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« Une transmission doit s'anticiper, tant au niveau de la gouvernance qu'au niveau patrimonial » Bernard Reybier (Fermob)

En matière de transmission, et plus particulièrement de transmission familiale, l'ETI Fermob fait figure d'exemple. Avec un mot d'ordre : l'anticipation.

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« Une transmission doit s'anticiper, tant au niveau de la gouvernance qu'au niveau patrimonial » Bernard Reybier (Fermob)

Selon l'association des Admi­nistrateurs professionnels indépendants associés (APIA), le dirigeant de PME/ETI prend rarement le temps de préparer cette étape cruciale de la transmission. Et pour cause ! Selon l'asso­ciation : « La route à suivre pour bien transmettre son entreprise ne se cantonne pas seulement à la recherche de repreneurs. Diagnostics préalables, modes de transmission multiples, valorisation financière et extra-financière, gouvernance, reconversion personnelle... Le processus est long (entre 6 et 10 ans en moyenne) et souvent semé d'embûches. » Un processus que Fermob, fabricant rhônalpin de mobilier extérieur (chiffre d'affaires 2022 : 165 millions d'euros ; 600 salariés) dirigé depuis 1989 par Bernard Reybier (70 ans), a lui bien anticipé au contraire depuis déjà plusieurs années. Le processus s'est accéléré ces ­derniers mois.

Modèle de gouvernance renouvelé

« J'ai passé le cap des 70 ans, j'aspirais à un peu moins d'intensité quotidienne dans le travail, mais je ne souhaitais pas pour autant me retirer et ne plus avoir aucun rôle dans l'entreprise. Je compte rester impliqué encore longtemps dans Fermob, il s'agit pour le moment d'anticiper. Nous avons réfléchi à un nouveau modèle de gouvernance dans lequel tout le monde serait gagnant », raconte Bernard Reybier qui avait jusqu'ici la double casquette de président et de directeur général. Depuis l'année dernière, c'est une gouvernance à deux têtes qui s'est installée : d'un côté le père qui endosse le rôle de président, de l'autre le fils Baptiste, 40 ans, qui assure désormais la fonction de directeur général. Ce dernier avait rejoint l'entreprise il y a une quinzaine d'années et avait évolué progressivement sur différents postes, il participait au conseil d'administration depuis dix ans et était membre du comité de direction depuis cinq ans. Ces trois dernières années, il assurait la fonction de directeur général délégué.

« C'est un parcours construit et réfléchi, je ne voulais rien lui imposer. Nous avons contractualisé moralement la transmission de l'entreprise il y a seulement cinq ans, lorsque Baptiste m'a indiqué clairement qu'il souhaitait poursuivre l'aventure entrepreneuriale », raconte Bernard Reybier, expliquant qu'il s'était d'ailleurs préparé à différents types de scénarios vis-à-vis de sa succession. De manière concomitante, la direction a été renforcée avec le recrutement d'un directeur financier groupe et d'un directeur commercial international. Le conseil d'administration s'est par ailleurs doté de deux nouveaux comités : marque et stratégie d'acquisition. « C'est une étape de transmission, certes, mais il n'y a pas de date de fin. Quand mon père se retirera, nous resterons peut-être sur ce mode de gouvernance à deux voix. Nous sommes convaincus que ce système à double tête est très intéressant pour la performance de l'entreprise : il permet d'impliquer ­l'ancien PDG sur le long terme avec moins d'opérationnel, mais un soutien rapproché sur les questions stratégiques », précise Baptiste Reybier. « D'autres entreprises dans la région ont d'ailleurs adopté aussi ce mode de gouvernance : Seb, Mérieux, etc. Pour les partenaires de l'entreprise, pour les salariés, c'est un gage de sécurité. » Pour l'APIA, dans une optique de transmission (intrafamiliale ou pas), « la mise en place de dispositifs de bonne gouvernance n'est plus désormais une option. La gouvernance s'impose comme à la fois la solution pour répondre aux objectifs de pérennité, d'impact positif, mais également pour le futur acquéreur comme l'assurance d'une mécanique saine des processus de prise de décision et de la recherche de performance ». Bernard Reybier partage par ailleurs la gouvernance de la holding familiale, détenant Fermob avec ses trois enfants : Baptiste et ses deux soeurs. Un conseil de famille a été instauré il y a quatre ans, en parallèle du conseil d'administration.

Anticiper (aussi) la transmission patrimoniale

Côté patrimonial, la famille Reybier a là aussi joué la carte de l'anticipation. Le processus a été entamé il y a une dizaine d'années. « Avec le pacte Dutreil notamment, la France dispose d'un cadre économico-fiscal favorable à la transmission familiale si elle est anticipée », estime Bernard Reybier, par ailleurs président du réseau AuRA Family Business Network. « Le pacte Dutreil est extrêmement intéressant avec cet abattement de 75 % assujetti à un engagement de six ans. Il assure la stabilité de l'entre­prise. Les débats actuels autour d'une possible remise en cause de ce dispositif sont incompréhensibles, car il a largement fait ses preuves », complète le directeur général de Fermob. Une nouvelle étape de transmission devrait s'ouvrir prochainement avec l'ouver­ture du capital (le pourcentage n'est pas déterminé), sous trois ans, à l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise.

Le pacte Dutreil, une spécificité française en danger ?

Dernièrement, le pacte Dutreil, dispositif créé en 2003 pour favoriser la transmission intrafamiliale des entreprises françaises, a été chahuté lors du projet de loi PLF 2024. Il serait jugé comme un outil d'optimisation fiscale trop important d'un point de vue du droit successoral. De nombreuses voix se sont élevées contre ce projet de détricotage du pacte Dutreil pour préserver le tissu économique. Sur les 5 400 ETI que compte la France, près d'une sur deux sera amenée à changer de dirigeant dans les 10 prochaines années, selon une étude KPMG et le METI sur la transmission des ETI familiales en France, publiée à l'occasion des 20 ans du pacte Dutreil. Ce pacte a été utilisé par 90 % des dirigeants interrogés, qui saluent son existence. Ainsi, 2 000 pactes Dutreil auraient été signés en moyenne chaque année entre 2018 et 2020, contre 700 entre 2008 et 2009. Néanmoins, malgré les dispositions de ce pacte, 61 % d'entre eux estiment que l'environnement juridique et fiscal français est encore peu favorable à la transmission des entreprises familiales et que sa mise en oeuvre reste complexe.

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