Lois de finances : les principales dispositions impactant PME et ETI en 2015
Intégration fiscale horizontale, régime mère-fille, rachat par une société de ses propres titres, obligation documentaire en matière de prix de transfert, les lois adoptées en fin d'année comportent leurs lots de modifications. Tour d'horizon avec Maître François Amsallem.
Les textes dont sont issues les dispositions qui suivent sont : la loi de finances pour 2015 (L. n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, publiée au Journal Officiel n° 0301 du 30 décembre 2014) et la seconde loi de finances rectificative pour 2014 ( L. n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, publiée au Journal Officiel n°0301 du 30 décembre 2014 ) .
1) Création d'un régime d'intégration fiscale horizontale
Le régime de l'intégration fiscale est aménagé (2ème LFR 2014, article 63) , afin de le mettre en conformité avec le droit communautaire, en tirant les conséquences de la décision " X AG " de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE 12 juin 2014, affaire C-40/13).
Il est désormais possible de constituer un groupe fiscalement intégré entre sociétés françaises, filiales à 95 % au moins d'une même mère étrangère (appelée " entité mère non-résidente ") soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés dans un État membre de l'Union Européenne (UE) ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale: à savoir : Islande, Norvège et Liechtenstein.
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Ces sociétés françaises peuvent être indirectement détenues par l'intermédiaire de " sociétés étrangères " remplissant les mêmes conditions que l'entité mère non-résidente.
Exemple: une société française, détenue à au moins 95 % par une entité mère non-résidente, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'une société étrangère, peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés pour un groupe fiscal intégré constitué d'elle-même (en tant que " société mère "), des autres sociétés françaises détenues dans les mêmes conditions, et de leurs filiales françaises. Les résultats de l'entité mère non-résidente et des sociétés étrangères ne sont pas compris dans le périmètre de l'intégration fiscale.
Des corrections sont apportées au résultat d'ensemble du groupe fiscal horizontal, afin d'éviter les risques de double imposition ou de double déduction à raison d'opérations réalisées avec l'entité mère étrangère ou une société étrangère (neutralisation des dividendes, des provisions, des abandons de créances et subventions, des plus-values de cession intra-groupe, des intérêts en cas de sous-capitalisation et réintégration des charges financières au titre de l'amendement Charasse).
Il est à noter que le passage d'un groupe fiscal classique à un groupe fiscal horizontal entraîne les conséquences d'une sortie de groupe, à la clôture de l'exercice qui précède celui au titre duquel est exercée l'option pour l'intégration horizontale.
Le nouveau dispositif s'applique aux exercices clos à compter du 31/12/2014. Toutefois, des précisions sont attendues au sujet de ses modalités d'application à l'exercice clos au 31/12/2014, le délai de constitution d'un groupe horizontal (05/05/2014 au plus tard) étant expiré pour cet exercice.
Nota bene
Les sociétés qui souhaiteraient se prévaloir d'une intégration fiscale horizontale au titre d'exercices clos avant le 31/12/2014 (cas de filiales françaises bénéficiaires, qui auraient pu imputer sur leurs résultats d'exercices non prescrits des déficits générés par une ou plusieurs sociétés soeurs françaises) ont la possibilité de déposer une réclamation contentieuse couvrant les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, sur le fondement de la décision de la CJUE du 12/06/2014, en vue d'obtenir la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté à tort.
L'auteur
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2) Durcissement du régime mère-fille
Le régime mère-fille est modifié (2 ème LFR 2014, art. 72), afin d'en exclure les produits de participation issus de bénéfices déductibles du résultat de la filiale distributrice. L'exclusion ne concerne que la proportion des bénéfices distribués déduite du résultat de la filiale.
Cette mesure vise à éliminer le risque de double exonération des bénéfices (lors de leur réalisation, puis lors de leur distribution) pouvant résulter de la différence de traitement juridique et fiscal des distributions (instruments hybrides) dans les Etats membres de l'Union Européenne.
Elle s'applique aux exercices ouverts à compter du 01/01/2015.
Nota bene
Il n'est pas encore précisé si la nouvelle exclusion est circonscrite aux distributions décidées au titre de ces exercices ou si elle concerne également les distributions du bénéfice réalisé au titre d'un exercice clos en 2014 et mises en paiement en 2015.
3) Rachat par une société de ses propres titres
Dans un objectif d'uniformisation, le régime de taxation hybride des sommes attribuées aux associés dans le cadre d'un rachat de titres en vue d'une réduction de capital non motivée par des pertes, associant impôt sur les revenus distribués et impôt sur les plus-value, est abrogé (2ème LFR 2014, article 88).
Les sommes reçues en contrepartie de rachats de titres effectués à compter du 01/01/2015 sont désormais exclusivement imposées selon le régime des plus-values, que l'associé soit une personne physique ou une personne morale, qu'il soit domicilié en France ou à l'étranger, et quelle que soit la procédure utilisée (rachat en vue d'une réduction de capital non motivée par des pertes, rachat en vue d'une attribution aux salariés ou rachat opéré dans le cadre d'une plan de rachat d'actions).
Nota bene
Cette mesure a pour effet de faire sortir les opérations de rachat de titres du champ d'application de la contribution de 3 % sur les revenus distribués due par la société rachetant ses propres titres, et, le cas échéant, de la retenue à la source appliquée aux sommes remboursées à ses associés non-résidents.
En revanche, elle conduit à alourdir la charge fiscale supportée par l'associé personne morale établi en France et détenteur d'une participation au moins égale à 5 % dans la société dont les titres sont rachetés. Dans le meilleur des cas, la plus-value réalisée sera imposée selon le régime applicable aux plus-values de cessions de titres de participation (exonération, sous réserve de la réintégration d'une quote-part de frais et charges de 12 %), alors que ces sommes étaient auparavant traitées comme des produits de filiales susceptibles d'ouvrir droit au régime mère-fille (exonération, sous réserve d'une quote-part de frais et charges de 5 %).
4) Obligation documentaire en matière de prix de transfert
L'amende applicable en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à la mise en demeure de fournir ou compléter la documentation relative aux prix de transfert que certaines entreprises sont tenues de mettre à la disposition de l'administration en cas de contrôle fiscal est portée (LF 2015, article 78) au plus élevé des montants suivants :
- 10.000 euros ;
-0,5 % du montant des transactions concernées par les documents ou compléments, qui n'ont pas été mis à disposition de l'administration après mise en demeure ;
- 5 % des bénéfices transférés (rectifications du résultat fondées sur les dispositions de l'article 57 du Code général des impôts et afférentes aux transactions soumises à l'obligation documentaire).
Ces nouvelles sanctions sont applicables aux contrôles pour lesquels un avis de vérification est adressé à compter du 01/01/2015.
Nota bene
Auparavant, l'amende était de 10.000 euros ou, compte tenu de la gravité des manquements, de 5 % des bénéfices transférés. Désormais, elle peut atteindre 0,5 % du montant des transactions susvisées, qui peut représenter l'intégralité du chiffre d'affaires de la société.
5) Régularisation des transferts de bénéfices à l'étranger
Les sociétés qui font l'objet d'une vérification de comptabilité conduisant à des rectifications au titre de bénéfices transférés à l'étranger ou pour paiements dans un territoire soumis à un régime fiscal privilégié peuvent dorénavant (2ème LFR 2014, article 79) engager une procédure de régularisation, afin de ne pas être soumises au paiement de la retenue à la source (au taux de 30 %, sous réserve de l'application des conventions internationales) sur les rehaussements qualifiés de revenus distribués.
La procédure de régularisation requiert le respect des quatre conditions suivantes :
· le redevable doit en faire la demande écrite, avant la mise en recouvrement des rappels de retenue à la source ;
· le redevable accepte, dans sa demande, les rehaussements et pénalités en matière d'impôt sur les sociétés et qui ont fait l'objet de la qualification de revenus distribués ;
· les sommes qualifiées de revenus distribués par l'administration sont rapatriées en France au profit du redevable, dans un délai de 60 jours à compter de la demande ;
· le bénéficiaire des sommes qualifiées de revenus distribués n'est pas établi dans un Etat ou un territoire non coopératif.
La mesure est entrée en vigueur le 31/12/2014 et devrait s'appliquer à toutes les procédures en cours à cette date dans lesquelles des rappels de retenue à la source n'ont pas encore été mis en recouvrement.
Nota bene
Le nouveau dispositif a pour objectif d'inciter les entreprises à régulariser, afin de régler plus rapidement les procédures de contrôle en matière de prix de transfert et d'assurer un encaissement immédiat des rappels d'impôts sur les sociétés et pénalités.
L'opportunité d'y recourir dépendra des conventions fiscales applicables, car certaines d'entre elles permettent d'éliminer la retenue à la source sur les revenus distribués. Par ailleurs, elle ne prive pas les entreprises de la possibilité d'engager une procédure contentieuse, voire une procédure amiable entre Etats dans l'hypothèse où les sommes redressées n'ouvriraient pas droit à déduction à l'étranger.
6) Cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière
La règle d'assiette spécifique des droits d'enregistrement dus en cas de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière en vigueur depuis 2012 (valeur réelle des biens et droits immobiliers détenus directement et indirectement par la société, sous déduction du seul passif afférent à l'acquisition de ces biens ou droits immobiliers) est supprimée (2ème LFR 2014, article 55) .
Elle est remplacée, pour les cessions réalisées à compter du 31/12/2014, par la règle d'assiette qui lui était antérieurement applicable. Ainsi, le droit de vente est désormais liquidé sur le prix exprimé et le capital des charges qui peuvent s'ajouter au prix, ou sur une estimation des parties si la valeur réelle est supérieure au prix augmenté des charges.
7) Autoliquidation de la TVA due à l'importation
Les personnes assujetties à la TVA et titulaires d'une procédure de domiciliation unique (PDU) ont la possibilité d'autoliquider la TVA due à l'importation en France sur leur déclaration de chiffre d'affaires CA3, au lieu d'en effectuer le paiement lors du dédouanement auprès de la Direction générale des douanes et des droits indirects (2ème LFR 2014, article 52) .
La procédure d'autoliquidation de la TVA due à l'importation est optionnelle. L'option prend effet le premier jour du mois suivant celui de la demande et prend fin le 31 décembre de la troisième année suivante. Elle est renouvelable par tacite reconduction par période de trois années civiles.
Le nouveau régime s'applique aux opérations d'importation dont le fait générateur intervient à compter du 01/01/2015.
Et aussi
Deux nouvelles taxes en région Ile-de-France
1) Les entreprises établies dans la région Ile-de-France peuvent se voir appliquer deux nouvelles taxes (LF 2015, article 77) à compter du 01/01/2015 :
· une taxe annuelle sur les surfaces de stationnement en Ile-de-France , annexées à des locaux professionnels et dont la superficie est supérieure à 500 m 2 . La taxe est due par les propriétaires des surfaces de stationnement et les titulaires de droits réels portant sur celles-ci. Son tarif au mètre carré varie entre 1,22 € et 4,22 € pour 2015, en fonction de la circonscription dans laquelle les surfaces de stationnement sont situées ;
· une taxe additionnelle spéciale annuelle, due par les entreprises assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties et/ou à la cotisation foncière des entreprises dans les communes de la région d'Ile-de-France.
2) Majoration de la taxe sur les surfaces commerciales
Une majoration de 50 % du montant de la taxe sur les surfaces commerciales est introduite en 2015 pour les entreprises dont la surface de vente excède 2.500 m 2 (2ème LFR 2014, article 46).
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