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L'essor de IA va-t-il rendre plus centrale la place des soft skills ?

Avec l'émergence des outils IA dans les fonctions financières d'entreprise, les qualités humaines dites « soft skills » vont s'avérer encore plus déterminantes. Est-ce qu'elles vont pouvoir surpasser tout ce que l'IA peut présenter comme atout ? Comment les compétences intrinsèques des métiers financiers font-elles la différence ? Eclairages avec Claire Baruffi, cabinet RH Megabar.

Publié par Christina DIEGO le | Mis à jour le
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Jamais les « soft skills » n'ont été autant mises en avant dans le monde du travail que depuis la période post-pandémique, une tendance qui s'accentue à mesure que l'intelligence artificielle prend de l'ampleur. D'après l'OCDE, dans un environnement ultra-connecté, ces compétences « émotionnelles » jouent un rôle clé aussi bien dans la collaboration, la prise de décision, que dans l'analyse et la résolution de problèmes. Des aptitudes profondément « humaines », qui dépassent les capacités des « machines » ? Paradoxalement, l'essor des nouvelles technologies pourrait-il être une opportunité pour réaffirmer la place centrale des compétences humaines dans nos métiers ? C'est du moins ce qui semble alimenter les débats actuellement, notamment dans le secteur des métiers de la finance d'entreprise, très impactés par les outils techno.

Soft skills et leur rôle structurant face à l'IA

La maîtrise des outils numériques est indispensable pour en tirer pleinement parti, mais elle ne suffit pas : ce sont les compétences humaines qui font la véritable différence. Encore plus pour des métiers très spécialisés comme les métiers de la finance. Ces derniers sont de plus en plus digitalisés, les trésoriers, comptables, contrôleurs de gestion utilisent au quotidien une solution software. En effet, l'arrivée de l'IA ne renouvelle pas totalement les fonctions financières, mais elle renforce leur rôle stratégique en interne. Les Daf qui travaillaient de manière plus technique et isolée devront se réinventer, car l'analyse financière est désormais accessible à tous via l'IA.

« Dans ce contexte, les soft skills deviennent essentielles : l'écoute, l'empathie et la capacité à fédérer seront des atouts majeurs. Le rôle du DAF évolue vers une fonction plus décisionnelle et stratégique, s'éloignant progressivement de l'opérationnel pur », nous explique Claire Baruffi. Pour l'experte RH, « ceux qui auront des difficultés à aller vers l'autre seront les plus menacés par l'évolution de l'IA ». Elle prend l'exemple des comptables, un métier en pleine transformation. « Dans les grands groupes, l'IA prend progressivement en charge toutes les tâches de tenue comptable, ce qui signifie qu'à terme, ce ne sera plus leur rôle », indique-t-elle. Le métier de comptable peut-il évoluer vers un rôle de consultant, plus axé sur la relation client et le conseil ? Pourquoi pas. « Il ne s'agira plus uniquement de produire des états financiers, mais d'accompagner les entreprises dans leur gestion et leur prise de décision stratégique », assure Claire Baruffi.

Importance des compétences interpersonnelles

Les spécialistes sont unanimes : l'IA libère du temps en automatisant les tâches techniques, comme la tenue de comptes. Ce gain de temps renforce d'autant plus l'importance des compétences interpersonnelles pour piloter le changement, fédérer les équipes et mieux communiquer sur les enjeux financiers. « Si une entreprise fait face à une baisse de rentabilité, l'IA pourra proposer des prévisions et des pistes d'optimisation, mais c'est le Daf qui prendra la décision finale. L'IA ne tient pas compte des impacts humains liés aux réductions d'effectifs, aux choix d'investissement ou aux arbitrages budgétaires », détaille l'experte. Le rôle d'un manager va donc évoluer vers davantage de communication interne, de coordination entre services et de leadership, pour prendre des décisions éclairées et alignées avec la stratégie globale de l'entreprise. Des profils de Daf qui devront évoluer et se réinventer.

Des profils qui se réinventent

« La clé de l'adaptation à l'IA, c'est la formation », analyse Claire Baruffi. L'IA ne va pas supprimer tous les emplois, mais elle va transformer les métiers existants et en créer de nouveaux. « C'est particulièrement vrai dans les services financiers, où les Daf, comptables et contrôleurs de gestion doivent monter en compétence pour rester acteurs du changement. Ceux qui refuseront cette évolution risquent d'être dépassés, à la fois dans leur utilisation des outils, mais aussi dans leur capacité à accompagner leurs équipes », insiste la spécialiste RH.

Or, un Daf est avant tout un manager. Son rôle ne se limite pas à la finance pure, il doit le plus souvent gérer des équipes hybrides, composées de salariés, de freelancers et même de spécialistes IT en IA. Cette transformation impose une nouvelle approche du management : savoir piloter des profils divers, intégrer l'IA comme un outil d'aide à la décision et maintenir un cap clair pour son équipe. « Car l'IA n'est pas une boussole, c'est un outil au service des décisions humaines. Si un manager ne sait pas guider ses équipes dans ce nouvel écosystème, il risque de perdre ses talents », détaille-t-elle. Avec la baisse de l'engagement des salariés (seulement 6 % des Français se disent très engagés dans leur travail), il devient urgent pour les Daf de se former non seulement à l'IA, mais aussi au management des équipes de demain. Les soft skills varient selon les métiers, mais certaines compétences resteront essentielles. « La compréhension des autres est au coeur de ces aptitudes. En fin de compte, ce sont bien les qualités humaines qui feront la différence dans un monde de plus en plus digitalisé », conclut-elle.

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