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Prêt intragroupe : est-ce préférable de se financer entre-soi ?

Parmi les alternatives au prêt bancaire figure le prêt intragroupe qui permet à des sociétés issues d'un même groupe de procéder à des opérations de trésorerie. Si cela semble sur le papier plus simple que l'obtention d'un prêt bancaire, il existe des écueils à éviter et des risques à identifier.

Publié par Camille George le - mis à jour à
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Prêt intragroupe : est-ce préférable de se financer entre-soi ?

Un Daf par nature est toujours en recherche de financements pour répondre aux besoins de développement de son entreprise ou simplement pour soutenir l'activité. De même, il aura toujours tendance à chercher à diversifier les sources de financement en variant les natures et les durées de façon à ménager sa trésorerie et son bfr. C'est particulièrement vrai en ce moment !

Parmi les leviers à sa disposition, le prêt bancaire est le plus utilisé, suivi de près par le recours aux fonds de dette obligataire ou au private equity. Mais il n'est pas toujours nécessaire de faire appel à un tiers extérieur pour contracter un emprunt. Le prêt intragroupe peut être une alternative.

Au sein d'un groupe constitué d'une holding et de filiales, les différentes entités peuvent se prêter entre elles. Ce type de prêt fait partie des exceptions au monopole bancaire dans le code monétaire et financier et permet à des entreprises de procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés soeurs. "A partir du moment où une entreprise fait partie d'un groupe et peut justifier d'un lien avec une société mère et/ou une ou plusieurs filiales ou sous-filiales, il est possible de contracter un prêt intragroupe", explique Yann Beckers, avocat associé au cabinet Stephenson Harwood, spécialisé en financement.

Rigueur juridique exigée

"La déduction des intérêts financiers suite aux opérations intragroupe est particulièrement surveillée par l'administration fiscale qui craint que les entreprises tentent par ce biais de réduire le montant de leur résultat imposable."

Pierre Masquart, avocat en droit fiscal, cabinet Briard

Ce serait donc une source de financement efficace et simple à mettre en place entre la contrôlante et les contrôlées ou les contrôlées entre elles. "Par exemple, le prêt intragroupe permet de faire de la centralisation de trésorerie, du prêt à terme ou encore du prêt revolving, énumère Yann Beckers. En pratique, ce type de financement de groupe est très utilisé. Même si parfois il est difficile de justifier le pouvoir de contrôle effectif en l'absence d'une personne physique." En effet, juridiquement, le pouvoir effectif est détenu par l'actionnaire majoritaire qui réunit 50% des parts +1 action. Or, dans le cas d'une joint-venture détenue à 50/50 il faut entrer dans le détail du pacte d'actionnaires et tenter de déterminer si l'un des directeurs généraux n'a pas un pouvoir de vote plus important. Voilà donc une première subtilité à bien anticiper.

Par ailleurs lorsque deux entreprises liées privilégient le financement entre-soi plutôt que de faire appel à un financeur tiers il convient d'être particulièrement attentif d'un point de vue juridique. "Justement parce qu'on est entre-soi il faut être extrêmement précis et mettre des gardes fous fiscaux sans quoi la sanction imposé par le vérificateur en cas de contrôle peut être lourde", prévient un avocat fiscaliste membre de l'Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF). Dès lors que l'on fait du financement par le biais d'une centrale de trésorerie ou d'un prêt intragroupe, il convient de cadrer la démarche et de largement documenter chaque étape pour éviter d'avoir plus tard un retour de boomerang fiscal.

Impossible de faire un financement sans contrepartie sous prétexte qu'il s'agit d'une société soeur. Au plan fiscal il faut que le prêt consenti soit justement rémunéré et que la preuve de cette juste rémunération soit apportée. Toute la complexité du prêt intragroupe se situe donc au plan fiscal. Une entreprise qui a contracté un prêt intragroupe doit être en mesure de prouver à l'administration fiscale que le taux d'intérêt versé à l'entreprise liée est réaliste par rapport aux taux de marchés en pratique.

Mille-feuille fiscal

L'entreprise est ainsi contrainte de plusieurs façons. Il y a d'une part des mécanismes qui se superposent et des règles strictes en matière de sous-capitalisation. En effet, une entreprise est sous-capitalisée lorsque le montant moyen de ses dettes vis-à-vis d'une entreprise liée excède 1,5 fois le montant de ses fonds propres à l'ouverture ou à la clôture de l'exercice. (A noter : lorsque l'entreprise appartient à un groupe consolidé, les dispositions prévues en cas de sous-capitalisation ne lui sont pas applicables si elle démontre que le ratio d'endettement du groupe consolidé est supérieur ou égal à son propre taux d'endettement.)

D'autre part, la limitation à la déductibilité des intérêts ne doit pas être négligée. Pour se soustraire à cette limitation, les entreprises doivent justifier du taux définit dans le prêt. Or, l'écueil se situe justement dans l'apport de la preuve justifiant du taux. En effet, le référentiel accepté par l'administration fiscale en la matière était jusqu'à présent basé sur le référentiel bancaire. Toute référence à des taux pratiqués autre que bancaire, tel que les taux d'emprunts obligataires pratiqués par des entreprises tierces, étaient retoqués par le vérificateur sans autre forme de procès.

Mais sur ce point précis la jurisprudence a évolué. Un avis du Conseil d'État rendu le 10 juillet 2019 reconnaît une liberté totale quant au mode de production de preuve en explicitant qu'une entreprise "peut justifier du caractère non excessif d'un taux par tous les moyens". "Cela permet donc de se référer à un emprunt obligataire en provenance d'entreprise tierce si tant est que celui-ci ait été contracté dans des conditions similaires et qu'il représente une alternative réaliste à un prêt intragroupe, précise Pierre Masquart, avocat au sein du cabinet Briard. Établir une comparabilité juridique et financière des conditions du prêt pour éviter un futur rattrapage fiscal est donc impératif. "Il faut véritablement démontrer que la comparaison se justifie au cas d'espèce et non pas simplement citer des références", souligne Pierre Masquart.

Cette évolution jurisprudentielle va malgré tout dans le sens de l'ouverture et de la facilitation pour les entreprises. Il est désormais possible d'opposer à l'administration des rendements tiers et de contredire un redressement. Nous ne sommes plus uniquement sur le terrain bancaire. En cela c'est une avancée intéressante. Même s'il est bien sûr préférable de rester prudent. Une vigilance particulière dans la rédaction de la convention de prêt intragroupe est nécessaire. Tout comme il faut être vigilant lors de la mise en place de cette même convention. Il faut passer en revue tous les dispositifs fiscaux anti-abus sans en oublier un seul !

Constituer un dossier documenté est donc absolument nécessaire même pour les PME car c'est un sujet de redressement facile pour les vérificateurs. Pour autant, malgré ses contraintes fiscales, le prêt intragroupe demeure une solution de financement intéressante pour les entreprises tout en restant dans les règles du commerce extérieur.

A retenir

Pour contracter un prêt intragroupe il faut :

- Justifier le pouvoir de contrôle effectif ou a minima le lien effectif qui existe entre les deux entités.

- Justifier du taux d'intérêt emprunteur pratiqué en produisant la preuve d'une alternative réaliste.

- Etablir une convention de prêt détaillée et documentée, explicitant sa mise en oeuvre.

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