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Découvrez un CFO à la croisée de la finance, des achats et de l'IT : Nicolas Guffroy

CSRD, IA, financement vert, etc. comment à l'heure des nouveaux défis, le secteur de la Silver Economy se réinvente ? Réponses de Nicolas Guffroy, directeur financier Groupe d'Ægide-Domitys, spécialiste des résidences services seniors, membre du Groupe AG2R la Mondiale.

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Découvrez un CFO à la croisée de la finance, des achats et de l'IT : Nicolas Guffroy

Quel a été votre parcours professionnel avant de prendre les rênes de la direction financière groupe Ægide-Domitys ?

Après l'ESCP, j'ai commencé ma carrière en conseil financier chez Accuracy. J'ai pu travailler sur des problématiques de finance « stratégique » afin d'aider les dirigeants à la prise de décision, autour de missions et de thématiques variées (due diligence, modélisation de BP, restructuring...). Après 7 années, j'ai souhaité intégrer une entreprise pour pouvoir me rapprocher de l'opérationnel. C'est pourquoi, j'ai intégré le groupe Clariane (anciennement Korian) début 2019 au sein du contrôle de gestion avant d'en devenir le directeur financier France en 2023. Pendant ces 5 années, j'ai pu allier la stratégie financière tout en étant au contact quotidien des opérationnels en établissement.

Vous avez opéré un virage en devenant CFO groupe d'Ægide-Domitys en 2024. Quelles sont les similitudes et les différences de mission pour un CFO entre un groupe comme Clariane (ex-Korian) et Ægide-Domitys?

A l'époque, Clariane réalisait 5 milliards de chiffre d'affaires dont 2,3 milliards en France (300 EHPAD et une centaine de cliniques - 25000 salariés). Concrètement, Clariane est 3 à 4 fois plus gros en termes de taille qu'Ægide-Domitys. Chez Ægide-Domitys, nous parlons de 190 résidences et 4600 salariés. De plus, Clariane est un groupe coté contrairement à Ægide-Domitys. Enfin, chez Clariane, j'étais directeur financier sur un seul pays, où je gérais la partie comptable et contrôle de gestion essentiellement. Aujourd'hui, chez Ægide-Domitys, j'ai une vision groupe, et je gère un scope plus large avec les achats, la finance et la DSI sur l'ensemble des pays où le groupe est présent (France, mais également la Belgique, l'Italie et l'Ile Maurice). La dimension relationnelle avec les actionnaires est importante. De plus, Domitys outre l'exploitation des résidences, est également promoteur immobilier et commercialisateur des appartements, qui sont vendus à des investisseurs (souvent des particuliers et parfois des institutionnels), là où les acteurs du marché des EHPAD se concentrent sur l'exploitation. Enfin, la structure de financement des résidences est privée, contrairement aux EHPAD qui sont financés, sur la partie médicale, en partie par l'Etat.

Vous parlez de votre "rôle relationnel avec vos actionnaires". Concrètement comment cela se traduit-il (points d'étapes, reportings, ...)

Nos actionnaires exigent d'avoir des informations financières fiables de manière régulière afin de pouvoir suivre l'activité commerciale, la profitabilité et les flux de trésorerie du groupe, tant d'un point de vue réalisé que d'un point de vue prévisionnel (budget, plan moyen-terme). Cela doit leur permettre de prendre des décisions stratégiques éclairées.

Vous avez une triple casquette : directeur financier, achats et IT. Expliquez-nous comment vous composez avec ces 3 fonctions ?

Effectivement, je suis en charge de la finance, de la DSI et des achats. Je suis amené à jongler avec ces 3 fonctions mais elles se complètent parfaitement. Je prendrai l'exemple du process Purchase to Pay (PtoP) : les 3 métiers sont liés et les équipes sont alignées. Cette triple casquette et par conséquent cet alignement des équipes est une vraie force en termes de méthodologie et de process. La direction financière regroupe les fonctions classiques (comptabilité, contrôle de gestion, trésorerie et financements, en France mais aussi à l'international) mais englobe aussi les achats et la DSI. Les équipes sont présentes à Tours (pour l'exploitation) et à Paris (pour l'immobilier et les fonctions Corporate). Au total, cela représente près de 120 personnes à manager sur l'ensemble des 3 fonctions. Certaines ont une double casquette comme sur la partie IT avec des personnes qui connaissant bien les métiers donc avec des passerelles. Enfin, mon profil hybride avec la finance me permet d'avoir une vision stratégique des entreprises sur la finance corporate et la finance plus opérationnelle dans les process, les opérations de procédure les cycles de flux. C'est assez complémentaire. Nous prenons aussi des décisions d'investissement avec des passerelles plus fortes entre les métiers. Cette triple casquette a du sens et permet d'avoir une certaine perméabilité entre les métiers et de jouer un rôle de business partner avec les opérationnels.

Côté financement, AG2R La Mondiale est devenu votre actionnaire majoritaire en mai 2022, quels sont vos autres leviers de financement ?

Effectivement, AG2R La Mondiale est aujourd'hui notre actionnaire majoritaire, ce qui fait beaucoup sens et permet au groupe de se positionner comme un acteur du bien-vieillir. C'est aussi très complémentaire à notre activité. Le groupe nous aide à grandir et à nous développer. En parallèle, Nexity et les anciens fondateurs sont nos actionnaires minoritaires. En ce qui concerne les autres sources de financement, il avait été mis en place avant mon arrivée un programme de Neu CP, ce qui nous permet d'avoir des lignes de crédit assez facilement sur le marché. Nous avons également un crédit bancaire auprès de différents établissements bancaires comme levier de financement. Au final, nous avons des sources de financement assez diversifiées qui nous permettent d'assurer notre croissance et nos projets.

Avez-vous des réflexions sur du financement vert ?

C'est évidemment un enjeu majeur pour toutes les entreprises et nous sommes en phase de réflexion sur le sujet. Comment faire en sorte que nos résidences soient les plus respectueuses de l'environnement ? Cela passe par le fait d'aller chercher des financements pour la construction et pour nos résidences déjà en exploitation. Mais comme celles-ci sont assez récentes, la question ne se posera que dans quelques années. Le secteur du bâtiment comporte plusieurs problématiques et il faut l'anticiper avec des plans d'investissement. Une des solutions peut être de se faire financer des investissements par des partenaires et de partager les bénéfices des économies réalisées ensuite, sur les factures énergétiques par exemple.

En ce qui concerne la directive CSRD, où en êtes-vous sur le sujet ?

Nous ne nous sommes pas encore lancés mais nous faisons en sorte que nos résidences soient construites dans le respect de l'environnement, par exemple sur les questions de température et avec du financement vert. La CSRD est centralisée au niveau d'AG2R La Mondiale qui nous pousse à être vertueux et nous aide à aller dans le sens de l'Histoire. Mais la question actuelle est comment mettre en place un système de KPIs qui remonte de manière fluide et qui nous permette de suivre des indicateurs extra-financiers ? Nous travaillons de manière croisée avec l'ensemble des départements de l'entreprise sur le sujet. Et en ce qui concerne plus précisément la CSRD, nous suivons des KPIs que nous déterminons avec AG2R La Mondiale, les différents métiers et le département RSE.

La facturation électronique est également un sujet d'actualité pour la fonction finance, comment l'abordez-vous ?

Certes, c'est une contrainte réglementaire, mais je le vois avant tout comme une opportunité de fluidifier et simplifier l'ensemble du cycle PtoP. Cette réforme nous pousse à transformer l'essai et d'être plus moderne sur les sujets d'e-invoicing et d'e-reporting. Nous traitons plus de 120 000 factures par an auprès de fournisseurs nationaux, régionaux, et locaux, et ce volume est amené à augmenter dans les années à venir avec l'ouverture de nouvelles résidences. Nous sommes aujourd'hui dans une phase de diagnostic, et n'avons pas encore choisi de PDP à ce stade. L'objectif est de transformer la contrainte réglementaire en opportunité pour fluidifier encore plus notre process P2P, même si celui-ci est plutôt efficace aujourd'hui grâce à notre outil d'engagement. Cet outil nous permet de gérer les achats, de la création de la commande jusqu'au paiement au fournisseur. Il y a également un vrai travail de sensibilisation à réaliser car nous avons un grand nombre de prestataires locaux, comme par exemple pour des animations ponctuelles dans nos résidences.

Comment l'IA bouleversera votre métier, selon vous ?

L'IA et l'automatisation des tâches simplifieront, homogénéiseront les process et nous aideront dans pas mal d'applicatifs de la finance (lettrage, rapprochement de factures, rapprochement bancaires, gestion de prévision de trésorerie analytique de scénarios, PtoP, OtoC). L'IA permet aussi une meilleure gestion dans la prévision de trésorerie. L'idée est d'embarquer les équipes dans ce changement et cela implique une conduite du changement forte. Il faut montrer que l'IA ne va pas les remplacer. Il faut réussir à faire passer le message aux équipes sur le fait que l'IA leur accordera une meilleure bande passante pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Elles seront davantage dans l'analyse et le contrôle. Ce qui nous permettra de gagner en efficacité et de prendre du recul pour améliorer le bien-être de nos seniors.

Quelle est votre feuille de route pour les années à venir ?

Mon ambition est, comme dit précédemment, de gagner en efficacité. Il faut prendre du recul sur ce que l'on fait, car nous travaillons pour nos résidents, nos salariés et nos partenaires (fournisseurs, ...). Comment être le plus efficace possible pour que le personnel ait du temps à consacrer aux résidents ? Nous avons pour cela lancé la revue de nos process financiers (PtoP, ...) afin de comprendre ce qui fonctionne et mettre en place des correctifs pour les opérationnels. Nous partons des problématiques des opérationnels pour analyser la réécriture de procédures. Mais c'est aussi comment communiquer sur les process et faire que tout soit fluide dans les résidences (sur la compréhension des achats, de la DSI, ...) ? Il y a aussi d'autres enjeux comme celui de la cybersécurité. Nous avons notre pôle en interne, soutenu par l'équipe d'AG2R La Mondiale. En ce sens, nous menons des campagnes auprès de nos salariés mais aussi de nos résidents. Nous leur apprenons à toujours vérifier et être dans le contrôle et, au moindre doute, de passer un coup de téléphone.

Avez-vous un sujet sur la rétention et l'attraction des talents ?

Bien évidemment. Des métiers comme la comptabilité, le contrôle de gestion ou encore la trésorerie et les financements sont extrêmement recherchés car nous sommes de plus en plus dans le suivi de la performance, sur le pilotage et le suivi du cash. Mais je pense que le secteur de la Silver Economy et du bien vieillir est attractif car forcément en devenir pour des raisons évidentes de démographie. J'insiste donc beaucoup sur la dimension humaine de notre secteur d'activité. Mais l'attraction et la rétention des talents passe aussi par la perméabilité entre les métiers et le fait de créer des passerelles et de faire évoluer les compétences. A titre d'exemple, au sein du groupe, nous avons par exemple un responsable de salle restaurant en résidence qui est parti aux achats ou encore une comptable qui est passée à l'audit interne.

Quel serait votre message à un jeune diplômé dans la finance qui hésiterait à se lancer ?

Je lui conseillerai d'avoir un parcours hybride avec des compétences sur de la finance stratégique et corporate des entreprises et de la finance plus opérationnelle. C'est nécessaire d'avoir une vision aussi bien sur les process, les procédures mais également sur des stratégies d'investissement pour aider à la prise de décision.

Et à titre personnel, qu'est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

Ce qui passionne, c'est l'alliance entre la finance « stratégique » (compréhension du marché et analyses chiffrées prévisionnelles afin d'aider à la prise de décision) et la finance « opérationnelle », où nous devons nous assurer d'avoir des flux et des process optimisés afin d'assurer nos clôtures, nos encaissements clients et décaissements fournisseurs, nos process budgétaires, etc. Ce sont deux aspects très différents et très complémentaires. J'apprécie aussi beaucoup le fait de pouvoir tirer le meilleur des collaborateurs et de pouvoir les faire évoluer vers de nouvelles fonctions, avec la motivation comme premier moteur.

Selon les projections de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), près d'un Français sur trois aura plus de 65 ans en 2070, contre environ un quart aujourd'hui. Comment peut-on imaginer l'évolution du secteur du bien vieillir et/ou de la Silver Economy ?

Effectivement, cette dynamique démographique est un marqueur fort des prochaines années pour le secteur et en particulier pour Ægide-Domitys. L'âge d'entrée moyen dans nos résidences est de 82 ans, ce qui fait que nos entrants aujourd'hui sont nés en moyenne en 1943, période de creux des naissances en lien avec la Deuxième Guerre Mondiale. D'ici 3 ans, nous aurons une hausse significative du nombre de seniors de 82 ans (début du Baby-Boom). C'est à la fois un défi et une opportunité pour nous de pouvoir accueillir ces seniors en recherche de lien social, de confort et de sécurité.




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