Un an après ... Vers un télétravail idéal ?
La pandémie a rendu le télétravail nécessaire et, en un an, son principe est désormais acquis pour tous, salariés comme chefs d'entreprise. Le télétravail fait partie de nos modes de travail et de vie. Quel est le challenge à présent ? Analyser les écueils rencontrés pour bâtir un télétravail idéal.
Parmi les salariés qui ont télétravaillé durant le confinement, une large majorité (75%) souhaite continuer l'expérience au cours des prochains mois. Idem selon le dernier baromètre des DRH : pour 58% d'entre eux, le télétravail est appelé à durer et à devenir permanent.
En revanche, tout le monde n'est pas d'accord sur la durée idéale.
La question porte donc sur son aménagement ; comment en limiter les effets négatifs afin d'en tirer tous les bénéfices, côté salarié comme côté employeur.
1. Que pouvons-nous tirer comme expérience de cette année de télétravail ?
Le retour d'expérience de la période de confinement a montré :
Lire aussi : Télétravail : quels sont les droits des employeurs ?
- les avantages du télétravail : ils sont indiscutables
En effet, les télétravailleurs ont constaté une meilleure qualité de vie, une diminution de la fatigue physique liée aux transports et une amélioration de la productivité.
- mais également les limites de cette pratique et les risques associés avec notamment un renforcement des inégalités et l'apparition de fragilités.
En effet, les managers se trouvent confrontés à organiser le travail de leurs collaborateurs tout en étant attentifs à repérer les situations de fragilité.
Aux douleurs physiques s'ajoutent les difficultés psychologiques. Les télétravailleurs qui ont d'abord apprécié le télétravail, se sentent de plus en plus mal au fil des mois. La perte de relations avec les collègues est ressentie comme une forme de solitude et se traduit par des états de stress ou d'angoisses inhabituels.
Dr Olfa Jouini, médecin du travail, nous rapporte que les salariés en télétravail rencontrent des troubles médicaux (troubles musculo squelettiques, phlébites, troubles du sommeil...).
Le risque de burn out est également accru car la frontière entre la sphère professionnelle et personnelle devient floue. 45% des salariés estiment que leur charge de travail est plus importante en télétravail qu'en présentiel : difficile pour certains de décrocher quand l'ordinateur est allumé sur la table de la salle à manger...
Tout ceci est confirmé par un sondage Harris Interactive réalisé mi-avril pour le ministère du Travail qui indique que 47 % des actifs qui travaillent à distance estiment se sentir isolés et 34 % pensent que le télétravail augmente le stress.
Enfin, le " small talking " entre collègues est remplacé par des discussions " utiles " en visio. La créativité qui naît à travers les échanges informels se perd : les réunions ne permettent que du " right to the point " rapporte également le Docteur Jouini.
Alors comment peut-on capitaliser sur notre expérience de cette dernière année ?
2. Comment construire le télétravail idéal ?
Le code du travail définit le télétravail comme " toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication " (Article L1222-9 du Code du travail).
En réalité, il ne s'agit pas seulement de déplacer son lieu de travail. Le télétravail suppose une véritable réorganisation du travail, tant dans ses aspects purement professionnels que dans la dimension para-professionnelle.
Pour être à la fois efficace du point de vue du chef d'entreprise et bien vécu du point de vue des salariés - chacun sait que l'un ne va pas sans l'autre - le télétravail doit se construire, voire mieux encore, se co-construire avec les salariés comme y engage l'ANI du 26 novembre 2020 " pour une mise en oeuvre réussie du télétravail " en incitant à la négociation.
En dehors des sujets habituels (et nécessaires) à intégrer dans un accord sur le télétravail - les salariés éligibles, le nombre de jours, le calendrier, les frais, etc. - d'autres réflexions méritent d'être envisagées comme gages de réussite :
- En amont,faire l'analyse de l'organisation idéale de son entreprise en fonction de son activité, de son effectif, des fonctions de chacun, de la manière de travailler des uns et des autres, des interactions entre les équipes, de la façon d'avancer efficacement dans les projets : chaque entreprise a ses spécificités et commencer par les mettre au jour, en échangeant avec les représentants du personnel et les salariés permet de passer du télétravail contraint causé par la Covid 19 à un nouveau mode d'organisation choisi et adapté à l'entreprise.
- Une fois les principes d'organisation posés, se laisser de la souplesse : période test, clause de rendez-vous ... Dans le dessein d'aller vite pour encadrer le télétravail, beaucoup se retrouvent aujourd'hui coincés avec des règles trop rigides et de ce point de vue, le caractère mouvant des dispositions légales est aussi à prendre en compte ...
- Repenser les modes de communication : même si, dans la majorité des entreprises, le télétravail n'a pas vocation à rester à 100%, la dispersion des salariés rend nécessaire une réflexion sur la meilleure manière de communiquer. La créativité déployée par les entreprises au cours des derniers mois peut y aider : événements virtuels type " café quotidien ", journée hebdomadaire imposée pour tous au bureau, jeux, challenges en équipe etc.
Certains, à l'image d'Emilie Lebrun, présidente de Whodunit, agence Web créée en 2009, y voit même l'opportunité de modifier sa communication interne : en choisissant de résilier ses locaux en 2017 pour passer au 100% télétravail, elle explique en avoir profité pour investir l'économie réalisée dans des moments de partage qualitatifs. Elle rapporte également avoir modifié sa propre manière de communiquer, en devenant plus transparente sur l'entreprise, les salaires etc. (La Croix - 28/06/2020)
- Repenser le management : le télétravail apparaît aussi comme l'opportunité de changer de culture à cet égard. Une fois assuré que les salariés ont l'autonomie suffisante pour effectuer leurs tâches, ou une partie d'entre elles, en télétravail, celui-ci peut conduire à favoriser l'autonomie et la confiance, aspirations majeures des salariés. Passer d'un management du contrôle ou du temps passé à un management du résultat.
Ces thèmes ne sont pas exhaustifs. Chaque entreprise pourra bien sûr en ajouter d'autres. La réflexion est ouverte. A chacun de la nourrir pour construire son propre télétravail idéal.
Ce qui est sûr c'est que le travail à distance est le challenge du XXIème siècle et il commence dès maintenant....
Pour en savoir plus
Johanne Mauchand, membre de Emerize, avocat en droit social, et cofondateur de Neptune AARPI
Catherine Sauvat, consultante en management et président d'Emerize
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