Trésorerie : vos clients utilisent-ils l'affacturage inversé ?
Existant depuis de nombreuses années, l'affacturage inversé redevient un sujet à la mode en cette période de crise de trésorerie. Clients comme fournisseurs voient en effet une réel intérêt d'utiliser cet outil pour réduire les délais de paiement.
La crise sanitaire du Covid-19 ayant entraîné une crise de trésorerie pour un grand nombre d'entreprises, ces dernières utilisent tous les moyens mis à leur disposition pour gagner du cash. Si la plupart a pensé à l'affacturage (factoring), l'affacturage inversé (reverse factoring) revient également sur le devant de la scène.
Apparu il y a des dizaines d'années, l'affacturage inversé consiste pour les grands donneurs d'ordre à mettre en relation une ou plusieurs banques avec ses fournisseurs afin de faire bénéficier à ces derniers d'un paiement anticipé de leurs factures à un taux attractif. "L'affacturage inversé est à comparer à du cash plus qu'à une dette financière car il s'agit d'un financement le plus souvent sans recours. La créance est éteinte, le BFR est amélioré ainsi que la capacité à se financer auprès des banques", précise Yann Guyomar, associé Mazars.
Pour les entreprises clientes, cela permet de s'assurer que des petits fournisseurs essentiels ne se retrouvent pas en difficulté financière. "L'affacturage inversé a probablement sauvé des centaines de fournisseurs lors de la crise souveraine. Les programmes d'affacturage inversé d'EDF et d'ENGIE, par exemple, ont injecté plusieurs milliards d'euros dans l'économie", raconte Yann Guyomar.
A chaque donneur d'ordre son programme
De nombreux donneurs d'ordre ont ainsi mis en place des outils d'affacturage inversé à destination de leurs clients à la suite de la crise de 2008. C'est par exemple le cas d'Auchan qui a lancé la plateforme ASAP (pour Auchan Suppliers Advanced Platform mais aussi pour rappeler l'acronyme d'as soon as possible) avec Kyriba en 2012 : une fois que la facture envoyée est validée, elle descend sur la plateforme ASAP où le fournisseur peut décider la financer. "Le fournisseur sait combien ce financement va lui coûter, il n'y a pas de coûts cachés et c'est lui qui décide de déclencher ou non ce financement et avec la banque de son choix parmi celles présentes sur la plateforme", indique François Verrodde, manager d'ASAP, précisant que le fournisseur peut faire financer ses factures au cas par cas ou choisir un financement automatique.
Chez Engie, le dispositif d'affacturage inversé, Affinité, a été mis en place en 2015 avec BNP Paribas sur l'activité services. "Nous souhaitions améliorer nos relations fournisseurs et notamment avec les plus petits d'entre eux dont certains sont essentiels à notre activité mais qui peuvent connaître des difficultés de trésorerie", explique Pierre Jossier, directeur de la finance corporate d'Engie. Proposé à tous les fournisseurs sans différenciation, il fonctionne aujourd'hui très bien.
Le groupe Danone a quant à lui choisi la solution d'une fintech, C2FO : il s'agit d'une plateforme sur laquelle le donneur d'ordre s'engage à mettre à disposition de ses fournisseurs un certain montant de trésorerie, ces derniers choisissant eux-mêmes, une fois leur facture validée, le taux d'escompte. "Nous souhaitons ubériser le BFR : pour nous, l'analyse du risque crédit est la relique d'un système brisé. Avec cette solution tout le monde y gagne car tout le monde gagne à réduire les délais de paiement", explique Antoine Trepant, directeur général de C2FO France.
Un des outils de la sortie de crise
L'affacturage inversé est promu par le gouvernement qui pousse l'adoption de tels programmes, par les donneurs d'ordre publics mais aussi privés. "En plus de permettre aux entreprises d'obtenir rapidement de la trésorerie à coût très bas, c'est un lien intéressant entre les fournisseurs, les clients et le partenaire financier puisque c'est un outil collaboratif. Ce devrait être un des outils de la sortie de crise", note Pierre Pelouzet, le médiateur des entreprises, à l'occasion d'un webinaire organisé par Kyriba.
Si les donneurs d'ordre doivent prendre conscience du bien-fondé d'un tel outil, il faut aussi lever les craintes des fournisseurs. "Ils ont peur d'envoyer une image de faiblesse aux donneurs d'ordre", observe Laurent Denoux, chef de projet affacturage inversé collaboratif au ministère de l'Economie et des finances. D'autres craignent que des conditions leur soient imposées en échange de ce paiement plus rapide. "Beaucoup de fournisseurs ont notamment peur qu'une pression soit exercée par les donneurs d'ordre pour récupérer plus de marge à leurs dépens", constate Yann Guyomar. Pierre Jossier milite pour un label en mesure de rassurer les fournisseurs.
Démocratiser l'affacturage inversé
Ces craintes s'estompent petit à petit, grâce à la démocratisation de l'affacturage inversé. Mais aussi à la communication des donneurs d'ordre qui font la promotion de leurs outils d'affacturage inversé auprès de leurs fournisseurs. Dès le début de la crise sanitaire, Auchan a communiqué rapidement auprès de ses fournisseurs sur l'existence de sa plateforme ASAP. "Nous les avons aidés pour qu'ils puissent s'y inscrire rapidement", rapporte François Verrodde. Le manager d'ASAP dit d'ailleurs constater un afflux d'inscriptions.
Chez Engie, les TPE et PME sont encouragées à entrer dans le programme. "Mais l'enregistrement sur la plateforme peut prendre un certain temps. C'est pourquoi nous avons débloqué une enveloppe de 250 millions d'euros pour accélérer le paiement de nos petits fournisseurs, le temps que la banque fasse les contrôles nécessaires et que ces derniers puissent bénéficier du programme", raconte Pierre Jossier.
Les fournisseurs, de leur côté, doivent demander à leurs clients s'ils ont mis en place un programme d'affacturage inversé et essayer de les inciter à en lancer un si ce n'est pas déjà fait. "Un excellent levier serait par exemple de passer par les organisations interprofessionnelles pour solliciter l'instauration de tels programmes auprès grands donneurs d'ordre",avance Yann Guyomar qui rappelle cependant qu'il faut bien entre trois et neuf mois pour mettre en place de l'affacturage inversé.
Si un tel programme existe chez ses clients, il faut se renseigner pour savoir si on peut en bénéficier car les donneurs d'ordre les réservent parfois aux toutes petites entreprises ou aux fournisseurs les plus stratégiques. Mais si le fournisseur est éligible, il doit foncer sans hésiter ! Yann Guyomar invite cependant les fournisseurs à négocier le taux avec les partenaires bancaires. "Ils doivent par contre avoir des arguments concrets à avancer", recommande-t-il.
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