[Interview] Vincent Ricordeau, de KissKissBankBank : "Avec le crowdfunding, nous sommes dans une phase structurante pour le financement des PME"
Le cadre juridique du financement participatif, ou crowdfunding, a été précisé par un décret entré en vigueur le 1er octobre 2014. Le point de vue de Vincent Ricordeau, fondateur de KissKissBankBank, qui vient de lancer la plateforme Lendopolis, dédiée au financement des PME.
Quel est votre regard sur la nouvelle législation qui encadre le financement participatif ?
Cette loi représente une bonne première étape, puisqu'elle nous permet de poser les choses dans le marbre, et ce, pour la première fois. Les acteurs du crowdfunding avaient besoin d'un cadre en France pour être identifiés et crédibles. Jusqu'à présent, nous étions vus comme des trublions ou des utopistes. Surtout, avec cette loi, on a réussi à faire sauter le verrou du monopole bancaire. La France était le seul pays européen à toujours pâtir de ce verrou. Mais il reste encore beaucoup à faire, de choses à discuter. C'est notamment le cas de la fiscalité, un pan béant qu'il va falloir traiter très vite. Le statut d'intermédiaire en financement participatif, qui vient d'être créé, a été traité sur le plan réglementaire mais pas sur le plan fiscal. Nous allons par exemple nous battre pour que les particuliers qui investissent puissent au moins déduire les pertes de leurs revenus.
Qu'est-ce que cette loi change pour les PME ?
Il va désormais être beaucoup plus facile pour ces entreprises de se financer via le crowdfunding. On passe d'une forme de système D à un vrai canal de financement pour les PME. Désormais, ces entreprises peuvent lever jusqu'à 1 million d'euros, même si peu d'entreprises atteignent ce plafond. Dans les années à venir, le crowdfunding devrait être un canal de financement très important. Forbes anticipe un marché de 1 000 milliards de dollars dès 2020. Nous avons des preuves tangibles qui montrent que nous sommes dans une phase structurante pour le financement des PME. La prochaine grande étape est d'autoriser les entreprises à se prêter entre elles. Il n'y a aucune raison pour que les PME qui ont de la trésorerie ne puissent pas prêter à celles qui en manquent. Or, réglementairement, c'est impossible en France aujourd'hui.
Plusieurs formes de crowdfunding existent : le don, le prêt, l'equity... Lequel est le plus adapté au financement des PME ?
Tout dépend de la nature de l'entreprise et de son projet. Par exemple, le don fonctionne uniquement si l'entreprise a un produit dont elle peut faire profiter les investisseurs. Il est par ailleurs plutôt conseillé pour les entreprises en phase de démarrage, avec des projets créatifs ou innovants. Les entreprises plus matures, à partir de deux ans, se tournent plutôt vers le prêt. C'est pourquoi nous avons créé une nouvelle plate-forme, baptisée Lendopolis. Cette solution a été lancée le 1er octobre, en même temps que le nouveau cadre législatif. Elle permet aux PME de se financer directement auprès des particuliers. Elles peuvent aller chercher des fonds entre 10 000 et 1 million d'euros. C'est l'outil idéal pour les Daf qui ont actuellement de grandes difficultés à trouver des financements pour supporter la croissance de leur entreprise. Concrètement, le Daf s'inscrit en quelques clics sur notre plate-forme, à l'aide d'un numéro SIREN et de bilans prévisionnels validés par un expert-comptable. Des analystes de Lendopolis étudient la cohérence du dossier. S'il est cohérent, ils attribuent une note à l'entreprise. Les intérêts qui seront versés aux investisseurs, entre 4 et 10%, sont calculés en fonction de cette note ainsi que de la durée de remboursement. L'entreprise dispose ensuite d'une période de trente jours pour lever les fonds. Dès le mois suivant, elle commence à rembourser ses investisseurs chaque mois. L'intérêt pour le Daf est de collecter de l'argent très vite, sans déposer de caution, auprès de particuliers qui peuvent devenir ambassadeurs de l'entreprise.
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