Cap sur la gestion globalisée de la paie à l'international
La gestion de la paie est une mission complexe, chronophage et sensible. A fortiori quand elle se décline à l'international. Une gestion locale et éclatée est loin d'être optimale car, bien souvent, elle ne permet pas une vision générale rapide. C'est pourquoi de plus en plus d'entreprises s'orientent vers une globalisation et une externalisation de cette mission.
Près des deux tiers des entreprises estiment qu'un modèle global présente de nombreux bénéfices, au premier rang desquels figurent la disponibilité, la qualité et la consolidation des données, révèle Philippe Favard, partner France chez EY. Dans certains pays, les tiers en charge de la paie sont, en effet, parfois sous-performants. Or, pour piloter leurs ressources humaines, les entreprises ont besoin d'une qualité uniforme des données pour des reportings consolidés. L'objectif est d'obtenir rapidement des données comparables quel que soit le pays et de pouvoir en tirer des enseignements.
"Cela permet, par exemple, de comprendre pourquoi la masse salariale augmente dans certains pays et d'y apporter une réponse adaptée", fait valoir Jean-Baptiste de Charette, CEO de GlobePayroll. Le paiement de trop d'heures supplémentaires peut ainsi cacher un besoin en recrutement, tandis que le versement excessif de primes doit questionner sur la pertinence du système de rémunération variable.
Néanmoins, certaines entreprises peuvent être réticentes à l'idée d'entreprendre ce chantier, tant la paie est un domaine hautement sensible. "Les entreprises touchent à leur système de gestion de paie seulement lorsqu'elles y sont obligées, constate Jean-Baptiste de Charette. Or, à partir d'un certain nombre d'entités à l'étranger, adopter un système de paie globalisé devient nécessaire pour des raisons d'analyse, de rationalisation et de conformité. "
Conformité de la paie : un enjeu capital
"Chaque pays conçoit et enrichit, chaque jour, son millefeuille législatif et ses conventions collectives, même au sein de l'UE", reconnaît Carlos Fontelas de Carvalho, président d'ADP France. Ainsi, d'un pays à l'autre, les calculs diffèrent, tout comme les déclarations sociales, la gestion des absences, le temps de travail ... Ce qui nécessite une expertise pointue sur chaque pays afin d'être en conformité.
Or, "au vu des législations divergentes et fluctuantes, il est difficile pour une entreprise de rester à jour", commente Carlos Fontelas de Carvalho. Ce qui plaide en faveur de l'externalisation, car les prestataires, dont c'est le coeur de métier, sont staffés pour assurer une conformité constante. La tendance est donc à la globalisation, mais aussi à l'externalisation, selon les experts interviewés.
Par ailleurs, disposer d'un seul prestataire simplifie automatiquement la gestion. "Pour les entreprises qui ont une croissance rapide à l'international, c'est un souci en moins à gérer", souligne Pauline Durot, expert-comptable et directrice au sein de PwC Entreprises. Une offre de service unique avec un seul interlocuteur, capable de s'adapter aux besoins actuels et futurs, permet de maîtriser les coûts et leur prévisibilité. "L'externalisation est aussi un moyen de contourner la problématique du recrutement de gestionnaires paie à l'international, rares sur le marché", ajoute Carlos Fontelas de Carvalho.
Un management de projet classique
Avant de vous lancer, sachez que, comme pour tout projet, le préalable est la rédaction d'un cahier des charges, qui nécessite un audit précis de l'existant et des besoins à court ou même à moyen terme. Il faudra aussi arbitrer sur la solution qui vous convient le mieux : une suite logicielle ou l'externalisation de la fonction (parfois jusqu'au versement de la paie), voire une solution hybride en étant autonome sur certains pays et en déléguant la gestion dans d'autres.
Tout est possible ! "Aujourd'hui, il n'existe aucune solution de paie réellement globale sur le marché, indique Jean-Baptiste de Charette. L'offre existante correspond plutôt à un contrat de service unique reposant sur des gestions locales, ce qui n'est pas complètement optimal. Il peut, notamment, y avoir des décalages dans les remontées d'informations."
Puis vient l'heure de l'appel d'offres ou de la mise en concurrence des prestataires. Leur couverture géographique sera, par exemple, déterminante. À titre indicatif, EY et ADP revendiquent une couverture de l'ensemble des continents avec 150 pays. Idem pour PwC présent dans 136 pays. La suite GlobePayroll couvre, elle, 15 pays (plus bientôt l'Asie) en partenariat avec SD Worx et ambitionne, à terme, de proposer une offre vraiment globalisée. Après la sélection de l'offre adéquate, les choses sérieuses commencent avec, entre autres, les phases de préparation technique, de reprise des données, puis les tests fonctionnels.
Afin de sécuriser le déploiement du projet, une période transitoire de préparation de paie en double est opportune : les bulletins de salaires sont édités en parallèle par l'ancien et le futur système afin de comparer les écarts et d'apporter des correctifs. "En cas de changement de logiciel, cela permet de vérifier que la prise en main de l'outil par les collaborateurs est satisfaisante, analyse Jean-Baptiste de Charette. La question est de savoir sur combien de mois et sur quels mois doit porter la double paie afin de mener des tests sur des cas généraux et particuliers, comme lors du versement du treizième mois. "
Quant à la durée de mise en oeuvre du projet, elle est forcément très variable, en fonction du nombre de pays concernés, de la taille du groupe et de son organisation. Le chantier peut prendre de 6 à 12 mois avant d'être pleinement opérationnel. "Un tel projet est clairement un investissement en ressources - financières, humaines... - , qui nécessite de conduire le changement, avertit Pauline Durot. Mais le ROI est rapide : entre 18 et 24 mois."
Le coût de la paie : en moyenne 200 € par salarié et par an en Europe
Sur la base d'une estimation moyenne des coûts RH annuels de 1 500 € par ETP, la paie et la gestion s'élèveraient à 450 €, selon le livre blanc L'externalisation de la paie en Europe publié par ADP. La paie elle-même représenterait un peu moins de la moitié de cette charge, soit environ 200 € par ETP (sans compter les coûts cachés comme l'informatique).
Mais son coût peut varier dans des proportions significatives en fonction de la complexité de la législation, du secteur d'activité, de la taille de l'entreprise et de son organisation. Le coût de la paie peut ainsi passer de 100 € à quatre fois plus lorsque la législation est complexe. De tels écarts modifient également le poids relatif de la paie dans l'ensemble des coûts de la fonction RH. À titre d'exemple, en Italie, la paie peut représenter plus de 35 % des coûts RH d'une entreprise contre seulement 10 % au Royaume-Uni.
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