La blockchain en quête d'une nouvelle réglementation
Technologie émergente qui promet de révolutionner l'économie et les échanges, la blockchain doit avant tout bénéficier d'un cadre réglementaire et fiscal, clair et lisible. Une condition rappelée mercredi 10 octobre 2018 lors de la 1re édition du Blockchain Day organisée à Paris.
La blockchain ? Un moyen de "relancer la France dans la course économique", selon Pierre Person, député de la 6e circonscription de Paris et rapporteur de la mission d'information sur les monnaies virtuelles. En ouverture de la 1re édition du Blockchain Day organisé au Palais Brongniart à Paris mercredi 10 octobre 2018, l'élu LREM a reconnu que la blockchain, cette technologie de stockage et de transmission d'information jugée prometteuse pour son haut niveau de transparence et de sécurité, allait "structurer l'économie de demain". "Elle permettra de redonner de la souveraineté et du pouvoir à l'individu, aujourd'hui dans les mains de tiers", a-t-il insisté. Des tiers qui sont, aujourd'hui, essentiellement les banques et les pouvoirs publics.
Si de nombreux pays s'intéressent à la blockchain, la France doit, selon l'élu, avoir "un système fiscal et légal fiable et lisible" pour permettre l'émergence de pépites, attirer les investisseurs étrangers et limiter l'expatriation des entreprises françaises spécialisées.
Un avis semble-t-il partagé au-delà des frontières françaises. "Aujourd'hui, nous avons besoin de règles car la transparence doit être assurée pour les entreprises, les clients et les investisseurs", a par exemple appelé Chern Yung, spécialiste en développement et growth hacking pour Huobi Global, une plateforme de négociation de cryptoactifs.
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Un enjeu de stabilité aussi pour la technologie elle-même. La récente spéculation excessive autour de la technologie Bitcoin témoigne de l'exigence d'apporter un environnement plus régulé aux clients et aux investisseurs : "les cryptomonnaies sont de plus en plus volatiles. L'écosystème blockchain n'est pas aidé par les bulles et les instabilités", explique de son côté Guillaume Burkel, CMO d'Archos
Un cadre juridique et fiscal pour les cryptomonnaies
L'écosystème français commence à voir les lignes bouger. Que ce soit le politique ou le monde économique, les travaux sur le sujet avancent. Deux missions parlementaires sont au travail sur les sujets de la blockchain et des cryptomonnaies. Et trois rapports ont été présentés cette année ou le seront prochainement.
Le marché des cryptomonnaies et des ICOs n'est pas non plus oublié. Pour limiter au maximum l'émission de jetons numériques frauduleux, la France s'est décidée à formuler un cadre légal pour la blockchain. Jusqu'ici, l'absence de cadre empêchait la qualification juridique des jetons émis et rendait plus flou et risqué les investissements réalisés.
À travers le vote de la loi Pacte, intervenu mardi 9 octobre 2018, le législateur a donc validé la création d'un visa, optionnel, délivré par l'Autorité des marchés financiers (AMF) à tous les acteurs qui souhaiteraient émettre des jetons (ou tokens) sur le marché français. L'objectif vise à mieux protéger les clients mais également à garder et attirer les investisseurs qui utilisent cette technologie.
Cette liste blanche est soumise à plusieurs critères, tels que le fait d'être une personne morale immatriculée en France, respecter une obligation de transparence ou ne pas émettre un jeton qui aurait été déjà régulé à travers un titre de capital ou de créance par exemple. De même, les banques, jusqu'ici réticentes, seront tenues d'ouvrir un compte aux porteurs de projets ayant obtenu ce visa.
D'autre part, les cryptomonnaies vont bénéficier d'une remise à plat de leur fiscalité. Si Pierre Person a assuré que le passage d'un cryptoactif vers un autre cryptoactif ne sera pas fiscalisé, le fait générateur de l'imposition sur les gains réalisés interviendra au moment de sa transformation en monnaie fiduciaire, c'est-à-dire lors de sa conversion en euro ou en dollar par exemple.
La fiscalité appliquée sera alors la même que celle appliqué aux revenus du capital avec le prélèvement forfaitaire unique (PFU, ou flat tax), à un taux de 30 %. "La question de la fiscalité est un des freins identifiés", a fait savoir Pierre Person pour qui ce taux permettra de proposer un "mécanisme stable visant à favoriser l'investissement dans les cryptomonnaies".
Il n'empêche, si la blockchain s'affirme comme un type de registre à même de transformer les échanges économiques, la perspective de voir la blockchain chambouler l'organisation financière actuelle à court terme reste faible. Marten Nelson, cofondateur et CMO de Token, une plateforme bancaire britannique, estime que le système n'est pas près d'être remplacé par la blockchain. "Le système financier est encore géré par les banques centrales, les banques et les États. Le changement qui apparaîtra, c'est qu'ils vont se saisir de la blockchain comme d'une technologie pour améliorer et sécuriser les transactions", explique-t-il.
Un avis partagé par Balazs Deme, CEO de la plateforme financière décentralisée Herdius, qui anticipe "une longue transition" et ajoute que "les banques commencent seulement à se digitaliser". De quoi laisser une marge de manoeuvre suffisante aux acteurs de se saisir des opportunités offertes par la blockchain et d'établir un cadre légal propice à son essor.
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