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Daf externalisé : entre garde-fou et stratège du dirigeant

Etre Daf externalisé présente des atouts stratégiques pour certaines entreprises. Rencontre avec Xavier Campion, directeur financier à temps partagé du réseau Bras Droit des Dirigeants qui revient sur les enjeux du pilotage financier externalisé, les défis des dirigeants, et les évolutions de la fonction finance dans un contexte en constante mutation.

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
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Daf externalisé : entre garde-fou et stratège du dirigeant

Le modèle du directeur financier à temps partagé est en plein essor, comment l'expliquez-vous ?

Xavier Campion : Lorsque le réseau Bras Droit du Dirigeant a démarré il y a quinze ans, c'était une sorte d'ovni. Le modèle d'avoir recours à des experts sous le format du temps partagé est au goût du jour dans les entreprises depuis peu. Auparavant, il fallait faire beaucoup de pédagogie sur deux aspects intéressants du modèle, la flexibilité en termes de temps et de coût, et l'apport d'une compétence qu'ils n'avaient pas dans l'entreprise dont ils n'avaient pas nécessairement besoin à 100 % et qui aurait un coût élevé si internalisé.

Le réseau Bras Droit couvre aujourd'hui sept expertises clés. Historiquement, il s'est développé autour de la direction commerciale, avant d'élargir son offre en ressources humaines, puis la direction générale s'est ajoutée, notamment en management de transition et en stratégie globale d'entreprise. En novembre 2019, la direction administrative et financière a intégré le réseau, suivie par la direction communication.

Quels sont les principaux atouts du Daf externalisé et pour quelles typologies d'entreprises ?

X. C. : Un directeur financier à temps partagé répartit son expertise et son énergie entre plusieurs entreprises, quelle que soit leur taille, qu'il s'agisse d'une TPE réalisant 200 000 euros de chiffre d'affaires ou d'une PME atteignant 20 millions. L'enjeu est d'apporter la même qualité d'accompagnement et d'adaptabilité à chaque client.

L'organisation du temps de travail se fait donc en fonction des besoins spécifiques de chaque entreprise. En moyenne, un Daf externalisé suit entre deux et dix clients, avec une répartition flexible et optimisée pour répondre aux exigences de chacun.

Sur le segment des PME de 20 à 250 salariés, notre rôle consiste à proposer un support à un encadrement déjà existant ou en cours de structuration. Nous intervenons de manière très opérationnelle, tout en prenant davantage de recul stratégique pour accompagner le dirigeant. Nous agissons véritablement en « bras droit », en aidant à structurer des équipes financières qui peuvent être limitées dans leur développement. Notre mission est alors d'apporter du pragmatisme et du management, en débloquant des situations parfois figées par un manque de vision à long terme ou une gestion trop quotidienne.

Quels sont les principaux défis que rencontrent les entreprises qui font appel à vous ?

X. C. : Il s'agit le plus souvent de répondre à un véritable manque de visibilité de la part des dirigeants. Pour imager la situation, c'est comme s'ils étaient au volant d'un bolide lancé à pleine vitesse - que ce soit en phase de croissance ou en difficulté - mais sans tableau de bord, sans indicateurs et sans maîtrise de leur trajectoire. Ils avancent à l'aveugle, sans outils de pilotage et souvent dans une grande solitude face à leurs décisions stratégiques.

Notre rôle est d'apporter des solutions adaptées aux problématiques rencontrées : pilotage du cash, recherche de financements via différents leviers, mise en place d'indicateurs et de tableaux de bord, rationalisation des coûts ou encore analyse des contrats pour s'assurer d'une gestion optimale des dépenses. En fonction des besoins, nous pouvons intervenir ponctuellement sur une problématique spécifique ou proposer un accompagnement plus long terme avec une présence régulière dans l'entreprise, à temps partagé. L'enjeu principal reste toujours le même : structurer la gestion et donner aux dirigeants les outils nécessaires pour piloter leur entreprise, qu'il s'agisse d'accompagner une croissance ou de traverser une période difficile.

Quels types de missions vous confient les entreprises ?

X. C. : Notre mission repose sur une démarche opérationnelle, à l'inverse d'un mode consulting classique. Nous ne nous contentons pas de conseiller ou de définir une stratégie : nous sommes dans l'entreprise, sur le terrain, à mettre en oeuvre des actions définies avec le dirigeant. Cela signifie que 9 fois sur 10, nous travaillons physiquement chez nos clients, en réalisant concrètement les missions nécessaires : création et suivi de tableaux de bord, analyse des coûts de revient, structuration et présentation de dossiers de financement avec business plan, ou encore accompagnement stratégique.

Notre force réside aussi dans la diversité et la complémentarité de notre réseau. Nous sommes aujourd'hui 45 Daf répartis sur le territoire national, avec des parcours et des expertises variées. Cette pluralité nous permet de répondre à une large gamme de besoins, en nous appuyant sur les compétences spécifiques de chacun. Ainsi, nous restons toujours en phase avec notre savoir-faire tout en garantissant à nos clients un accompagnement robuste et adapté à leurs problématiques.

Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de devenir Daf externalisé ?

X. C. : Après plusieurs expériences en tant que salarié, aussi bien dans des grands groupes que dans des structures plus petites, j'ai ressenti une certaine frustration : empiler des chiffres sans en percevoir réellement l'impact ne me convenait plus. Comme beaucoup, j'ai ressenti le besoin de donner du sens à mes actions, que ce soit sur le plan professionnel et personnel. À l'été 2020, après quelques déconvenues, cette quête de sens dans mon métier et mon expertise s'est imposée comme une évidence.

De manière assez inattendue, j'ai découvert à la fois le concept du temps partagé et le réseau Bras Droit du Dirigeant, et cela a été un véritable déclic. L'idée de mettre mon expertise au service d'entreprises, non plus pour un employeur unique, mais pour des clients ayant un besoin concret et immédiat, m'a immédiatement séduit. Savoir que chaque action en entreprise a un impact direct et tangible, c'est ce qui me motive au quotidien.

Quelles différences avec un poste de Daf « salarié » ?

X. C. : La posture du Daf externalisé confère une liberté de ton et un recul qui sont parfois difficiles à adopter en interne. Un Daf externalisé joue un rôle clé dans l'entreprise : il est le garant des règles, des procédures et de la rigueur financière, mais aussi un garde-fou capable de challenger les décisions stratégiques. Cette posture d' « empêcheur de tourner en rond » est parfois compliquée à assumer en tant salarié internalisé, où des dynamiques hiérarchiques peuvent limiter la prise de parole.

Exercer ainsi m'a permis de trouver le bon équilibre, adopter le bon ton et la bonne posture au bon moment, tout en restant aligné avec les enjeux de mes clients. Cette distance professionnelle me permet d'avoir une vision plus objective et d'apporter un regard structurant, tout en accompagnant les dirigeants avec une approche pragmatique et adaptée à leur réalité.

Quels sont les marqueurs forts de la profession en pleine évolution ?

Le rôle du Daf est par nature évolutif et adaptable. Depuis toujours, il a dû s'ajuster aux grands changements des entreprises, que ce soit à travers l'évolution des organisations, des outils, de l'IT ou encore des réglementations financières et fiscales. Le directeur financier est un acteur transversal par essence très agile. De ce point de vue, rien n'a réellement changé et cette capacité d'adaptation restera une constante pour les 30 prochaines années.

Cependant, deux grandes mutations majeures sont en cours et redéfinissent le métier. D'une part, la transition numérique avec l'intégration de l'intelligence artificielle dans les processus financiers, qui nécessite une montée en compétence et une approche proactive. D'autre part, l'extension du rôle du Daf vers des enjeux extra-financiers, notamment la CSRD et la RSE, où il doit jouer un rôle clé de coordination, de vulgarisation et de garde-fou.

Enfin, la cybersécurité devient un enjeu critique : en tant que point névralgique des données et des flux financiers, le Daf doit être en première ligne pour anticiper et prévenir les risques liés aux cyberattaques. Ces évolutions ne sont pas seulement des tendances, mais des transformations profondes qui redéfinissent déjà les contours du métier.

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