[Tribune] Le report de la réforme « Facturation électronique » signifie-t-il le gel des travaux préparatoires en entreprise ?
Le report de la facturation électronique doit-il entrainer au sein des entreprises un gel des chantiers préparatoires ? Non. Si le choix éventuel de l'architecture (Plateforme intermédiaire) peut attendre, les étapes qui précèdent cette décision doivent se poursuivre voire démarrer. Et les parties prenantes de l'entreprise doivent se forger une culture générale qui dépasse le cadre réglementaire afin d'ajuster le projet à leurs spécificités.
La réforme de la facturation électronique est reportée. Le directeur général de la DGFiP, a indiqué lors du congrès des experts comptables (du 27 au 29 septembre à Montpellier) que le report serait de plusieurs mois. Ce qui a été confirmé par voie d'amendement le 17 octobre. Le calendrier qui se dessine aujourd'hui est le suivant : fin 2024 : livraison du portail public de facturation et en 2025 : phase pilote du portail public de facturation. Mais au 1er septembre 2026 l'obligation d'émission (e-invoicing et e-reporting) pour les grandes entreprises et les ETI et l'obligation de réception pour tous. Ce n'est qu'au 1er septembre 2027 que l'obligation d'émission devra être effective pour les PME et TPE (e-invoicing et e-reporting).
Sa version finalisée sera donc publiée fin 2023. Ce report d'environ deux ans ne peut en aucun cas être assimilé à une annulation de la réforme. Cette réforme aura lieu, d'autant qu'elle s'inscrit dans une tendance plus large : le déploiement en Union européenne de la facturation électronique, le projet VIDA.
Les entreprises doivent faire de cette réforme un facteur d'amélioration de leur performance. Si le choix éventuel d'une plateforme intermédiaire peut être gelé, les chantiers préparatoires (diagnostic des transactions économiques existantes, évolution des SI, des processus, actions mise en qualité des données référentielles) et les initiatives de digitalisation ne doivent pas l'être. Le temps accordé par ce report doit être mis à profit pour dépasser la conformité. Voici les 6 étapes clés pour y parvenir.
Assurer une veille en interne
Le 28 juillet 2023, le report de la facturation électronique était annoncé. Or, le 30 juillet, la spécification fonctionnelle 2.3 était publiée. Elle détermine de nouvelles règles de gestion à affecter aux cas d'usage, rend certaines données obligatoires et en disqualifient d'autres. Les travaux continuent donc. La veille est donc incontournable afin que l'entreprise ajuste en continu les règles des travaux à mener. Cette veille et son appropriation, construite en interne, ne doivent pas faire l'impasse sur le projet européen relatif aux factures intracommunautaires, le projet VIDA.
Cartographier les activités, les process et l'organisation
La réforme de la facturation électronique comporte deux volets : l'e-invoicing, qui consiste à émettre et recevoir ses factures sous format électronique via l'administration fiscale ; l'e-reporting : qui vise à transmettre des données complémentaires à l'administration fiscale. Point commun à ces deux volets : le passage obligatoire par une plateforme intermédiaire.
La première étape de la cartographie est donc la répartition des activités de l'entreprise entre e-invoicing et e-reporting, et les cas d'usages liés ainsi que leurs données obligatoires.
Deuxième étape, plus complexe : l'interrogation de l'existant. A date, les données dont dispose l'entreprise et les process permettant de remonter les informations suffisent-ils à se conformer aux exigences de la réforme ? Par exemple, le SIREN de chaque client existe-t-il et est-il exploitable ? En cas de facture d'acompte, la référence à l'acompte est-elle rappelée dans la facture définitive ? Ou encore ce qui est facturé est-il dument qualifié : bien, service ou mixte ? Ceux-ci constituent quelques-unes des informations requises pour se conformer à la réforme et qui peuvent nécessiter, pour parvenir à leur collecte et à leur exploitation, l'intervention de plusieurs acteurs de l'entreprise.
Dernière étape, se questionner sur l'organisation de l'entreprise : les services (commercial, administration des ventes, contrôles factures, relation fournisseurs, ...) et les outils utilisés en leur sein doivent-ils être ajustés ?
Mesurer l'impact de la réforme sur la relation avec l'administration fiscale
Via l'e-invoicing et l'e-reporting, l'administration va récupérer en temps réel un grand nombre de données et d'informations sur les transactions économiques opérées par l'entreprise. Côté positif, une partie de la déclaration de TVA (CA3), va se déporter vers l'administration, qui, à terme, sera en mesure de la préremplir, l'entreprise se devant de contrôler celle-ci. Mais surtout la réforme va emporter la sécurisation du respect des règles fiscales de TVA en temps réel. Le contrôle fiscal, pour l'heure périodique, deviendra un contrôle en continu. Dès lors, la fonction fiscale doit s'interroger sur les modifications requises sur les dispositifs de contrôle interne et les pistes d'audits fiables internes ; l'accompagnement à dispenser aux opérateurs métiers mais aussi sur sa nouvelle relation avec l'administration fiscale.
Identifier le potentiel performatif de la réforme
Sans surprise, la réforme peut être perçue comme une pure contrainte : imposés par la réglementation, les investissements seraient sans ROI. C'est une erreur. Ils peuvent permettre d'atteindre des bénéfices autre que la seule conformité. Ainsi, en fluidifiant le cycle facturation, la facturation électronique permettra d'améliorer les relations clients et fournisseurs. Une meilleure facturation permettra un meilleur retour du cash. Le rapprochement encaissements clients/factures sur les prestations de services impactant le e-reporting de paiement (10.4), c'est donc une opportunité pour améliorer un process qui est encore peu automatisé et donc riche en erreurs. Plus que la seule conformité, c'est bien l'efficience des process, et particulièrement celle de l'Order To Cash qui doit être recherchée. En effet miroir le processus Procure To Pay, trouve ses axes d'améliorations grâce à l'accélération du processus d'acquisition et de paiement fournisseur notamment. Mais cette plus grande efficience des process repose aussi sur une bonne analyse des systèmes d'information.
Mesurer la capacité de votre écosystème applicatif à évoluer
L'ampleur des modifications apportées par la réforme différera selon les entreprises, du fait de leurs process mais aussi de leur paysage applicatif. Chaque entreprise doit donc mesurer la capacité de son SI à absorber les exigences de la réforme (données obligatoires, statuts du cycle de vie ...).
Certains outils développés en interne peuvent être datés, vieillissants et sans possibilité d'évolution ; le constat sera alors simple : il faut en changer. Pour les outils qui peuvent évoluer, la question à se poser est celle du coût de cette évolution, avec la réflexion au préalable : les compétences en interne sont-elles encore présentes ? Et parfois cette analyse conduira à décider de changer d'outil plutôt que de le faire évoluer.
Outre ces questions sur la capacité d'évolution des outils, d'autres doivent être posées, dont Y a-t-il une opportunité d'avoir un outil plus favorable à la performance globale de l'entreprise ? Les cas d'usage pourront-ils tous être couverts ? On pense notamment aux référentiels clients : il faudra les interroger sur les données à véhiculer au regard de la réforme mais aussi au regard de la complexité client en termes de paiement : paiement direct, affacturage ou tiers payeurs.
Définir le besoin de l'entreprise par rapport au choix de plateformes intermédiaires (schéma en Y)
PDP, Opérateur de dématérialisation ou PPF ? C'est au bout du cheminement décrit plus haut que cette question doit être résolue. Si les étapes préparatoires n'ont pas été différées alors l'entreprise peut accorder plus de temps à cette phase et au choix de son partenaire afin de prendre la meilleure décision.
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