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[Tribune] De l'influence des critères ESG sur la performance obligataire

L'hypothèse communément répandue est que le marché obligataire considère les entreprises avec de meilleures notations ESG comme présentant un meilleur risque crédit. Or, les observations récentes des comportements des marchés financiers ont montré que les écarts de crédit des obligations de ces entreprises ne présentaient pas de corrélation significative avec les notations ESG. Explications.

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[Tribune] De l'influence des critères ESG sur la performance obligataire

Les notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) devraient refléter les risques que ces facteurs présentent pour la performance financière d'une entreprise et sa capacité à les gérer. Ces notations évaluent notamment les émissions de carbone (E), la santé et la sécurité au travail (S) et les structures de rémunération des dirigeants (G- exemple du CEO de Boeing dernièrement).

Les notations ESG reposent sur l'idée que les « entreprises » qui ont de meilleures notes ESG, auront de meilleures performances financières à long terme, car elles font face à des risques ESG plus faibles ou sont plus aptes à les gérer et à les maîtriser. De plus, si les marchés sont efficients, de meilleurs notations ESG doivent également conduire ces « entreprises » à des valorisations plus élevées.

Cependant, la corrélation entre de meilleures notes ESG et de meilleures performances financières n'est pas si simple. La littérature est diverse et manque de consensus clair. Une partie du problème réside dans la manière de mener les évaluations. Comment comparer les entreprises de différentes industries ? Quel rôle joue la taille du bilan ou la capitalisation boursière ? Quelle est la période d'observation appropriée ? Quelle est la bonne mesure de la performance financière - rendement des actifs, bénéfice net, ratios de dépenses opérationnelles, flux de trésorerie disponibles, croissance des revenus, ou une combinaison de ces mesures ? Pour les valorisations de marché, les prix de marché sont-ils suffisants, ou doivent-ils être ajustés en fonction de la volatilité et de la liquidité ?

L'hypothèse communément répandue est que le marché obligataire considère les entreprises avec de meilleures notations ESG comme présentant un meilleur risque crédit. Ainsi, les obligations de ces entreprises devraient avoir des rendements ajustés à leurs risques. Or, les observations récentes des comportements des marchés financiers ont montré que les écarts de crédit des obligations de ces entreprises ne présentaient pas de corrélation significative avec les notations ESG. En revanche, les variations de coefficients étaient importantes selon les secteurs.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer pourquoi les investisseurs obligataires semblent ignorer les scores ESG dans leurs décisions d'investissement.

Tout d'abord, les pratiques de notation de crédit sont bien établies et les agences de notation de crédit sont généralement plus cohérentes dans leurs évaluations que les agences de notation ESG. Les investisseurs obligataires pourraient donc estimer que les scores ESG n'apportent que peu de valeur ajoutée à leurs évaluations des risques de crédit.

De plus, même si les investisseurs obligataires reconnaissent la pertinence des informations véhiculées par les scores ESG, ils pourraient ne pas considérer les risques mesurés par ces métriques comme les plus importants et les plus déterminants sur le plan financier.

L'investisseur en obligations est principalement préoccupé par l'obligation contractuelle de l'entreprise d'effectuer les paiements de service de la dette en totalité et en temps voulu. Ainsi, bien que la diversité des employés et la structure du conseil d'administration puissent être des éléments importants dans les notations ESG, les acheteurs d'obligations pourraient ne pas les considérer comme particulièrement ou suffisamment critiques, à tout le moins à ce stade, dans leur processus décisionnel.

La prise en compte et la reconnaissance de la notation ESG, dans les décisions d'investissements en obligations, ne semble pas encore être un critère ou un facteur incontestable, par opposition à la notation de crédit classique. Cela passera certainement par une plus forte normalisation des méthodes d'évaluation et de notation ESG mais aussi par la démonstration de leur caractère incontournable.

Les auteurs de la Tribune : Stéphane Ballanger est Expert comptable - Commissaire aux comptes, Analyste financier - Maitre de conférences associé et Emmanuel Millard est Président de l'ICFOA, Secrétaire général Groupe ENDRIX, VP Sorbonne Business School, Expert-comptable.





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