M&A : prendre en compte l'aspect humain
Elodie Le Gendre, fondatrice de la société de conseil en fusions-acquisitions Sevenstones, vient d'écrire un livre intitulé « M&A for good ». Sous-titré « Remettre l'humain au coeur de la finance », il insiste sur la nécessaire prise en compte de l'aspect humain dans les M&A pour s'assurer davantage de réussite.
Dès les premières pages de son livre, M&A for good (éditions du grand cap), Elodie Le Gendre, fondatrice de la société de conseil en fusions-acquisitions Sevenstones, alerte sur le fait que « résumer la valeur d'une entreprise et de ses hommes à une série d'agrégats financiers est non seulement frustrant pour son dirigeant mais aussi très réducteur : aucune grille ne saurait rendre compte de la richesse et de la complexité de l'organisme vivant qu'est une entreprise! ».
Au fil de son ouvrage, sous-titré « Remettre l'humain au coeur de la finance », Elodie Le Gendre démontre ainsi à quel point tenir compte de l'humain est nécessaire dans les opérations de fusions-acquisitions. « 2/3 des opérations sont destructrices de valeur. Et cela parce que les cultures des entreprises ne sont pas compatibles, que les personnes quittent la structure parce qu'elles ne se sentent pas intégrées ou que les synergies espérées ne sont pas réalisées », observe-t-elle.
Compatibilité culturelle
Son conseil : prendre plus de temps en amont de la fusion-acquisition. « Si les chiffres sont plus tangibles, l'humain est plus complexe. Il faut laisser du temps à la rencontre de se faire », estime-t-elle. Ainsi, dans son livre, elle parle de la nécessité de prendre en compte la culture de l'entreprise « pour favoriser une bonne appréciation des enjeux au regard de l'histoire, des possibilités et des limites propres à l'entreprise et des compatibilités en vue d'une opération capitalistique ».
En effet, certaines entreprises peuvent ne pas être compatibles en raison de cette culture et de ces valeurs. Et si elles sont ignorées, des résistances au changement peuvent mener à l'échec. Les acteurs doivent donc prendre le temps de se connaître, s'assurer qu'elles sont compatibles ou, si des différences persistent, mettre en place une stratégie d'intégration.
Lire aussi : M&A : et la culture ?
Se rencontrer
Elodie Le Gendre insiste aussi sur le fait qu'une acquisition est avant tout une affaire de rencontre entre des personnes : « Si la confiance est le critère numéro un du choix des conseils qui accompagneront le dirigeant, elle l'est aussi pour les contreparties avec lesquelles il sera à même de faire affaire », souligne-t-elle dans son livre. Elle dit constater les bienfaits de mariages entre sociétés dont les dirigeants se connaissent et s'apprécient et vante les bienfaits de la conversation, expliquant que des rencontres capitalistiques peuvent être entachées par des méprises dues à des difficultés à communiquer.
Elle préconise des rencontres physiques, sur site, qui permettent de voir le dirigeant en chair et en os mais aussi ses équipes et de savoir en un coup d'oeil quel est le type de présidence, la façon dont sont traités les salariés mais aussi les clients et fournisseurs, etc. Elodie Le Gendre déconseille d'ailleurs de céder à la mode du « speed dating » qui ne permet pas de construire une confiance durable et réciproque.
Valeur intrinsèque de l'entreprise
Ces rencontres et visites sur site permettent de s'intéresser à la valeur intrinsèque de l'entreprise, au-delà des chiffres : Elodie Le Gendre détaille dans M&A for good la méthodologie ADN Check 7Stones© qui consiste à prendre en compte toutes les composantes de l'entreprise sans se limiter à l'analyse financière.
Ainsi 7 dimensions sont étudiées : visibilité de l'activité, positionnement concurrentiel de l'entreprise, nature des risques, organisation, rentabilité, impact et croissance. De quoi avoir accès à une revue objective des forces et faiblesses de l'entreprise et de prendre en compte l'aspect, crucial, de l'humain. Et de rédiger une offre qui porte de l'attention à la culture de l'entreprise et à ce qui la constitue au-delà des aspects financiers. Une offre à même de rassurer les cédants et leurs équipes.
Les équipes peuvent en effet mal vivre une fusion-acquisition, qu'elles fassent partie de l'entreprise cédée ou de celle qui achète. Ce qui peut provoquer ou accélérer des départs et déstabiliser encore plus des entreprises qui sont déjà en équilibre en raison de la situation d'achat. Elodie Le Gendre conseille de donner des perspectives aux salariés, indiquant que des talents qui n'avaient pas trouver à s'expriler jusque là peuvent émerger lors de telles situations.
Construire un projet commun
Une fois l'opération réalisée, l'intégration est toute aussi essentielle que la préparation. « Lors d'un rapprochement d'entreprises, l'urgence semble généralement de réaliser l'intégration sur le plan organisationnel, administratif et financier, en mettant les aspects humains et culturels au second plan. Or, n'est-il pas préférable de mettre le projet commun sur de bons rails, de remettre à plat la culture et le projet d'entreprise pour se donner les meilleures chances de créer de la valeur commune, avec une traduction financière répondant aux espérances », écrit Elodie Le Gendre, soulignant que la peur de dilution de l'identité dans son ensemble est un des facteurs explicatifs des échecs des fusions.
Ainsi, même si un travail a été fait en amont pour s'associer entre entreprises ayant des valeurs communes, il s'agit de construire une culture commune, qui est bien plus que des valeurs essentielles mais qui se tisse avec le temps, au fil de réussites et d'échecs communs. Ainsi, réussir une intégration « nécessite un certain temps d'adaptation des équipes et beaucoup de pédagogie sur le terrain pour transformer une cohabitation forcée en marche et actions coordonnées, puis stratégie et visions communes, avérées et acceptées par tous ». Du temps, c'est ce qu'exigent les fusions-acquisitions pour être pleinement des réussites.
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