Risque de stagflation : les directions financières, au coeur des arbitrages
La stagflation, qui décrit une situation économique dans laquelle se conjuguent la stagnation de l'activité économique et la hausse des prix (inflation), menace-t-elle vraiment notre économie ? Et quelles vont être les conséquences pour les entreprises et les directions financières?
La combinaison d'une forte inflation et d'une croissance économique proche de zéro. C'est ce que redoutent la plupart des économistes. Si l'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie fin février a entrainé une incertitude considérable pour les perspectives économiques dans l'Union européenne et a provoqué une nouvelle envolée des prix de l'énergie, Christine Lagarde, la présidente de la Banque Centrale Européenne estime que la stagflation peut être évitée. Dans le scénario le plus pessimiste, la BCE envisage une croissance d'environ 2% en 2022 pour la zone euro. « Nous sommes plutôt actuellement dans un contexte d'impact de hausse des prix de l'énergie et des matières premières, ce qui entraîne des perturbations assez fortes sur les chaînes logistiques », pense également Maryse Lecutier, associée EY consulting. Si le risque de stagflation semble pour l'instant écarté, il pourrait devenir un scénario crédible à moyen terme. « Il va probablement falloir s'inquiéter en 2023 car nous allons subir de plein fouet le choc de l'offre et de la demande. Si le conflit se résout rapidement, on pourra en partie gommer les effets de la crise. Si les sanctions persistent, les effets collatéraux seront beaucoup plus longs », estime pour sa part Frédéric Saunier, directeur général de Diapason, un éditeur de logiciel de trésorerie.
Renforcer les fonctionnalités de prévision
Des incertitudes qui posent plusieurs dilemmes aux entreprises. La hausse des prix des matières premières vient augmenter les coûts de production des entreprises, réduire leur capacité de production, et les pousser à augmenter les prix de leurs biens pour conserver leurs marges bénéficiaires. « La direction financière est au coeur de ses arbitrages. Les perspectives de croissance, qui restent fragiles, nécessitent un pilotage au plus juste », rapporte Maryse Lecutier. Les Daf vont devoir moderniser leur budget, renforcer les fonctionnalités de prévision, de contrôle et d'alerte, tracer le cash et bien anticiper sur la façon de financer les pertes de liquidités. « Les entreprises pourraient être tentées de rationaliser leurs coûts fixes et variables, de remettre en question leurs dépenses en matière de recherche, de développement, de marketing, et des actions d'optimisation en matière d'énergie, notamment celles qui en utilisent beaucoup au quotidien », ajoute Maryse Lecutier. Les directions financières vont sans doute également devoir accélérer les rentrées de cash. Une démarche qui va être d'autant plus importante en période de crise, car elle participe également à la prévention du risque contre les impayés ou les retards de paiement.
Se pose également la question d'une hausse du coût de la dette. L'argent emprunté va-t-il coûter plus cher aux entreprises ? Pour les experts, il est vraisemblable que la politique de rachat de dette se poursuive, ce qui écarte un risque de taux d'intérêt en Europe. « Il serait contreproductif d'augmenter les taux. Cela gripperait la reprise économique. La politique européenne de soutien aux investissements et un accès aux liquidités importants a évité la récession pendant la crise sanitaire », constate Maryse Lecutier.
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