Comment faire face au mur de la dette ?
Après avoir bénéficié du PGE, du chômage partiel et du report de certaines charges, les entreprises vont désormais devoir rembourser leurs dettes. Des mesures doivent être mises en place pour éviter de se noyer sous une vague de dettes.
Malgré les nombreuses annonces d'entreprises placées en redressement judiciaire, le plus fort de la crise n'a pas encore eu lieu : les réelles difficultés débuteront dans quelques mois. "Aujourd'hui les trésoreries des entreprises ne sont pas encore trop impactées par cette crise car elles bénéficient encore des dispositifs proposés : décalages de charges sociales, report des échéances d'emprunt et de crédit bail, souscription de Prêts Garantis par l'Etat, demandes d'activité partielle. Par ailleurs, l'activité économique se remet en place, ce qui permet de générer de nouveau des flux de trésorerie. La question de la trésorerie va se situer un peu plus tard, lorsqu'il va falloir commencer à s'acquitter de cet endettement imprévu, intervenant dans un contexte économique très dégradé", observe Virginie Vellut, expert-comptable et commissaire aux comptes.
Il s'agit donc de d'ores et déjà mettre en place des mesures pour éviter que la deuxième vague de cette crise, celle du remboursement, ne fasse couler son entreprise.
Des prévisions fiables
Pour pouvoir faire face au mur de dettes qui va se présenter, il est important d'estimer sa taille. Il s'agit donc de mettre en place des prévisions solides. "Les prévisions de trésorerie doivent être fiables pour savoir à partir de quel moment les problèmes risquent de se présenter", indique Frédéric Cossais, directeur financier de transition.
Pour Virgine Vellut, c'est la prise en compte du niveau d'endettement qui est essentielle : "Il faut que chaque dirigeant aujourd'hui face un état de sa situation au regard de l'endettement afin de déterminer sa charge mensuelle de remboursement. D'autre part, il faut désormais réévaluer la capacité de l'entreprise à rembourser cet endettement. Il convient donc après analyse de ces 2 éléments de faire des projections de trésorerie, à 6, 9 et 12 mois afin de s'assurer de la capacité à faire face aux dettes présentes dans les conditions d'exploitations actuelles".
Il faut donc savoir précisément à partir de quand la dette devra être remboursée mais aussi anticiper l'évolution du business pour prévoir l'entrée de cash. "Ce n'est pas évident car on ne sait pas comment la situation va évoluer. Il faut établir des scénarios en se basant sur le rythme avec lequel l'activité reprend, en anticipant une deuxième vague, en se questionnant sur l'évolution de la consommation, etc...", énumère Frédéric Cossais.
Négocier avec les banques
Ces scénarios permettront de mieux piloter son entreprise mais aussi de rassurer les financeurs, et notamment les banques : il faut leur montrer des prévisions solides afin de renégocier avec elles. Frédéric Cossais pense qu'il est important de commencer à restructurer sa dette avant que la situation ne se dégrade et donc de débuter les négociations le plus tôt possible. "L'objectif n'est pas forcément de réduire sa dette, car c'est quasiment mission impossible sans se placer en procédure collective, mais de l'étaler dans le temps", précise Frédéric Cossais.
Il est également possible de faire appel au capital investissement. "Le problème c'est qu'il s'agit d'une solution assez chère. Mais les entreprises qui ont déjà des actionnaires peuvent négocier une augmentation de capital afin de renforcer le bilan. Cela permet d'apporter du cash qui n'est pas de la dette", explique Frédéric Cossais. Il faut là encore convaincre les actionnaires de remettre au pot en construisant des scénarios séduisant pour le futur.
Virginie Vellut reconnaît que le capital-investissement présente des avantages, puisque cela permet de renforcer la trésorerie et de produire un effet de levier auprès des financeurs. "Il y a cependant quelques inconvénients dont notamment celui d'une temporalité différente entre les projets du chef d'entreprise et les attentes du fonds d'investissement dont l'échelle de temps est souvent limité à 10 ans. La sortie de l'investisseur est donc à prévoir, c'est une contrainte non neutre en terme de liquidité pour l'entreprise", avertit-elle.
Suivre les créances clients
Pour bien piloter son entreprise et la faire passer le mur de dettes, il faut aussi des indicateurs adaptés. "Il est impératif de mettre en place des outils de suivi de trésorerie. Chaque dirigeant doit à partir des projections réalisées à 6, 9 et 12 mois vérifier que les hypothèses retenues sont correctes. Étant donné le climat de très grande incertitude, il est nécessaire de réadapter en permanence le niveau d'activité et de suivre comme le lait sur le feu le paiement des créances clients : l'entreprise n'a pas vocation à être le banquier de son client", met en garde Virginie Vellut.
L'expert comptable invite également à veiller à son niveau de stocks, afin de ne pas trop le faire monter, mobilisant ainsi de la trésorerie, tout en le gardant à un niveau suffisant pour ne pas être dépendant d'une rupture d'approvisionnement.
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