Le marché de l'EuroPP toujours promis à un bel avenir
Les montants levés par les entreprises françaises sous la forme d'EuroPP (placement privé européen) ont chuté en 2017 par rapport à 2015. Pourtant, ce financement ne manque pas d'attrait et devrait monter en puissance. Explications.
De 8,6 Mds€ en 2015, les volumes d'émission des EuroPP sont passés à 5,2 Mds€ en 2016 pour tomber à 3,5 Mds€ en 2017, selon les données de l'Agefi. "Ces chiffres ne sont pas exhaustifs, car nombre d'opérations sont confidentielles: elles pourraient augmenter les montants de 10% et le nombre d'opérations de 20%, estime Gérard Soularue, président du comité de pilotage EuroPP. Mais, ce qui est important, c'est le montant moyen levé via cet outil financier: il est de l'ordre de 50 M€ depuis 2014, date de l'essor du placement privé européen."
Cette baisse des volumes est en partie imputable à des émissions de plus petite taille, mais aussi à la forte concurrence des autres financements, le crédit bancaire en tête. "En parallèle du financement bancaire abondant et bon marché, les marges des entreprises se rétablissent et elles ont moins de raisons de s'endetter", avance Stéphan Alamowitch, avocat associé du cabinet UGGC Avocats en charge du département banque et finance.
Si la phase de refinancement des premiers EuroPP se profile, le nombre de primo-émetteurs pourrait aller crescendo, "notamment le jour où la BCE resserrera sa politique monétaire, car il n'y aura plus de surplus bancaire et les taux d'intérêt remonteront", indique Gérard Soularue qui recommande aux entreprises intéressées par l'EuroPP, mais qui hésitent à franchir le pas, de se rapprocher des émetteurs qui leur ressemblent afin d'échanger sur le sujet.
D'autant que les EuroPP disposent de nombreux atouts pour convaincre les entreprises et pas seulement les ETI. Toutes les entreprises de plus de 50 M€ de chiffre d'affaires ayant des besoins de financement de 10 à 100 M€, voire plus, peuvent s'y intéresser pour diversifier leurs financements et ne plus dépendre uniquement de leur banque, même si c'est un peu plus cher. Autre avantage: au niveau de la trésorerie, le remboursement de la dette étant in fine.
Ce financement tricolore pourrait bien également se positionner comme un concurrent de taille par rapport aux marchés des placements privés allemands (Schuldschein) ou même américains (USPP). Pour preuve, il séduit de plus en plus d'émetteurs étrangers, majoritairement européens.
Actia Group, un primo-émetteur comblé!
Le 13 novembre 2017, Actia Group, société cotée sur Euronext, a perçu le produit de son premier EuroPP non listé, soit 20 M€, composé de deux tranches: 15 M€ à sept ans avec un taux d'intérêt de 3% et 5 M€ à neuf ans à 3,5%. L'émission a été souscrite en totalité par un investisseur institutionnel. Outre les efforts soutenus en R&D, ce financement vise à soutenir le développement par l'acquisition de briques technologiques complémentaires ou le renforcement sur des territoires porteurs.
Pour Catherine Mallet, membre du directoire en charge des finances et de la communication, l'objectif était également d'allonger la maturité de la dette et de diversifier les sources de financement. Elle avait écarté la Bourse pour ne pas diluer le capital de cette ETI familiale. Elle s'était également intéressée au Schuldschein: "Cet outil de financement pouvait nous correspondre mais, pour une première opération, nous avons préféré rester sur le marché français, témoigne-t-elle. Mettre en place un EuroPP est une opération lourde, en particulier au niveau juridique, même si l'arrangeur est là pour simplifier les étapes. N'ayant pas de pression en termes de timing, nous avons pu prendre le temps de trouver un investisseur en adéquation avec nos valeurs et de construire avec lui un partenariat solide et durable." Cerise sur le gâteau: il leur a proposé une maturité plus longue qu'espérée. "Se voir proposer une échéance à neuf ans, nous ne n'y attendions pas, les maturités s'établissant plutôt à sept ou huit ans, reconnaît Catherine Mallet. Nous avons saisi l'occasion!"
Repères
Raison sociale: Actia Group
Activité: Conception et fabrication de systèmes électroniques embarqués dans les transports
Forme juridique: SA
Président du directoire: Jean-Louis Pech
Année de création: 1986
Siège social: Toulouse (31)
Effectif 2017: 3450
CA 2017: 436 M€
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Un financement alternatif de plus en plus attractif
Des efforts de pédagogie et de standardisation réguliers associés à la récente réforme du droit français des émissions obligataires devraient permettre de renforcer l'attractivité de l'EuroPP. Ainsi, le Comité de pilotage EuroPP a-t-il rédigé dès 2014 une charte relative aux EuroPP, puis en 2015 des contrats-types traduits en italien et en anglais. De son côté, l'Amafi (Association française des marchés financiers) a publié, début 2016, un code destiné à normaliser les bonnes pratiques professionnelles des établissements arrangeurs d'opérations d'EuroPP.
"Tous les arrangeurs ne se valent pas, admet Stéphan Alamowitch. Les entreprises doivent être pointilleuses quant aux conseils et services apportés par leur arrangeur." Catherine Mallet, membre du directoire en charge des finances et de la communication d'Actia Group, émetteur d'un EuroPP en 2017 (lire l'encadré témoignage en page précédente) recommande de ne pas se focaliser uniquement sur le coût: " un bon arrangeur est celui qui va bien comprendre l'état d'esprit et les attendus de l'entreprise et qui saura les traduire dans le contrat. "
Enfin, une ordonnance du 10 mai 2017 a modernisé et simplifié le cadre juridique relatif aux émissions d'obligations, en particulier les modalités de constitution et de fonctionnement de la masse des obligataires, c'est-à-dire le groupement des détenteurs d'obligations d'une même émission. "Tout ce qui concourt à une plus grande liberté contractuelle est une bonne chose et tend à rendre plus attractif l'EuroPP, souligne Stéphan Alamowitch. Car elle permet un aménagement sur mesure des rapports entre les différentes parties." Par exemple, les emprunteurs doivent exiger qu'il y ait une masse, facilitant la gestion des sûretés éventuelles, avec des règles de majorité définies au contrat. "La représentation de la masse constitue un avantage par rapport à un Schuldschein, où cette possibilité n'est pas offerte, signale Gérard Soularue. Par ailleurs, le marché des placements privés allemand, caractérisé par un déversement des excédents monétaires notamment bancaires, sera amené à baisser mécaniquement avec la diminution de ces excédents." Ce qui pourrait profiter à l'EuroPP.
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