CSRD : réactions sur « la suppression » du reporting extra-financier évoquée par Stéphane Séjourné
Le commissaire européen Stéphane Séjourné a suscité de vives réactions en annonçant une « suppression du reporting extra-financier » dans une interview sur France Inter ce lundi 20 janvier. Cette déclaration, perçue comme une remise en cause de la directive CSRD a inquiété les entreprises et les acteurs de la RSE, mais reste à tempérer. La Commission européenne avait prévu depuis mi-novembre un examen de la législation « Omnibus » sur la CSRD. Tour d'horizon des réactions.
Un « choc de simplification » controversé
Stéphane Séjourné, nouveau vice-président exécutif à la Prospérité et la Stratégie Industrielle, en charge de la simplification dans le cadre de la législation « omnibus », a suscité de nombreuses réactions depuis sa prise de parole sur France Inter ce lundi 20 janvier. Il a évoqué « un choc de simplification massif », laissant entendre une réduction des obligations de reporting dans le cadre de la CSRD. Toutefois, son équipe a tenu à clarifier qu'il ne s'agirait pas d'un abandon des objectifs de la CSRD, mais « d'un ajustement des obligations administratives ».
En effet, dans l'Opinion, les équipes indiquent « Nous souhaitons maintenir les objectifs de la CSRD mais nous souhaitons aussi supprimer certaines obligations de reporting ». Dans le détail :
- Augmenter les seuils d'entreprises concernées
- Diviser par dix le nombre de données demandées aux entreprises (plus de 1000 relevés de données sont requis dans la CSRD)
- Harmoniser les textes entre eux,
- Fusionner les plans de transition climatique demandés sous des formes différentes,
- Supprimer des formulaires papier pour privilégier le numérique.
Une annonce qui n'est pas un scoop pour celles et ceux qui suivent le sujet. En effet, la présidente de la Commission européenne (CE), Ursula von der Leyen, à la mi-novembre, avait déjà évoqué son intention de proposer une législation « omnibus » pour réduire « la bureaucratie et les charges de reporting pour les entreprises ». On connaît donc le nom de la personne qui en aura la charge- Stéphane Séjourné- et la date. Le 26 février prochain, la législation « omnibus », qui prévoit une refonte des textes européens, dont la CSRD, sera donc examinée.
Le 16 janvier dernier, l'Autorité des Normes Comptables (ANC) avait réagit en appelant également à des ajustements administratifs « pour simplifier et renforcer l'efficacité du dispositif ». Son président Robert Ophèle avait proposé des pistes pour ce faire et avait déclaré qu'il « était crucial de trouver un équilibre entre les ambitions de la CSRD et les réalités opérationnelles des entreprises. »
Des réactions qui tempèrent les propos
« Les Allemands avaient déjà parlé de simplification, Michel Barnier avait même évoqué un « moratoire » sur le sujet, donc je ne suis pas surpris. Et surtout cela met en évidence ce que j'observe depuis un moment, le monde de la finance est devenue paresseuse », nous précise Sébastien Ristori, analyste finance et durabilité, enseignant de Finance d'entreprise à l'IAE Corse. « Je ne vois pas comment on pourrait supprimer la CSRD alors que de nombreuses entreprises ont déjà fait le travail de reporting pour l'exercice 2024, et que d'autres s'apprêtent à travailler sur le rapport de double matérialité de 2025, et ont engagé des cabinets de conseil pour mener à bien ce travail... », analyse-t-il.
De son côté, le réseau Impact France (entreprises engagées) a écrit à la Commission européenne pour proposer de « privilégier les indicateurs quantitatifs, ce qui pourrait diviser par deux le nombre d'indicateurs obligatoires », « mettre en place des délais transitoires pour les entreprises de moins de 750 salariés », « maintenir les principes d'extra-territorialité et la double matérialité », « instaurer le principe de substitution dit du "guichet unique ESG" pour que le rapport de durabilité remplace les déclarations nationales redondantes », a indiqué son co-président Pascal Demurger sur LinkedIn.
Léa Caen, cofondatrice de Kiosk, une start-up proposant un logiciel conçu spécifiquement pour produire et auditer les rapports CSRD, partage également la réaction du Mouvement Impact France. Elle nous indique que « Si une nouvelle directive voit le jour, il y aura un délai d'application par pays de plusieurs mois voire années. En attendant, les entreprises doivent respecter la loi en vigueur. Il est important de préciser que la CSRD a déjà mis en place des dispositions pour les entreprises de moins de 750 salariés, ce qui réduit de plus de 50 % le nombre de données à publier. »
En effet, cette directive, considérée comme une mesure phare du pacte vert européen, vise à standardiser la transparence des entreprises sur leurs performances économiques, sociales et environnementales. Catherine Touvrey, directrice générale d'Harmonie Mutuelle, souligne dans Ouest-France que la CSRD « est le seul cadre permettant une comparaison claire des performances des entreprises ». Adrien Geiger, PDG de L'Occitane, quant à lui, insiste sur son caractère « décisif et nécessaire » malgré les défis qu'elle représente.
Une directive en sursis ?
Si certains appellent à des ajustements, peu soutiennent une suppression totale de la CSRD. Cette déclaration de Stéphane Séjourné sonne comme un « effet d'annonce » plus destiné à préparer le débat autour de la législation omnibus. Quoi qu'il en soit, la CSRD demeure un enjeu central pour la compétitivité, la durabilité et le leadership géopolitique de l'Union européenne. La décision du 26 février sera cruciale pour l'avenir de la transparence environnementale et sociale en Europe.
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