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Trésorerie : quels impacts des retards de paiement sur la santé financière d'une entreprise ?

Selon la Banque de France, 65 764 défaillances ont été enregistrées en 2024, en incluant uniquement les redressements et liquidations judiciaires. Un chiffre considéré comme historique. Or, les problèmes d'impayés représenteraient environ 25 % du total des faillites d'entreprises. Quels sont les points d'alerte à surveiller pour éviter ces risques ? Quelles solutions mettre en place dans les directions financières ? Décryptage.

Publié par Christina Diego le - mis à jour à
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Trésorerie : quels impacts des retards de paiement sur la santé financière d'une entreprise ?

Selon les données de la Banque de France, 65 764 défaillances ont été enregistrées en 2024, en incluant uniquement les redressements et liquidations judiciaires. En y ajoutant les sauvegardes (1 500 à 2 000 cas par an), ce chiffre atteint environ 67 800 défaillances, un seuil significatif. Ce rattrapage reflète les effets différés de la crise sanitaire et des aides massives de l'État, notamment le « quoi qu'il en coûte ».

« Cela concerne beaucoup de sociétés dans les secteurs du commerce et du retail, dans l'hébergement, la restauration et la construction, qui sont historiquement trois secteurs où il y a le plus de défaillances », précise Nicolas Flouriou président de AFDCC (Association Française des Crédits Managers et Conseils). « Ces chiffres restent à relativiser, car ils intègrent des entreprises dites « zombies », qui auraient dû disparaître entre 2020 et 2022, mais ont survécu grâce aux aides publiques ». En 2025, les prévisions indiquent une hausse continue, avec un potentiel de 68 000 à 70 000 défaillances. Mais comment anticiper les risques majeurs pouvant entraîner des défauts de paiement voire la cessation de l'entreprise ?

Quels sont les facteurs à risques ?

Parmi les signes annonciateurs de ce record de défaillances, il y a tout d'abord eu la fin des aides publiques. En effet, « la fin des reports de charges sociales (URSSAF) et fiscales a exacerbé les tensions de trésorerie pour de nombreuses entreprises », souligne-t-il. Ces recouvrements, amplifiés en 2023, ont atteint un niveau normalisé en 2024.

Autre facteur déterminant, le coût élevé de l'énergie qui a largement peser dans la trésorerie de certaines entreprises et qui devrait encore avoir des répercussions. Les entreprises consommatrices en énergie continueront de subir des coûts élevés, bien que les prix aient légèrement baissé par rapport à leur pic de 2024. Ces coûts restent cependant largement supérieurs aux niveaux d'avant 2019.

Le contexte géopolitique, « entre la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient et les incertitudes autour de Taïwan ont affecté les chaînes d'approvisionnement mondiales. Ces conflits, couplés à une crise politique dans plusieurs pays de l'OCDE, freinent les investissements et amplifient l'incertitude économique », accorde Nicolas Flouriou.

L'impact des retards de paiement

En parallèle, durant l'année 2024, les retards moyens de paiement ont augmenté d'un jour par rapport à 2023, atteignant 13 à 14 jours de retard moyen, selon les données de l'Observatoire des Délais de Paiement. Ce chiffre contraste avec les 11 jours de retard observés en 2019, une année où les délais étaient jugés acceptables. Certaines enquêtes vont même jusqu'à rapporter 17 jours de retard, ce qui souligne une tendance préoccupante. « Ce qui est intéressant, c'est que toutes les enquêtes prévoient une augmentation notable d'une année à l'autre », précise le président de l'AFDCC.

Les retards de paiement sont particulièrement préoccupants pour les grands groupes, qui enregistrent 4 à 5 jours de retard supplémentaires par rapport à la moyenne nationale. « Cette situation est d'autant plus inquiétante qu'elle ne semble pas liée à des problèmes de trésorerie, mais plutôt à des processus comptables lourds, impliquant un grand nombre d'intervenants et des logiciels trop rigides, voire des factures rejetées pour des erreurs minimes, comme des écarts d'un centime », détaille Nicolas Flouriou.

D'un point de vue macro-économique, ces retards de paiement entraîneraient près de 15 milliards d'euros de moins dans la trésorerie des PME par an. « En France, au global, on oscille entre 53 et 56 milliards d'euros chaque année », indique-t-il. Pour endiguer ce phénomène, il existe des solutions et mécanismes que les directions financières peuvent mettre en place.

Le recouvrement, un enjeu majeur

« Le recouvrement est le métier de la finance qui est le plus en lien avec la clientèle. Il y a donc un aspect majeur qui est la relation client financière afin que le client soit rassuré et souhaite continuer à travailler avec le fournisseur en question. C'est vraiment un enjeu majeur et on a tendance un peu à l'oublier », analyse Nicolas Flouriou.

Le credit management repose sur deux volets principaux : le curatif (recouvrement) et le préventif (anticipation des risques). « Avant d'accorder un délai de paiement à un client, il est essentiel d'évaluer sa solvabilité, d'identifier les garanties possibles et de comprendre ses processus de facturation et de validation », rappelle Nicolas Flouriou.

Pour minimiser les risques de factures impayées ou de retards, les Daf peuvent veiller à appliquer une facturation claire et conforme en interne. « L'analyse de solvabilité joue un rôle clé pour travailler avec des clients fiables et limiter les risques financiers », indique-t-il. L'évolution des pratiques, notamment via l'anticipation, permet de mieux gérer les impayés, « même si garantir un paiement à 100 % reste rare ».

Le rôle clé du credit manager

Certaines entreprises disposent en interne de spécialistes dédiés au credit management. Leur rôle est de gérer le portefeuille client pour sécuriser un chiffre d'affaires durable, « c'est-à-dire réellement encaissé ». Selon Nicolas Flouriou « Même des entreprises rentables avec des marges positives peuvent faire faillite faute de trésorerie, si leurs créances ne sont pas payées à temps. L'objectif principal est donc de limiter le risque client pour protéger la société ». Un second aspect clé consiste à favoriser la croissance en ciblant des secteurs et des clients solvables, afin de soutenir un développement durable et sécurisé du chiffre d'affaires.

Le credit management joue un rôle clé au-delà de la gestion des risques, en soutenant la prospection commerciale. « Les mêmes données financières utilisées pour évaluer la solvabilité des clients peuvent guider les équipes commerciales et marketing vers des secteurs d'activité ou des types de clients prometteurs », précise Nicolas Flouriou. Cette collaboration étroite avec les services commerciaux est un atout stratégique pour développer le chiffre d'affaires. Cette tendance devrait s'intensifier dans les années à venir, avec davantage de credit managers impliqués dans ces synergies, un débouché naturel pour la profession.

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