Restructuration du groupe Pierre & Vacances : une phase délicate pour la direction financière
Le projet de reprise et de restructuration financière du groupe Pierre & Vacances s'est finalisé en mars 2022. Une opération délicate dans laquelle le Daf, épaulé de conseils externes, a joué un rôle clé dans la définition de la nouvelle stratégie et la phase de reconstruction du groupe.
Après de longs mois de négociation et une procédure plutôt lourde, le groupe Pierre et Vacances a enfin achevé en mars 2022 sa restructuration financière.
En difficulté depuis la crise sanitaire, le leader européen de la résidence de tourisme (qui réunit notamment plus de 300 résidences et villages de vacances, sous les marques Center Parcs, Pierre & Vacances et Adagio) a annoncé avoir conclu un accord avec les fonds d'investissement britanniques Alcentra et Fidera, qui deviennent les nouveaux propriétaires aux côtés d'Atream, le gérant français d'actifs immobiliers qui va jouer un rôle plus industriel. Le fondateur Gérard Brémond ne conserve plus que moins de 4 % des parts de son groupe. Concrètement, le plan prévoit l'injection de 200 millions d'euros pour renflouer les caisses et le développement de près de 200 nouveaux hébergements, dont la commercialisation est prévue début 2023, afin d'assurer la pérennité du parc.
Au cours de cette opération, qui nécessitait de trouver une solution pour éponger 15 millions d'euros de dettes annuelles du complexe Villages nature de Marne-la-vallée implantée à quelques encablures d'Euro Disney, le groupe s'est associé au cabinet McDermott Will & Emery, dont l'activité couvre les situations spéciales, dans lesquelles les dirigeants engagent leur prise de responsabilité. « Les restructurations actionnariales sont toujours des situations délicates, qui passent par plusieurs étapes et impliquent de sortir d'un mode de fonctionnement ordinaire », avance Timothée Gagnepain, avocat impliqué dans le dossier.
La prise de conscience
Une restructuration financière très complexe qui a débuté en 2021 par un audit et un état des lieux de la situation. Une phase essentielle car c'est sur la base de ce diagnostic que va être établie la restructuration de l'entreprise. L'objectif ici : identifier les emprunts, les garanties réelles ou personnelles, les actifs donnés en garantie et les flux entre les sociétés d'un même groupe. « Un exercice toujours complexe pour les directeurs administratifs et financiers, car il faut faire des sacrifices afin de trouver un nouvel équilibre financier et changer de mode de raisonnement », explique Timothée Gagnepain.
Le modèle du groupe repose sur un fonctionnement qui lui est propre. Le fondateur a eu l'idée dans les années 70, plutôt que d'investir lui-même dans les parcs et les villages vacances, de les faire financer, ainsi que leur développement, par des institutionnels, qui revendent ensuite les biens aux particuliers. Pierre & Vacances s'engage à verser aux particuliers un loyer garanti durant plusieurs années et se charge en parallèle de louer à la semaine, via des plateformes, les appartements et bungalows à des tarifs bien plus élevés que les loyers.
Problème : le taux d'occupation des parcs est resté trop faible, tandis que le groupe s'est lancé dans une course au développement effréné des villages. « Pierres et Vacances souffre d'un modèle économique porté par la promotion immobilière qui s'essouffle, de dettes contractées auprès de banques, d'investisseurs. C'est un changement de modèle radical. L'investissement foncier est désormais dissocié de l'exploitation touristique », concède l'avocat.
Cette phase d'audit permet également de déterminer l'adéquation entre l'entreprise et son environnement et de repérer les failles éventuelles. « Pour faire venir des investisseurs, il faut leur montrer où se situe la valeur. Pour conserver un équilibre, certains pôles comme les Center Parcs où l'offre est plus limitée et la demande assez forte, ont été plus valorisés que d'autres. Les villages vacances sont plus difficiles à remplir en raison de la forte concurrence et du manque d'offre différenciante », reconnaît l'avocat.
Lors de cette première étape, il a aussi fallu revoir la méthode comptable et déconstruire l'ancien modèle. « Le groupe est géré de manière consolidée, un mode de fonctionnement qui est tout à fait adapté à une situation normale de croissance de gestion au quotidien. On regarde la trésorerie globale du groupe et non pas entité par entité, ce qui crée des déséquilibres entre certaines structures. Lorsque la trésorerie devient plus compliquée à gérer, cette technique doit évoluer pour raisonner en sociétal plutôt qu'en consolidé », analyse Timothée Gagnepain.
La phase de communication
La phase de réflexion achevée, il est temps à présent de passer à l'action. « Les dirigeants doivent dans un premier temps prendre conscience de la situation. On rentre dans une période où la direction et la direction financière ont besoin d'un spécialiste, un cabinet d'audit qui vient faire un travail de communication aux intervenants, pour présenter des situations et proposer des solutions », explique l'avocat.
La cabinet McDermott Will & Emery a notamment aidé le groupe Pierre et Vacances à identifier les sujets de complication, de responsabilité et a apporté des solutions. « Très tôt, nous avons travaillé sur une solution d'investissement, une modélisation des revenus futurs, du risque, une estimation des besoins et du calendrier avec la direction financière. Cela nous a permis de mieux négocier avec les actionnaires et les nouveaux investisseurs. Nous avons aussi créé plusieurs tranches de financement hybride pour apporter au groupe les ressources dont il a besoin », estime Timothée Gagnepain.
Le rôle clé du Daf
Vient ensuite l'étape de l'annonce de la restructuration d'entreprise, qui consiste à communiquer cette démarche auprès des différents acteurs de la société : les managers, les collaborateurs, ainsi que tous les acteurs externes (clients, fournisseurs, prestataires). La réussite de cette démarche requiert la coopération de toutes les personnes impliquées et de la transparence. Il est par ailleurs important d'anticiper l'impact émotionnel des changements déployés et de briefer chacun des managers et responsables des différentes structures de l'entreprise, afin de leur permettre de répondre aux questions éventuelles de leurs équipes.
Le rôle du Daf devient ainsi clé pour ne pas dire prépondérant dans ce projet de transformation qui impacte simultanément, les pratiques professionnelles, managériales et les systèmes d'information. « Pendant cette transaction qui peut durer des mois, la direction financière est sous pression 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Le Daf, lui, doit mener de front les réunions, la gestion du quotidien, les négociations avec les différents acteurs, les travaux de présentation de prévision et de communication. S'il arrive à passer cette étape difficile où les investisseurs se montrent souvent très agressifs et remettent en cause ses travaux, s'il n'est pas froissé dans son ego, et s'il arrive à mettre de côté certains modes de fonctionnement, son rôle de chef d'orchestre sera aussi majeur pour la suite », concède l'avocat.
La direction financière est tout aussi essentielle dans la phase de reconstruction de l'entreprise. C'est à ce moment précis qu'elle met en place son nouveau modèle organisationnel et qu'elle veille à son application à tous les niveaux de l'organisation. Un suivi régulier des performances et un accompagnement des collaborateurs dans ce changement vont aider chacun à trouver ses marques dans ce nouvel écosystème.
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