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[Tribune]: Structuration d'une reprise d'entreprise à la barre du tribunal : envisagez le haut de bilan !

Les acquéreurs d'une entreprise en difficulté font une erreur en se focalisant sur une acquisition via le bas de bilan. Il faut, à tout le moins, envisager l'autre option, celle du haut de bilan, notamment au regard du décaissement limité à court terme que cette solution requiert.

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[Tribune]: Structuration d'une reprise d'entreprise à la barre du tribunal : envisagez le haut de bilan !

Réaliser une reprise " à la barre du Tribunal " est un exercice séduisant pour acquérir à bon compte des savoir-faire, des moyens matériels (meubles ou immeubles), ou un portefeuille de clients ou d'affaires déjà conclues par le cédant. Par ce type d'opération on peut ainsi envisager de monter ou de descendre dans la chaîne de valeurs, ou d'acquérir des parts de marché et ce, moyennant un investissement limité, dans un environnement sécurisé ... au moins en apparence.

Mais cette sécurité de l'acquisition usuellement réalisée par le bas de bilan (le fonds de commerce) peut n'être qu'illusoire. Et le calendrier des décaissements à prévoir pour réaliser l'investissement peut être clef pour l'acquéreur. Au stade de la structuration de l'opération, un arbitrage entre haut et bas de bilan doit être envisagé.

Par le bas de bilan : risques de transfert de passif mal maitrisés et aux décaissements immédiats

L'opération paraît sécurisée. Sa réalisation n'implique pas de transfert de passif, sauf exceptions encadrées par la Loi, notamment lorsque le périmètre comprend des actifs grevés d'une sûreté. Dans ce cas, si certaines conditions sont remplies, la charge de l'emprunt est transférée au cessionnaire et les risques sont limités à cette hypothèse. Encore faut-il les avoir correctement identifiés préalablement. D'autant que le transfert de la charge s'opère de plein droit au profit du créancier, réservant parfois de mauvaises surprises a posteriori.

Par ailleurs, l'acquisition par le bas de bilan suppose un décaissement immédiat ou presque dont le calendrier peut n'être pas optimal pour l'acquéreur. Il faut en effet se rappeler que :

- les usages imposent de mettre le prix de cession à disposition de l'administrateur dès avant l'audience au cours de laquelle le Tribunal examinera les offres ;
- l'environnement concurrentiel d'une acquisition par le bas de bilan peut faire monter les prix jusqu'à un niveau au-delà duquel l'intérêt économique de l'opération est compromis ;
- la facturation propre à l'acquéreur et son encaissement supposent un certain temps pendant lequel il devra financer les charges courantes de l'acquisition et, donc, son BFR, le cas échéant sur fonds propres en l'absence de financements extérieurs (emprunt, ligne court terme, affacturage, ...).


Et par le haut de bilan ?

A l'inverse, si une acquisition par le haut de bilan peut paraître rebutante, elle mérite toutefois d'être envisagée, en particulier lorsque la comptabilité de la cible est fiable. Il faut en effet rappeler que :

- le redressement judiciaire constitue une véritable garantie de passif. Passé le délai de déclaration des créances, le passif ne peut pas être supérieur au total déclaré qui a vocation à être fortement réduit après réconciliation avec la comptabilité ;
- les conditions usuelles de remboursement sont une opportunité : il s'agit d'un crédit gratuit (le plus souvent) sur un maximum de 10 ans avec une progressivité des échéances qu'aucun établissement financier ne proposera jamais.

Dans ce contexte, les décaissements immédiats au titre de l'opération peuvent être limités en ce que :

- le prix de cession des actions sera proche de zéro compte tenu de la situation nette de l'entreprise cible ;
- le BFR sera au moins partiellement financé par le compte clients de la cible.

L'acquisition par le haut de bilan donne par ailleurs un avantage par rapport aux projets qui passeraient par le bas de bilan puisque, même si la Loi a été légèrement modifiée sur ce point, les Tribunaux ont tendance à donner la priorité au plan de redressement sérieux plutôt qu'aux projets de cession. Cela suppose bien sûr d'avoir un accord sur la cession des actions avec leurs détenteurs. Cela étant, l'esprit de cette priorité est d'ailleurs confirmé dans le projet de Loi Macron qui prévoit un cas d'éviction des actionnaires qui refuseraient de permettre la réalisation d'un plan de redressement hostile. Compte tenu de ce qui précède, il peut donc être intéressant, au stade de l'étude du dossier, de se livrer à un arbitrage entre les avantages et les inconvénients des deux voies d'acquisition de l'entreprise (via le fonds de commerce ou via les actions), en particulier lorsque le calendrier des décaissements au titre de l'investissement est déterminant.

L'auteur

Me Serge Pelletier


Serge Pelletier est associé au cabinet Brunswick société d'avocats en charge du pôle Entreprises en difficulté. Successivement collaborateur d'administrateurs judiciaires, auditeur spécialisé (Arthur Andersen) puis avocat, il a développé une expérience opérationnelle et pluridisciplinaire dans tous les aspects de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises. Il est membre actif de plusieurs associations (ARE, IFPPC, ...)

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