Cession et préfinancement, le CIR n'est pas qu'un crédit d'impôt
Dispositif fiscal, le CIR peut également offrir des opportunités de financement, qui demeurent actuellement peu connues des PME et des ETI. Sarah Espasa-Matteï, associée du cabinet De Pardieu Brocas Maffei précise ces opportunités.
Le CIR est en principe imputable sur l'impôt sur les sociétés de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été exposées. La fraction de ce crédit d'impôt qui n'a pu être imputée est alors constitutive d'une créance sur l'État. Cette créance, immédiatement remboursable s'agissant des PME au sens de la réglementation communautaire (sur le recours au CIR par les PME), peut être imputée sur l'impôt sur les sociétés des trois exercices suivants pour les autres entreprises, ETI et grandes entreprises. Au terme de ce délai, et à défaut d'imputation, la créance sera remboursée à la société.
Créances existantes : Dailly ou cession à un FCT
Par ailleurs, l'article 199 ter B du Code général des impôts (" CGI ") prévoit la possibilité pour les entreprises disposant d'un reliquat de CIR, de " monétiser " cette créance fiscale, c'est-à-dire de la céder afin d'obtenir immédiatement les liquidités correspondantes, sans avoir à attendre le remboursement de l'État au terme des 3 années. Cette monétisation peut être opérée auprès d'un organisme bancaire selon le mécanisme juridique de la loi " Dailly " ou, depuis 2014, être réalisée en cédant ces créances fiscales à un fonds commun de titrisation (FCT).
Cette monétisation s'opère selon un mécanisme juridique simple encadré par le dispositif du Code monétaire et financier (articles L313-23 à L313-35 et L 214-169 à L 214-190) et par un formalisme prévu par l'administration fiscale ( BOI-BIC-RICI-10-10-50 n° 580 et suivants). Un certificat de créance fiscale sera délivré par l'Administration au contribuable qui le remettra à l'établissement cessionnaire. Ce dernier procèdera alors à la notification de la cession de créance auprès des services comptables de l'administration fiscale. Une fois ces formalités accomplies, l'État remboursera à terme directement les créances auprès des entités cessionnaires, soit la banque ou un FCT.
Outre les liquidités dégagées, ces opérations permettent de lever plus facilement des financements dès lors que l'octroi de crédits peut être garanti par des créances sur l'État. La monétisation des créances de CIR contribue également à la sécurisation de l'existence et du montant de ces créances dès lors que de telles opérations impliquent en principe un audit préalable effectué par les organismes cessionnaires. Une " sécurisation " à ne pas négliger à l'heure où les opérations de contrôle de CIR réalisées par l'administration fiscale, avec l'intervention croissante d'experts de l'administration fiscale ou du MENESR se sont récemment intensifiées (sur cette question du contrôle fiscal, lire notre actualité).
Préfinancer des créances pour amorcer des activités
S'agissant des PME, le dispositif législatif prévoit une restitution immédiate de la créance de CIR, c'est-à-dire dès la constatation d'un excédent de CIR sur l'impôt sur les sociétés dû lors de la liquidation de cette imposition. Dès lors, le dispositif classique de monétisation des créances de CIR présente pour ces entreprises un peu moins d'intérêt car il n'est susceptible de leur faire gagner que quelques mois de trésorerie puisque le remboursement des créances de CIR doit (en principe) intervenir dans les 6 mois de la liquidation de l'impôt.
De manière plus générale, le dispositif CIR ne permet pas aux entreprises, quelle que soit leur taille, " d'amorcer " des activités de recherche, dès lors que les liquidités ne deviennent disponibles que dans l'année (ou les trois années) suivant l'engagement des dépenses de recherche (selon que l'entreprise est une PME ou non). C'est dans ce contexte que la monétisation de créances de CIR " futures ", dites " créances en germe ", peut être particulièrement intéressante. Si la cession de créances " en germe ", expressément prévu dans la loi de finances rectificative pour 2012 s'agissant du préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (" CICE "), ne figure pas dans le CGI en matière de CIR, la monétisation de créances de CIR " futures" est toutefois parfaitement possible.
Comme rappelé précédemment, le CGI prévoit que la créance de CIR peut être monétisée selon le mécanisme prévu par la loi " Dailly " (sur cette cession consulter la fiche de la Banque de France). Or, cette loi, qui a été reprise à l'article L313-23 du Code monétaire et financier, dispose que " peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés. ". Ce type de financement, encore peu connu, peut dès lors permettre aux entreprises faisant face à des difficultés de trésorerie, d'entreprendre de nouveaux projets innovants et d'accroître ainsi leur compétitivité sur le marché.
Lire aussi : Trésorerie dégradée, incertitudes politico-économiques: quels impacts sur les PME/TPE ?
Les offres bancaires de financement du CIR
Toutes les banques ne sont pas disposées à financer le CIR, et celles qui le font le réservent généralement à une typologie restreinte de clientèle, selon des conditions d'octroi qui peuvent varier considérablement d'un établissement à l'autre. Ainsi, chez Bpifrance, les ETI et grands groupes ont seulement accès au financement du CIR déjà né (mais pas à celui du CIR en germe) ; inversement les PME ont accès au financement du CIR en germe (mais pas à celui des créances nées) ; dans les deux cas, les conditions d'octroi sont sous condition d'antériorité (au moins 3 bilans et 2 années de CIR) et de profil de crédit.
Du côté des banques privées, celles qui pratiquent le financement du CIR ne sont pas nombreuses, et jusqu'à un passé récent le réservait à leur seule clientèle de grands comptes. Mais certaines d'entre elles ont décidé d'étendre progressivement cette offre à l'ensemble de leur clientèle d'entreprises (sur ce point lire notre interview), aussi bien sur les créances nées que les créances en germe, sans restriction de taille ni d'antériorité. Sauf exception, les financements sont conditionnés à un audit des dépenses de recherche, afin de vérifier la qualité de la créance cédée et donc sécuriser l'établissement bancaire. Bpifrance s'appuie sur son propre réseau d'experts (internes ou partagés avec le MENESR), là où les banques privées s'appuient généralement sur des prestataires externes spécialisés.
Fondé en 1993, De Pardieu Brocas Maffei figure parmi les cabinets français indépendants de référence en droit des affaires et compte aujourd'hui plus de 120 avocats dont 33 associés, intervenant plus particulièrement dans les domaines suivants : banque, finance & marchés de capitaux, fusions-acquisitions & private equity, restructurations & entreprises en difficulté, immobilier, droit de la concurrence, droit fiscal, droit public, droit social et contentieux. Cabinet français à caractère international, De Pardieu Brocas Maffei conseille de grands groupes français comme étrangers.
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