entre la date convenue et le règlement effectif
37% : le taux d'entreprises respectant la loi en matière de délais de paiement
Question de secteur
Cette nouvelle possibilité devrait se révéler particulièrement intéressante dans certaines filières où l'affacturage inversé est difficile à mettre en place. C'est notamment le cas des secteurs où les fournisseurs ont besoin de réaliser des investissements importants avant de pouvoir émettre une facture, comme la filière aéronautique par exemple. " Il est difficile de fonctionner en reverse factoring dans certains secteurs pour lesquels les cycles de production sont très longs entre l'achat de la matière première, sa transformation et sa revente. Le fournisseur peut avoir besoin d'une avance importante pour acquérir les produits, les transformer et payer ses charges fixes. Or, le factor n'intervient qu'au moment où la facture est émise et certifiée par le client. C'est un cas de figure où le prêt inter-entreprise peut prendre tout son sens ", estime Vincent Hatton, associé du département Banking / Finance du cabinet Herbert-Smith Freehills.
Pool de fournisseurs versus financement court terme
Sur le plan des prérequis, le reverse factoring nécessite avant tout une certaine solidité financière de la part de l'acheteur. C'est en effet la signature de celui-ci qui est déterminante, puisque les factors peuvent refuser de traiter avec un acteur qui risquerait de faire défaut. Le donneur d'ordres doit par ailleurs traiter avec un " pool " de fournisseurs suffisamment important pour que la solution soit intéressante, et surtout, convaincre ceux-ci d'adhérer au contrat.
Quant au prêt inter-entreprises, il ne peut concerner que des opérations de financement court-terme, n'excédant donc pas deux ans. Et ne doit être consenti qu'entre " entreprises partenaires ". Si les dénominations exactes demeurent floues, le texte précise que les fournisseurs devraient être en mesure de contracter un prêt auprès de leur client. Par ailleurs, les bénéficiaires doivent nécessairement être des microentreprises, des PME ou des ETI. Enfin, le prêt aux entreprises ne doit pas être l'activité principale du prêteur.
Gestion interne : quel impact ?
Le reverse factoring est un véritable projet d'entreprise. Même si les factors apportent une plate-forme clés en main, son implémentation réclame une certaine disponibilité des équipes chez le donneur d'ordres, notamment pour l'interfaçage des outils comptables. " Force est d'admettre que la mise en oeuvre d'un programme de Supply Chain Finance n'est pas quelque chose qui se fait en une quinzaine de jours. Cela nécessite en général plusieurs mois ", insiste Eric Frachon, directeur général de CGA, la filiale affacturage de Société Générale. Et de poursuivre: " C'est une opération qui demande des modifications significatives dans les chaînes de traitement de la supply-chain et dans les ERP. "
A l'inverse, l'octroi d'un prêt inter-entreprises devrait être relativement léger sur le plan administratif. Selon les textes, il devrait passer par un contrat de prêt, ou par l'émission de bons de caisse. Similaires à des reconnaissances de dette, ces titres ont la particularité de ne pas être titrisables. Dans tous les cas, le montant des prêts consentis devra être communiqué dans le rapport de gestion de la société prêteuse, et fera l'objet d'une attestation du commissaire au compte selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat.
Gestion du risque
L'un des points d'interrogation qui subsiste face au prêt inter-entreprises concerne la gestion du risque. " Prêter de l'argent est un métier ", réagit Denis Le Bosse, président du cabinet ARC. " Une entreprise qui prêtera de l'argent n'aura pas accès aux mêmes bases de données qu'une banque. Comment déterminera-t-elle le risque ? Ces prêts seront-ils assurables ? Les assureurs-crédit, qui se sont désengagés des entreprises en difficulté, pourront-ils assurer ce type de financements ? "
En revanche, dans le cadre d'une solution de reverse factoring, le risque d'un impayé, traditionnellement porté par le fournisseur, est transféré au factor. De son côté, le donneur d'ordres maîtrise les risques d'incident de la supply-chain.
Combien ça coûte ?
Le reverse factoring induit deux coûts : la commission de service et la commission de financement. La première varie entre 0,1% et 0,7% en fonction du volume de chiffre d'affaires cédé ou du nombre de fournisseurs concerné par la solution.
La commission de financement, de son côté, est en règle générale inférieure aux taux pratiqués dans l'affacturage classique en raison d'un risque moindre pour le factor : elle est généralement inférieure à 1%.
Dans le cadre d'un prêt envers un fournisseur, le coût à prendre en compte est le poids de la créance sur la trésorerie et le risque de défaut de l'emprunteur. Le taux applicable devrait de son côté être encadré par décret, et ne devrait pas excéder les prix généralement pratiqués pour les emprunts à court terme.
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