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Les SPAC : des véhicules d'investissement à caractère non identifié ?

Mediawan, 2MX Organic, ... Les SPAC ou Special Purpose Acquisition Company pour société d'acquisition à vocation spécifique commencent à faire parler d'eux sur les places boursières grâce au duo d'investisseurs Pigasse - Niel. Doit-on s'en méfier ?

Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
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Les SPAC : des véhicules d'investissement à caractère non identifié ?
© Jan Spurny - Fotolia

Ils ne cessent de faire parler d'eux sur les places boursières. Les SPAC ou Special Purpose Acquisition Company pour société d'acquisition à vocation spécifique. Très courants aux USA depuis les années 90, ils sont encore peu développés en Europe. " Il y a un véritable attrait des marchés pour les SPAC mais on se demande s'il n'y a pas aussi un effet de mode. En termes de volume de fonds levés, ils ont représenté près de 50% des introductions en bourse aux Etats-Unis en 2020 ", explique Sylvain Clavé, avocat directeur au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel.

"Une coquille vide"

Un SPAC est une société sans activité opérationnelle dont les titres ont vocation à être cotés sur un marché boursier en vue d'une acquisition ou d'une fusion future dans un secteur particulier et selon un calendrier déterminé à l'avance. Son but est de réaliser une ou plusieurs acquisitions avec les fonds levés lors de son introduction en bourse. On est en quelque sorte face à une introduction en bourse " indirecte " car le SPAC acquiert des titres de sociétés non cotées. La société acquise, si elle est ensuite absorbée par le SPAC, se retrouvera alors mécaniquement cotée en Bourse.

Combien vaut le sourire de Xavier Niel ?

" Lors de sa constitution et de son introduction en Bourse, un SPAC ne possède a priori aucun actif. Il s'introduit sur le marché afin de lever des fonds auprès des investisseurs, le plus souvent professionnels. Ce qui le différencie des sociétés qui font habituellement l'objet d'une introduction en Bourse c'est que le SPAC est par essence une coquille vide qui n'a pas de business propre. Or, le souscripteur qui va souscrire à des actions du SPAC ne sait pas forcément quelle société va être acquise. Les SPAC sont toutefois portés par des personnalités du monde des affaires qui justifient d'un track record favorable et d'une réputation établie. Les investisseurs vont notamment se baser sur un business plan et des perspectives d'acquisition de cibles pour prendre leur décision ", détaille Sylvain Clavé. " En résumé, l'investisseur signe un chèque en blanc, à charge pour les fondateurs et dirigeants du SPAC d'identifier des cibles et de les acquérir avec les sommes levées dans le délai fixé contractuellement avec les investisseurs, habituellement 18 à 24 mois ".

Succès de Mediawan, premier SPAC français

En France, le premier SPAC, baptisé Mediawan, est né en 2016 montée par Xavier Niel, Mathieu Pigasse et Pierre-Antoine Capton. Mediawan a levé en bourse 250 millions et est devenu un acteur européen de l'audiovisuel à succès. Le tandem Pigasse et Niel a renouvelé ce type d'opération avec 2MX Organic en s'associant avec Moez-Alexandre Zouari, actionnaire de référence du groupe Picard Surgelés. Ils ont levé 300 millions d'euros lors de leur introduction en bourse en décembre 2020 pour procéder à des acquisitions dans la production et la distribution de biens de consommations durables.

Une bulle financière ?

" On peut également se demander comment un SPAC est valorisé en vue de sa cotation tant que ce véhicule ne détient pas les titres des autres sociétés qu'il a vocation à acquérir. En effet, comment évaluer précisément une société sur la foi d'un business plan, du track record de ses fondateurs et des perspectives d'acquisitions non encore réalisées ? ", s'interroge Sylvain Clavé. Il poursuit :" Cela pose la question du caractère spéculatif des marchés. Lorsqu'on en arrive à valoriser très cher des coquilles vides qui vont lever des montants eux aussi très élevés, n'est-on pas face à une sorte de bulle financière ?"

Surveillance de l'AMF

Ainsi, quant à la question de l'encadrement de ces véhicules, Sylvain Clavé rappelle que les SPAC français, lorsqu'ils ont été introduits en Bourse, ont nécessairement dû faire l'objet d'un contrôle préalable par les services de l'AMF. En termes de régulation, Sylvain Clavé indique : " Outre la réglementation boursière relative à l'émission de leurs titres sur le marché, les SPAC, en ce qu'ils paraissent suivre une "politique d'investissement définie", pourraient entrer dans le champ d'application de la Directive AIFM, ce qui les obligerait à être gérés par des sociétés de gestion de portefeuilles agréées par l'AMF. Mais cette contrainte ne semble pas avoir été appliquée aux SPAC français, preuve possible de l'ouverture de l'AMF à ce nouveau modèle ".

Un investissement à caractère artificiel ?

Sur le caractère spéculatif des SPAC, Sylvain Clavé reprend : " Il peut être intéressant de faire un parallèle entre Time for the Planet, société non cotée à mission, créée en décembre 2019, qui est une sorte de start-up studio dont la vocation est de prendre des participations dans des entreprises luttant contre le changement climatique, et la SPAC 2MX Organic, le véhicule coté qui va acquérir des entreprises proposant des produits de consommation durable. Time for the Planet est également une société sans activité qui lève des fonds auprès du public, dans des proportions amplement inférieures certes, pour les réinvestir. En effet, elle ne promet pas de rentabilité à ses investisseurs mais s'engage à investir sur des projets luttant contre le réchauffement climatique. Elle propose à la souscription des actions émises à la valeur nominale, sans prime. 2MX Organic fait un peu la même chose : elle lève des fonds du public pour investir dans des entreprises intervenant dans le domaine de la consommation durable, mais la comparaison s'arrête là. 2MX Organic propose évidemment du rendement et son introduction en bourse a, à n'en point douter, dû être réalisée avec une prime d'émission sur les actions. Lorsqu'on met ces deux modèles en perspective, la prime d'émission payée par les investisseurs pour souscrire au capital d'une coquille vide tel qu'un SPAC paraît tout de même un peu artificielle... ", conclut Sylvain Clavé.



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