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Paiements en cryptomonnaies en entreprises, la bonne (fausse) idée ?

En 2023 le baromètre Web3 du cabinet Deloitte indiquait que 30 % des entreprises françaises utilisaient les cryptomonnaies pour effectuer des transferts internationaux, voire des règlements de fournisseurs. Quels en sont les enjeux et les risques pour les directions financières ? Est-ce le début d'un phénomène d'ampleur ? Eléments de réponse.

Publié par Christina Diego le - mis à jour à
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Blockchain technology and network concept. Businessman holding text blockchain in hand with icon network connection on blue security  and digital connection background
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En 2024, 562 millions de personnes détenaient de la cryptomonnaies, soit 6,8 % de la population mondiale. Derrière ce chiffre d'apparence faible, une tendance en expansion, car en 2023, 420 millions de personnes possédaient des cryptomonnaies, soit une augmentation de 33 % en seulement un an, dévoilait le Journal du Coin en juillet 2024.

Payer en crypto, un enjeu stratégique ?

Qu'en est-il pour les entreprises ? L'utilisation des cryptomonnaies dans les paiements d'entreprise existe bel et bien et susciterait même un intérêt croissant, expliquaient les experts du cabinet Deloitte dans leur baromètre « Le Web3, un enjeu stratégique et financier pour les entreprises ». Dans les entreprises avancées sur le sujet, 39 % disposeraient d'un département qui supervise les sujets Web3, principalement des directions en charge de l'innovation (33 %) et seules 6 % des directions financières s'empareraient du sujet. Rien d'étonnant, manipuler des cryptomonnaies peut comporter certes des opportunités, mais également des risques.

Des entreprises françaises à la pointe

L'utilisation des cryptomonnaies dans les paiements d'entreprise gagne du terrain si on observe les dernières initiatives de certaines d'entre elles en la matière. Plusieurs entreprises françaises ont commencé à accepter les paiements en cryptomonnaies, illustrant une adoption croissante de ces actifs numériques dans les transactions commerciales.

- Fitness Park : cette chaîne de salles de sport a initié un projet pilote permettant à ses adhérents de régler leurs abonnements et achats en cryptomonnaies dans l'un de ses clubs en France, depuis le 8 janvier 2025.

- Le Printemps : le grand magasin de luxe français a annoncé, en novembre 2024, un partenariat avec la solution de paiement Binance Pay et la fintech Lyzi pour accepter des cryptomonnaies telles que le Bitcoin et l'Ethereum dans ses boutiques en France, devenant ainsi le premier grand magasin européen à proposer cette option de paiement.

- Des commerçants de Cannes : sous l'impulsion du maire David Lisnard, la ville de Cannes organise des formations pour ses commerçants afin de les encourager à accepter les paiements en cryptomonnaies, répondant ainsi à une demande croissante de la clientèle internationale.

Des paiements BtoB en crypto

Certaines entreprises américaines ont d'ailleurs passer le pas en BtoB. Le 23 septembre 2024, PayPal a réalisé son premier paiement commercial en utilisant sa stablecoin PYUSD, en faveur du cabinet d'audit Ernst & Young. Cette transaction, effectuée via la plateforme de monnaie numérique de SAP, visait à démontrer la fiabilité et l'efficacité des paiements en stablecoins pour les transactions inter-entreprises. Ces exemples illustrent comment les cryptomonnaies sont intégrées dans les transactions B2B. Pour les Daf des entreprises françaises qui s'intéressent au sujet pour optimiser une partie de la trésorerie ou de faire des règlements par exemple, tout l'enjeu est d'acquérir une bonne culture avant d'investir dans une cryptomonnaie. Les plus aguerris devront suivre l'évolution, connaître sa valeur sur le marché, puis choisir la plus susceptible de créer des opportunités pour l'entreprise.

« Je pense que c'est une niche en France. Cela va concerner des Daf qui gèrent des transactions internationales de filiales dans plusieurs pays, afin de leur permettre de réaliser des transferts sans forcément avoir de comptes bancaires dans chaque pays », explique Emmanuel Papadacci-Stephanopoli vice-président de L'Observatoire de la Fintech et directeur général délégué du Village by CA Paris.

Quels avantages à utiliser des cryptomonnaies ?

L'utilisation des cryptomonnaies pour les transferts entre entreprises (BtoB) intéresserait un tiers des entreprises françaises (baromètre Deloitte 2023). Cette innovation leur permettrait essentiellement de diminuer leurs coûts d'exécution, principal frein identifié. Cette tendance se confirme également sur les paiements (ou règlements) de fournisseurs pour 42 % des entreprises françaises.

Les principaux avantages pour les entreprises sont :

-Une réduction des coûts de transaction : les cryptomonnaies permettent de diminuer les frais associés aux transactions en éliminant les intermédiaires financiers traditionnels.

- La rapidité des paiements internationaux : les transactions transfrontalières peuvent être effectuées quasi instantanément, facilitant les échanges commerciaux internationaux.

-Sécurité et transparence : la technologie blockchain assure un haut niveau de sécurité et de transparence, réduisant les risques de fraude en retraçant les mouvements.

-La protection contre la fraude : l'AMF (L'autorité des marchés financiers), a établi une liste noire des sociétés non autorisées. En complément, une réglementation a été créée en 2019, afin de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Toutefois, il est essentiel pour les entreprises d'évaluer les risques associés.

Quels enjeux pour les Daf ?

Parmi les défis que représente ce moyen de paiement inter-entreprises, la question de la volatilité de la cryptomonnaie arrive en tête. Les fluctuations de la valeur de cette monnaie virtuelle, comme ce fut le cas ces dernières années, peuvent entraîner des risques financiers indéniables pour une entreprise. Or, ce sont ces risques que le Daf doit apprendre à maîtriser. En effet, la question de l'intégration technologique dans les systèmes et une formation adéquate est également nécessaire. Le directeur financier se doit avant tout d'assurer une intégration efficace et sécurisée de ces nouvelles technologies dans les opérations financières. « Certains DAF vont utiliser des cryptos qu'ils ont créé de façon ad hoc, uniquement pour leur propre groupe », détaille Emmanuel Papadacci-Stephanopoli.

Pour l'expert, le Daf endosse la responsabilité de sécuriser l'entreprise, mais aussi d'optimiser les coûts. « Le principal enjeu est de réussir à fournir au Daf des solutions comme les stablecoins, plus sûres, qui puissent faire baisser les coûts de fonctionnement tout en lui permettant de gagner en efficacité ». C'est l'objectif des fintechs qui sont (ou s'orientent) sur ce secteur d'activité, comme la fintech française Fipto qui a levé 15 millions d'euros en 2023 et adresse aux trésoriers d'entreprises et asset managers des solutions de paiement en cryptomonnaies et en monnaies fiduciaires.

Impact carbone des cryptos

Autre défi important à l'heure de l'engagement durable des entreprises, l'impact écologique des cryptomonnaies, en particulier en raison des processus de minage très énergivores. Face à une pression croissante des investisseurs pour l'adoption de pratiques plus durables, les entreprises doivent tenir compte de cet aspect environnemental. Ce facteur pourrait influencer de manière significative leurs choix quant à l'intégration, ou non, des cryptomonnaies dans leurs stratégies financières et d'investissements selon la politique RSE.

Un cadre législatif incertain

Autre point d'attention, savoir dans quel cadre réglementaire évoluent ces cryptomonnaies. L'absence de régulations claires peut compliquer l'adoption des cryptomonnaies par les entreprises.

Dans de nombreux pays, le cadre législatif entourant ces actifs numériques reste imprécis, obligeant les entreprises à naviguer dans un paysage juridique complexe et en constante évolution. Cette situation peut freiner leur intégration fluide dans les processus opérationnels. Parallèlement, les régulateurs s'efforcent de concevoir des règles qui équilibrent la lutte contre la fraude et les préoccupations sécuritaires tout en stimulant l'innovation dans ce domaine en pleine expansion.

En avril 2023, le Parlement européen a donné son accord pour lancer des négociations avec les États membres de l'Union européenne sur de nouvelles règles destinées à assurer la traçabilité et l'identification des transferts de crypto-actifs. Ces mesures visent à prévenir leur utilisation dans des activités illicites telles que le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme ou d'autres crimes. Les nouvelles dispositions permettent également le blocage de transactions suspectes. Elles s'appliquent aux transferts de crypto-actifs dépassant 1 000 €. Cette législation a été officiellement adoptée par le Conseil en mai 2023.

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