[Tribune] Réforme de la formation : faut-il maintenir ou supprimer l'investissement formation en 2016 ?
La réforme de la formation professionnelle introduit une nouveauté essentielle dès 2016 : l'obligation de former ses salariés remplace l'ancienne obligation de dépenser au titre du plan. Dès lors, quel intérêt à maintenir l'investissement formation ?
La réforme de la formation professionnelle, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2015, modifie profondément les règles de fonctionnement du système de formation continue à la française. Depuis de nombreuses années, l'investissement formation était en effet perçu par nombre de dirigeants essentiellement comme une obligation légale de dépense, dont les bénéfices concrets en termes de performance pour l'entreprise faisaient rarement l'objet d'une attention spécifique.
Avec la loi du 5 mars 2014, la logique de l'investissement formation est profondément modifiée.
En effet, l'ancienne obligation de dépenser un pourcentage de la masse salariale en formation est remplacée par l'obligation de former. Concrètement, l'effort de financement de la formation professionnelle réside désormais dans une contribution unique réduite, à hauteur de 1% de la masse salariale pour les entreprises de dix salariés et plus.
Une fois cette contribution versée, chaque employeur est donc libre de mettre en place le plan de formation qu'il pense le plus adapté à son entreprise, sans contrainte de montant. La formation des salariés, n'étant plus une obligation financière, devient de ce fait un investissement volontaire au service de la stratégie de l'entreprise. Mais alors, faut-il, dès 2016, sanctuariser et pérenniser les anciens budgets formation, et, si oui, quel est l'intérêt réel de cet investissement ?
Les bénéfices (réels) des dispositifs de formation
Depuis les travaux de l'économiste Américain Gary Becker, dès 1965, qui a défini le concept de capital humain, nous savons que les dispositifs de formation peuvent contribuer à développer de façon significative cet " actif " clé de toute entreprise. Plus récemment, en France, des chercheurs en sciences sociales comme Philippe Zarifian ont démontré dans de nombreuses études les liens évidents entre compétence des salariés et performance de l'entreprise.
On considère habituellement que le capital humain d'une entreprise est constitué de trois éléments : les compétences des salariés, les expériences des salariés, et enfin leurs savoirs. Le capital humain peut donc s'acquérir par la formation, se préserver et se développer.
Mesurer, de façon objective, les bénéfices réels de l'investissement formation, désormais volontaire, est essentiel, même pour les dirigeants les plus éclairés, et les plus convaincus des liens entre compétence des salariés et performance de l'entreprise, devront malgré tout réaliser des arbitrages financiers sur la base d'arguments clairs.
Exiger une mesure du ROE de vos dispositifs de formation actuels
La plupart des organismes de formation sont aujourd'hui équipés de systèmes de mesure du ROE (Return on Expectations). Ces outils RH, souvent informatisés, permettent de vérifier la montée en compétences effective des salariés grâce à la formation. On parle souvent d'atteinte des objectifs pédagogiques, ou encore d'évaluation à froid du retour sur attentes. Il ne faut donc plus hésiter à exiger ce type de mesure pour chaque programme de formation.
Examiner la possibilité de disposer d'une mesure du ROI de ces mêmes dispositifs de formation
De façon plus rare, certains organismes de formation vous proposent désormais une mesure du ROI du dispositif de formation. Ce type de mesure consiste à définir des indicateurs de résultat chiffrés de l'impact performance de la formation. Il faut être très prudent sur la nature des indicateurs choisis, dans ce cadre, et bien vous assurer que les variables externes à la formation (concurrence, événements marquants dans l'environnement ou sur le marché sur la même période) ne viennent pas induire des variations de ces indicateurs, en positif ou négatif.
Ici, le ROI peut également se définir comme la mesure du bénéfice chiffrés en termes d'amélioration de ces indicateurs de performance, et les coûts générés par le dispositif de formation lui-même.
Définir de façon précise les indicateurs de performance à développer
...et s'assurer que les dispositifs de formation servent bien ces objectifs stratégiques.
Il s'agit de définir clairement les enjeux stratégiques pour l'entreprise à court et moyen terme, et d'aligner les objectifs de formation sur ces derniers. Si ce principe semble relever du bon sens, et est aux fondements des politiques de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, il reste néanmoins très souvent négligé.
En synthèse, il existe un bénéfice réel et démontré à maintenir et développer l'investissement formation. Des salariés bien formés, dont les compétences évoluent et s'adaptent aux besoins sans cesse requis par leur métier et leur environnement, restent un levier majeur d'innovation, de compétitivité, et de performance de l'entreprise. Il faut néanmoins aujourd'hui exiger des responsables RH, ou des organismes de formation, des indicateurs de résultat de ces investissements, à travers la mesure du ROE ou du ROI des dispositifs de formation.
L'auteur
Caroline Maujonnet est directrice associée d'Impakteo, société spécialisée dans les outils d'évaluation du ROI formation et de mesure du capital humain. Diplômée de Sciences Po Paris et d'HEC Montréal, elle intervient, depuis plus de quinze ans, comme consultante RH sur les sujets liés à la GPEC et au développement des compétences, en France et à l'international.
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